23 avril : Dimanche de la Divine Misericorde

Tout au long de la semaine sainte, je vous ai souvent proposé comme un jeu de rôle en vous suggérant d’imaginer ce qui se serait passé, ou ce qui se serait dit si vous aviez été à la place de Jésus. Il me semble, et je vous promets que ça sera la dernière fois, que, ce dimanche, nous pouvons encore faire cet exercice qui nous permettra de comprendre bien des choses.

Comme toujours, il faut remettre le texte dans son contexte. Nous sommes au soir du 1° jour de la semaine précise le texte d’évangile, c’est à dire que c’est le soir de Pâques. Les disciples sont rassemblés dans une maison complètement verrouillée tant ils ont peur de subir ce que Jésus vient de subir. Au petit matin, Pierre et Jean ont fait une petite sortie pour aller jusqu’au tombeau vérifier ce que Marie Madeleine toute affolée est venue leur dire : le tombeau est vide. Pierre et Jean y sont allés en courant, peut-être pour vérifier le plus rapidement possible, moi, je pense, plus sûrement qu’ils ne voulaient pas rester trop longtemps dehors, alors ils courent pour revenir dans ce lieu sécurisé le plus vite possible. C’est ce qu’ils font ! Il est bien dit que Jean en voyant le tombeau vide et les linges posés a cru, n’empêche que Pierre et Jean rentrent vite et s’enferment à nouveau avec les autres.

L’ambiance ne devait pas être extraordinaire dans cette pièce où ils se trouvaient. Bien sûr, ils étaient habités par un immense chagrin, Jésus était mort après des souffrances horribles. Mais il y avait aussi le poids de la culpabilité qui les étreignait. D’abord, ils n’étaient plus que onze et cette place laissée vide par Judas qui s’était pendu était comme un doigt accusateur pointé en direction de chacun d’eux : et toi, qu’as-tu fait ? Pierre devait ruminer son triple reniement, repassant en boucle, dans sa tête, ses paroles de lâcheté, revoyant le regard de Jésus se poser sur lui et il y avait ce chant du coq qui revenait sans cesse dès qu’il essayait de s’endormir. Quant aux autres, ils avaient également du temps pour repenser à leur lâcheté puisque pas un n’avait eu le courage de faire quelque chose pour défendre le maître. St Jean qui avait été le seul fidèle était peut-être épargné par cette culpabilité même s’il pouvait s’en vouloir de ne pas avoir su aider ses compagnons à rester fidèles jusqu’au bout. Et ce matin, il en manquait un, Thomas qui était sorti, peut-être parce qu’il n’en pouvait plus de cette ambiance sinistre. Il préférait affronter les risques dehors plutôt que de se laisser mourir à petit feu dans cette déprime générale.

C’est dans ce contexte que Jésus vient au milieu d’eux. Alors, c’est là que l’exercice qui consiste à se mettre à la place de Jésus peut devenir assez riche d’enseignements. Moi, si j’avais été à la place de Jésus j’aurais dit : vous êtes déprimé les gars, je comprends, il y a vraiment de quoi ! Est-ce que vous vous rendez compte que les souffrances que vous m’avez infligées étaient peut-être encore plus terribles que tous les coups de fouet, les crachats, les chutes sur le chemin avec cette croix qui me broyait, puis les clous. Vous que j’avais choisis entre tous, vous avec qui j’ai passé tant de temps au cours de ces trois années, vous sur qui je comptais pour répandre l’Évangile, vous m’avez tous laissé tomber. Et toi, Pierre, à qui j’avais confié la mission de devenir solide comme un roc, tu te rends compte de ce que tu as fait ? Vous pouvez être déprimé, les gars et je vous promets que ce n’est pas fini, des nuits blanches vous allez encore en passer. Qui sème le vent récolte la tempête !

Mais heureusement Jésus est bien différent de moi ! Quand il arrive parmi eux, il sait tout ce qu’ils sont en train de ruminer, alors, la première parole qu’il leur dit, c’est : « La paix soit avec vous. » Et on peut imaginer que cette parole, il l’a prononcée avec un ton qui montrait bien qu’ils ne s’agissait pas de simples mots prononcés quand on ne sait pas quoi dire ou d’une formule de politesse. D’ailleurs, cette parole, il l’accompagne d’un geste : il montre ses mains et son côté. Ses mains, bien sûr, elles portent la marque des clous et sur son côté, le coup de lance reçu sur la croix a laissé une trace. S’il leur montre ses blessures, ce n’est surtout pas pour rajouter de la culpabilité en les accusant d’avoir tant souffert à cause d’eux puisque personne ne l’a défendu. Non, il leur montre ses blessures après avoir dit : la paix soit avec vous. C’est comme s’il leur disait : je n’ai pas souffert cela à cause de vous, mais pour vous ! Ces marques sont désormais les marques de mon amour pour tous les hommes et pour vous en particulier. Et comme si ça ne suffisait encore pas, il leur renouvelle sa confiance en les envoyant en mission et pour que cette mission ne les écrase pas, il leur donne un acompte d’Esprit-Saint. Et ce n’est encore pas fini ! Eux qui se sont montrés de si grands pécheurs dans les jours qui viennent de s’écouler, il leur donne le pouvoir de remettre les péchés. La miséricorde de Jésus à leur égard dépasse vraiment tout ce qu’on peut imaginer !

Alors, on comprend que les apôtres, comme le dit l’Évangile, aient été remplis de joie. Non seulement, ils voyaient Jésus vivant, ressuscité mais, en plus, il ne leur faisait aucun reproche, au contraire, il semblait les aimer encore plus. Vous comprenez aussi pourquoi, en l’an 2000, Jean-Paul II a décidé d’appeler ce dimanche le dimanche de la divine miséricorde. C’est sûr que, dans cette première rencontre de Jésus ressuscité avec ses apôtres, la miséricorde éclate de manière inouïe. Et 8 jours plus tard quand Jésus reviendra, il reprendra pour Thomas qui était absent, la même parole, le même geste pour bien montrer que personne ne peut se retrouver privé de miséricorde. Vraiment, Jean-Paul II a eu parfaitement raison d’appeler ce dimanche, le dimanche de la divine miséricorde. Et on le comprend encore mieux quand on accepte de faire le petit exercice que je proposais : imaginer comment les choses se seraient passées si nous avions été à la place de Jésus.

En ce dimanche de la divine miséricorde, nous pouvons et même nous devons nous interroger sur notre pratique de la miséricorde. Il peut nous arriver de dire : lui, elle, je ne lui pardonnerai jamais, avec ce qu’il m’a fait, non, ce n’est pas possible ! Mes amis, est-ce que quelqu’un parmi nous a reçu plus d’ingratitude que Jésus dans sa passion ? Je ne le pense pas, tout ce que j’ai retracé des humiliations et souffrances endurées par Jésus montre que lui, il a eu la totale, comme on dit.

Alors, si lui a pardonné, pourquoi nous, nous refuserions de pardonner ? Vous allez me dire : mais moi, je ne suis pas Jésus ! Je n’ai pas sa force ! C’est tout à fait vrai, mais j’ai quand même envie de souligner deux points. Le 1°, c’est d’être précis : tu ne peux pas pardonner ou tu ne veux pas pardonner ? C’est très important de faire la distinction. Ne pas pouvoir, ça se comprend, de fait, nous ne sommes pas Jésus. Mais ne pas vouloir, quand on est chrétien, ça ne peut pas se comprendre, ni se justifier !

Du coup, le 2° point, c’est de bien comprendre que si tu ne peux pas, Jésus, lui, il peut te donner sa force. Puisque lui, il l’a fait, il peut te donner sa force, sa grâce pour que, peu à peu, tu deviennes capable de poser des gestes et dire des paroles qui, aujourd’hui te semblent impossibles. Il est mort pour toi, pour que tu deviennes capable de le faire. A quoi ça sert que Jésus se décarcasse tant si, toi tu ne comptes pas sur lui ?

Père Roger Hébert