Homélie dimanche 18/09: Soyons généreux en puisant dans cette fortune qui ne nous appartient pas !

Depuis un certain nombre d’années, on peut dire que les procès se sont multipliés pour juger des personnes suspectées d’avoir détourné de l’argent public. Et, ceux qui commettent ces malversations le font avec un tel aplomb qu’on finit par se demander si elles n’ont pas gardé de leur souvenir de caté uniquement cette parole de Jésus disant : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent. »  Oui, finalement, c’est peut-être l’une des paroles de Jésus qui est la plus mise en application par les gens qui sont loin de la Foi ! C’est vraiment étonnant de voir comme ils sont nombreux ceux qui cherchent à se faire des amis, et même beaucoup d’amis en se montrant généreux, très généreux mais avec l’argent qui ne leur appartient pas. Et le drame, c’est que si certains lisent ce passage d’Évangile, ils pourraient avoir l’impression que la bénédiction de Jésus les accompagne dans leurs malversations !

Évidemment, ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre cet évangile, ça serait quand même étonnant que Jésus donne une prime à la malhonnêteté en bafouant l’un des 10 commandements qui est finalement un pilier de la vie sociale : tu ne voleras pas. Mais, c’est vrai que ce texte est quand même un peu compliqué, de fait, Jésus ne nous invite sûrement pas à voler et pourtant je dois reconnaître qu’il nous invite à puiser dans ce qui ne nous appartient pas. Alors comment comprendre cette histoire ?

Quand on n’arrive pas à comprendre la Parole de Dieu, il faut demander au Saint Esprit de nous éclairer puisqu’il est l’inspirateur des Ecritures. Fin août, j’accompagnais une retraite prêchée par le Cardinal Barbarin, grand spécialiste des Ecritures, il nous a expliqué que, le matin, pour faire sa méditation, il prenait un évangile en lecture suivie. Et certains matins, il se rendait compte que tel ou tel verset n’était pas clair pour lui. Eh bien, nous disait-il je refuse de passer au verset suivant tant que la lumière ne pas m’a été donnée pour comprendre celui qui me fait problème. Et il nous a avoué qu’il pouvait rester plusieurs semaines sur le même verset difficile suppliant l’Esprit-Saint de l’éclairer.

Un jour, pour moi, la lumière est venue concernant ce texte. J’ai compris ce que Jésus voulait nous dire en nous invitant à nous montrer généreux en utilisant ce qui ne nous appartenait pas. En effet, Jésus a raison, car il existe bien une possibilité de puiser dans le trésor d’un autre sans être un voleur. Il suffit que cet Autre soit Dieu lui-même. On peut même dire que c’est lui qui nous supplie de puiser dans son trésor d’amour, un trésor qui ne nous appartient pas et pourtant dans lequel nous pouvons puiser sans modération pour devenir toujours plus généreux.

En effet, quand on puise dans la fortune d’Amour de Dieu, on n’est jamais un voleur ! Ne sommes-nous pas tous, depuis notre Baptême, les enfants bien-aimés du Père ? Nous avons donc accès librement à son coffre-fort d’amour, il nous en a donné la clé. Du coup, ce n’est plus compliqué d’être généreux en amour.

J’espère que chacun d’entre nous est bien persuadé qu’il n’a pas assez d’amour pour en distribuer à tous ceux qui en ont besoin. Si nous n’avions que nos réserves d’amour à distribuer, nous serions obligés de dire : je vais faire très attention de ne pas gaspiller le peu d’amour que j’ai, du coup, je ne donnerai de l’amour qu’à ceux qui le méritent ou uniquement à ceux qui pourront me le rendre. Mais non ! Puisque nous sommes les enfants bien-aimés du Père, puisque nous avons accès à son coffre-fort d’amour, ne soyons pas radins, soyons, au contraire, extrêmement généreux avec ceux qui nous sollicitent et même avec ceux qui ne nous sollicitent pas ! Distribuons largement puisque c’est dans la fortune inépuisable de Dieu que nous prenons.

Maris quand vous n’arrivez plus à aimer vos femmes ou, vous les femmes quand vous n’arrivez plus à aimer vos maris ne dites pas que c’est foutu : montrez-vous rusés : puisez dans la fortune d’amour de Dieu. Vous en étonnerez plus d’un. Les gens se diront : mais on avait cru comprendre que leur amour était à sec, où ont-ils trouvé des réserves ? Et ça marche aussi avec les enfants vis à vis des parents ou de leurs profs et vice-versa, ça marche encore avec ses voisins, avec ceux qui nous rendent la vie impossible, bref ça marche en toutes circonstances. Soyons extrêmement généreux en puisant dans cette fortune qui ne nous appartient pas !

Ceci étant dit, il y a aussi un enseignement sur l’argent dans cette parabole. Et les enseignements de Jésus sur l’argent nous dérangent toujours car, de l’argent, nous en avons tous : certains plus, et même beaucoup plus que d’autres, mais, même ceux qui en ont peu en ont quand même. Cette histoire que Jésus raconte nous interroge donc sur notre rapport à l’argent en nous posant la question suivante : Est-ce que l’argent dans ta vie est un but ou un moyen. Et cette question est essentielle car, si l’argent devient un but, alors nous sombrons dans l’idolâtrie qui est le péché le plus décrié dans les Écritures. Le combat de tous les prophètes a été un combat contre l’idolâtrie parce qu’elle empêche de vivre en Alliance avec Dieu. Dans nos vies, l’idolâtrie commence quand nous donnons une valeur d’absolu à ce qui ne doit rester que relatif, quand nous prenons pour un but, ce qui devrait être un moyen. Des idoles, il y en a pas mal et nous n’avons pas tous les mêmes. Mais, aujourd’hui, c’est sur l’idole argent que Jésus braque le projecteur et nous interroge.

Jésus dénonce l’Argent qui est l’idole la plus répandue. St Paul affirme même que tous les problèmes viennent de l’amour de l’argent. Il ne dit pas que l’argent est la source de tous les problèmes, mais, il précise que c’est l’amour de l’argent. De fait, on voit que ceux qui courent après l’argent sont capables de tout sacrifier pour en avoir toujours plus. Nous en avons eu une brillante illustration dans la 1° lecture : l’argent fait perdre la tête et il ferme le cœur. Vous voulez savoir si vous êtes concernés par ce problème ? Il y a un test très simple : où en êtes-vous par rapport à la générosité ? Quand on regarde de près, on est souvent obligé de constater que les plus riches ne sont pas les plus généreux. Jésus le faisait remarquer un jour, au Temple, en donnant une grande valeur à la pauvre offrande de cette femme qui n’avait pas donné qu’une infime partie de son superflu ! Pour évaluer sa générosité, il faut évaluer le rapport entre ce qu’on donne et ce qu’on garde.

« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Vous avez bien entendu, Jésus ne dit pas : vous ne devez pas, il dit : vous ne pouvez pas, ce n’est pas possible. Si vous servez Dieu, il vous rend libre, si vous servez l’argent, il vous asservit. A chacun de nous de choisir en étant bien conscients que chacun de nos choix ont des conséquences très concrets sur notre rapport à Dieu et aux autres.

 

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Père Roger Hébert