Homélie dernier dimanche de l’Avent: mais comment tout cela va-t-il s’accomplir ?

4° dimanche de l’Avent et le même jour nous célébrons déjà Noël !
Mais il y a de la place pour chaque événement !
Je vous souhaite un Bon Noël, je vous souhaite de goûter à la grandeur de ce mystère qui s’accomplit si humblement.
P. Roger

Je vous avoue que l’une de mes grandes joies, c’est de découvrir des choses nouvelles, des significations nouvelles aux textes d’évangile. J’ai aussi bien d’autres joies, bien sûr, comme aujourd’hui par exemple, où j’accueille une grande partie de ma famille dans cette église puis pour une fondue. Certes l’événement qui nous rassemble n’est pas très joyeux puisque nous célébrons la messe anniversaire du départ de notre maman, mais elle aimait tellement nous voir réunis que ce soir, je suis sûr qu’elle partage notre joie. Mais revenons à la joie de l’évangile ! Peut-être que certains d’entre vous pensent que, nous les prêtres, à force de lire et de commenter l’évangile, nous savons tout ! Eh bien, il n’en est rien, j’espère d’ailleurs que tous mes frères prêtres sont comme moi et qu’aucun d’entre eux n’est blasé, habitué en se laissant aller à une lecture et un commentaire routinier des Ecritures. En tout cas, quand je découvre quelque chose de nouveau, une signification nouvelle, je suis toujours habité par une très grande joie. Parfois, c’est en lisant la Parole que l’Esprit-Saint me permet de découvrir cette nouveauté. Sur un texte lu et relu, une compréhension nouvelle arrive comme ça, quelle joie ! Mais la plupart du temps, c’est grâce à la lecture d’un commentaire, à l’écoute d’une homélie ou d’un enseignement que vient cette compréhension nouvelle et je bénis vraiment le Seigneur pour ceux qui me la transmettent. En principe, assez vite, quand l’occasion se présente, je vous fais bénéficier de cette découverte dans une de mes homélies.

Cette semaine, en voiture, je suis tombé sur la prière retransmise par la radio RCF01. C’était Nicole Fabre qui faisait le commentaire d’évangile, Nicole est pasteure protestante, je la connais un peu, j’ai eu l’occasion d’intervenir avec elle dans une conférence à deux voix sur les ministères. Quand elle commente l’évangile, très souvent, je trouve une perle dans ses explications et ça a été encore le cas. En parlant sur l’évangile que nous venons d’entendre, elle s’arrêtait sur la réponse de Marie à l’ange : « comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » Cette réponse de Marie est pleine de bon sens ; en effet, elle est encore une jeune fille et voilà que l’ange lui annonce, de la part de Dieu, qu’elle a été choisie entre toutes les femmes du monde pour devenir la mère de son Fils, le Sauveur qu’il envoie sur terre. Nicole Fabre expliquait donc que cette réponse de Marie était en rapport avec sa virginité : comment devenir mère dans ces conditions ?

Mais elle ajoutait et ça je ne l’avais jamais entendu que la réponse de Marie pourrait aussi être entendue « plus finement » selon son expression. Ainsi donc la remarque de Marie à l’ange : « comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » pourrait aussi vouloir dire : je ne connais pas d’homme qui soit capable d’être le père d’un tel fils ! Et là, vous me permettrez de développer librement son commentaire car l’écoute de la radio en voiture présente un inconvénient : il y a un moment où on est arrivé et on doit couper le moteur et donc la radio ! Et moi, j’étais arrivé à destination avant qu’elle n’ait terminé son commentaire ! Mais ce n’était pas grave, j’en avais assez entendu pour que ça se mette à phosphorer en moi ! A partir de maintenant, c’est donc mon commentaire, je le précise parce que je ne voudrais pas faire endosser à la pasteure Nicole Fabre des affirmations qu’elle ne signerait peut-être pas.

Comme elle a raison, Marie, de dire cela ! En effet, quel père serait capable de donner la vie à un fils correspondant parfaitement à la promesse de l’ange qui annonce : tu lui donneras le nom de Jésus, je vous rappelle que ce nom signifie littéralement Dieu sauve. Il sera grand, c’est l’attribut même de Dieu. Il sera appelé Fils du Très-Haut, on va encore plus loin dans le lien qui l’unit à Dieu. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin, bref, il sera le Messie attendu, mais un Messie encore plus grand, encore plus près de Dieu que tout ce qui avait été imaginé. Après cette énumération, la question de Marie à l’ange laisse entendre qu’elle a bien compris que c’était le début d’une histoire qui allait complètement dépasser les hommes, une histoire dans laquelle Dieu lui-même allait prendre les choses en main. Dans ces conditions, pas étonnant que Marie qui est complètement dépassée dise : mais comment tout cela va-t-il s’accomplir ?

Et vous me permettrez cette petite digression pour dire que Joseph a compris exactement la même chose. Vous savez dans l’évangile de Matthieu, il nous est dit que, lorsque Joseph apprend que Marie est enceinte, il décide de la renvoyer en secret. Si Joseph prend cette décision, ce n’est pas parce qu’il aurait eu un doute sur la moralité de Marie, pas du tout. Il a tout compris et donc, il réalise qu’il n’y a plus de place pour lui dans cette histoire si étonnante puisque c’est Dieu lui-même qui va désormais mener la danse. Joseph décide donc de se retirer sur la pointe des pieds pour ne pas être un obstacle à l’accomplissement du projet de Dieu qui veut entrer dans l’histoire des hommes en confiant une si grande mission à celle qu’il avait choisie comme épouse.

Avec ces précisions, nous comprenons un peu mieux le sens des paroles que nous disons quand nous proclamons notre foi à propos de la divinité de Jésus dans la version longue du Credo : Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu. Engendré non pas créé, de même nature que le Père ; et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ; Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme.

C’est pour cela qu’il faut refuser toutes les présentations de Jésus qui font de lui un homme extraordinaire. Jésus n’a pas été seulement un prophète plus grand que tous les autres prophètes. Jésus n’a pas été seulement un témoin de l’amour vivant l’amour mieux que tous les hommes. Jésus n’a pas été seulement un sage donnant des leçons de vie qui devraient tous nous inspirer. Toutes ces présentations qui ont peut-être un peu moins de succès maintenant mais qui ont foisonné dans les années 70 ratatinent le mystère de la foi. Si Jésus n’est qu’un homme, même s’il est un homme extraordinaire, nous ne sommes pas sauvés. Vous savez ce n’est pas un hasard si on s’est mis à compter les années à partir de cet événement de Noël, parce qu’il marque un tournant décisif dans l’histoire des hommes, c’est bien vrai, il y a un avant Jésus-Christ et un après Jésus-Christ, mais pour cela, encore faut-il ne pas ratatiner le mystère et laisser au Fils de Dieu la possibilité de déployer la puissance de son amour salvateur.