Homélie dimanche 03/09/17: Un sacré prophète ce Jérémie qui a beaucoup à nous apprendre !

Bonne semaine ! Bonne rentrée à ceux qui rentrent !

Roger

 

C’est la mode de faire des classements, et pour être branché il faut parler, par exemple du Top 10 des meilleurs footballeurs, du Top 5 des plus grands vins. Bref tout se classe dans des Tops ! Eh bien, moi, si je devais donner le Top 5 des prophètes de la Bible que je préfère, nul doute que Jérémie serait à la 1° place sur le podium. Et s’il ne fallait garder qu’un seul texte du prophète, celui que nous avons entendu en 1° lecture serait mon favori, même s’il y en a beaucoup d’autres qui sont extrêmement savoureux. Mais c’est dommage, parce que, pour le grand public, Jérémie traine une mauvaise réputation à cause d’un mot qui a sûrement été forgé par quelqu’un qui n’a jamais lu sérieusement ses écrits. Vous savez, lorsqu’une personne se plaint souvent, quand elle débite ses litanies de plaintes, on parle de jérémiades. Et vous savez comme moi, que ça finit par être fatiguant de côtoyer ces personnes qui ne savent que se plaindre. C’est ainsi que pour bien des gens, Jérémie n’est pas un prophète qu’ils ont envie de fréquenter puisqu’il se plaint continuellement ! Evidemment ceux qui n’ont prêté qu’une oreille distraite à la 1° lecture pourrait être tenté de croire que Jérémie mérite sa réputation. « À longueur de journée je suis exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : ‘Violence et dévastation !’ À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. »

Oui, c’est bien vrai, dans ce texte comme dans d’autres, Jérémie se plaint. Il faut dire que sa mission n’est pas simple, il doit annoncer que la catastrophe est imminente que les choix des rois successifs vont conduire à un quasi-anéantissement du pays. Et il en sera ainsi puisque Jérusalem va tomber aux mains de l’ennemi et qu’une bonne partie du peuple partira en déportation. Il aura dû passer 40 ans à annoncer cela pendant que les faux-prophètes, payés par le roi, annonceront, eux, la prospérité. Evidemment, tout cela lui vaudra bien des déboires, même des persécutions, le mot n’est pas trop fort, du coup, on comprend qu’il en soit fatigué et qu’il le fasse savoir à Dieu.

C’est d’ailleurs pour cela que j’aime bien Jérémie, c’est parce qu’il ne renonce jamais. Quand ça va mal, même s’il peut être tenté de le faire, il ne jette pas l’éponge, il va râler auprès de Dieu. Et c’est à chaque fois cette attitude qui va le sauver. Nous, quand ça ne va pas, nous sommes souvent tentés de nous brouiller avec le Bon Dieu et de l’abandonner. Je rencontre régulièrement des personnes qui me disent être brouillées avec le Bon Dieu et quand elles me racontent toutes les épreuves qu’elles ont dû endurer, je comprends que leur foi en ait pris un coup. Alors, quand c’est possible, même si je ne leur parle pas directement de Jérémie, je pense à lui, quand je les invite à se tourner vers Dieu pour déverser leur sac auprès de lui. Je leur explique que ce n’est pas manquer de respect à l’égard de Dieu que de lui dire : trop, c’est trop, je n’en peux plus, qu’est-ce que tu fais ? On peut aller très loin dans le dialogue avec Dieu, il n’en sera jamais offusqué. Il a tellement peur de nous perdre, il souffre tellement devant notre souffrance qu’il est prêt à tout entendre. Comme Jérémie qui lui disait, je le redis avec mes mots à moi, « tu m’as bien eu et je me suis vraiment fait avoir !» N’ayons jamais peur d’être vrai avec Dieu, le pire qui puisse nous arriver, c’est de nous brouiller avec lui en le rendant responsable de tous nos malheurs.

A chaque fois, ce qui va sauver Jérémie, c’est qu’au lieu de se renfermer sur lui-même pour ressasser son malheur et entrer dans le cercle vicieux de la désespérance, il se tournera vers Dieu pour lui crier son ras-le-bol. Ça le soulage sûrement de pouvoir vider son sac, de ne pas garder en lui tout ce négatif. C’est le premier point que j’aimerais que nous puissions garder de l’enseignement de Jérémie. Oui, comme il serait bon que nous adoptions la même attitude que lui lorsque nous sommes découragés, fatigués. Ne gardons jamais pour nous notre révolte, osons nous tourner vers Dieu, avec la même liberté que Jérémie, pour tout lui dire, pour déverser sur lui notre ras-le-bol, et n’ayons pas peur si les mots que nous utilisons ne sont pas très habituels dans une prière. Rappelons-nous que Jérémie ira un jour jusqu’à dire à Dieu : « serais-tu pour moi un ruisseau décevant aux eaux trompeuses ? ». Jér 15,18). De manière très paradoxale, la violence de ces paroles traduit la proximité du prophète avec son Dieu. Si Dieu lui faisait peur, Jérémie n’aurait jamais osé lui dire de telles paroles. Demandons pour nous-mêmes, une telle familiarité avec Dieu.

La 2° leçon que nous pourrions retenir de l’attitude de Jérémie, c’est que le fait de se tourner vers Dieu finit par lui faire reconnaître que Dieu ne doit pas être si loin de lui que ça puisqu’il arrive à tenir malgré toutes les épreuves qu’il traverse ! Je crois que nous pouvons faire la même expérience. Bien sûr, lorsque ça ne va pas, nous aimerions comprendre pourquoi. Mais il est bon de toujours nous redire que la foi ne donne aucune explication à la souffrance et aux malheurs. D’ailleurs, il faut toujours se méfier de ceux qui prétendent avoir des réponses à ces grandes énigmes de la vie. Le livre de Job les désigne sous le terme de « plâtriers de mensonge, guérisseurs de néant ! » (Job 13,4) Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance, il est venu la porter avec nous pour que le fardeau ne nous écrase pas. C’est ce qu’il annonçait dans l’évangile, lui le juste par excellence, il est prêt à donner sa vie pour passer là où nous passons quand nous sommes affrontés à la souffrance injuste. Dieu n’explique pas la souffrance, en Jésus, il est venu l’habiter pour qu’elle ne nous écrase pas. Nous pouvons l’expérimenter quand nous crions notre détresse vers lui. Dieu n’est pas un magicien, il ne peut pas tout régler par un coup de baguette magique. Par contre, il nous redit que jamais il ne nous abandonnera, que jamais nous n’aurons à porter seuls, ce qui est trop lourd pour nous.

C’est vrai la foi ne règle pas tous nos problèmes. Comme Jérémie, il pourra même nous arriver de connaître des problèmes à cause de notre foi. C’est ce que vivent les chrétiens d’Orient. Mais, la 3° leçon que nous donne Jérémie, c’est la découverte que notre Foi reste un moteur puissant dans nos vies même quand nous sommes au cœur de la tempête. Comme il est bon de réentendre la confidence qu’il faisait à la fin de la lecture que nous avons entendue : « Je me disais : ‘Je ne penserai plus au Seigneur, je ne parlerai plus en son nom.’ Mais ta Parole était comme un feu brûlant dans mon cœur, Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir. » Qu’est-ce que c’est beau ! La Parole de Dieu, l’amour de Dieu sont en nous comme un feu dévorant. C’est sûr, les épreuves nous refroidissent, mais la foi nous réchauffe, précisément parce qu’elle nous rappelle que Dieu ne nous abandonnera jamais, qu’il sera toujours à nos côtés pour porter avec nous ce qui est trop lourd pour nous. Quand nous le rejoignons au cœur de nos épreuves, demandons-lui de nous donner cette foi forte comme un feu dévorant qui nous permettra non seulement de tenir mais aussi de rejoindre tous ceux qui n’en peuvent plus et de leur communiquer un peu de ce feu qui nous aurons reçu comme un cadeau d’amour de Dieu.

Père Roger Hébert