Homélie dimanche 19/03: Est-ce que tu crois qu’Il est prêt à “mouiller la chemise” pour toi ?

Voilà l’homélie que je vais donner cette après-midi à la basilique de la Visitation à Annecy pour la messe rassemblant groupes de prière et communautés nouvelles pour le jubilé d’or du Renouveau Charismatique.

Bonne semaine

Roger

Dans la vie, il nous arrive parfois de faire des rencontres absolument improbables. Je me souviens quand j’ai fait le chemin de Compostelle, le 1° jour, je me suis retrouvé assez vite seul sur le chemin et très heureux d’être seul. Et puis au bout d’un moment quelqu’un siffle et le dit : tu te trompes de chemin, il faut tourner de l’autre côté ! De fait, je n’avais pas vu l’indication, mais d’où venait-il celui qui me remettait sur le bon chemin ? Depuis plusieurs kilomètres, je voyais bien qu’il n’y avait personne devant et personne derrière ! Mon ange gardien, comme je l’ai baptisé m’a proposé de m’arrêter pour manger avec lui. J’ai refusé préférant marcher seul. Arrivé devant le gite qui était encore fermé, je me suis allongé dans l’herbe et j’ai fait une longue sieste. A mon réveil, il était à côté de moi, dans le gite, puisque nous sommes entrés ensemble, il a été dans la même chambre que moi. Le lendemain, il m’a proposé de marcher avec lui, j’ai accepté, mais en lui disant que je ne souhaitais pas parler en marchant, qu’on parlerait juste pour la halte de midi. A midi, on a un peu parlé de nos premières impressions, mais je ne savais rien de lui et il ne savait rien de moi. Le soir, et c’est la seule fois où ça m’est arrivé sur la totalité du chemin, nous n’étions que tous les deux dans le gite. On a donc un peu plus échangé et quand il a appris que j’étais prêtre, lui qui était d’une famille parfaitement athée m’a dit : il n’y a pas de hasard dans la vie, si on n’est que tous les deux dans ce gite, c’est qu’il fallait que, moi le mécréant, je te rencontre, toi le prêtre ! Une belle amitié est née de ces confidences partagées jusque tard ce soir là, du coup, nous avons fait toute la partie française du chemin ensemble. Plusieurs fois, il m’a dit qu’il n’aurait jamais pensé vivre une telle rencontre.

Eh bien, c’est à une rencontre toute aussi improbable que nous assistons dans cet Évangile. Mais comme l’ami Jacques, la samaritaine a fini par comprendre qu’il n’y avait pas de hasard dans la vie et que cet homme fatigué au bord du puits, c’est vraiment la Providence qui l’avait placé là à ce moment précis. Trop fort le St Esprit !

La rencontre était improbable pour des tas de raisons. D’abord, à midi, il ne devrait y avoir personne au bord de ce puits. Midi, c’est l’heure où le soleil cogne le plus fort, personne ne vient pour puiser à cette heure-là, tout le monde reste à l’ombre dans sa maison recherchant un coin de fraicheur. Tout le monde sauf cette femme qui vient justement à cette heure-là pour éviter de croiser du monde et de devoir subir les regards moqueurs que lui lancent les autres femmes qui sont parfaitement au courant de ses déboires amoureux. Quant à Jésus, lui, le soleil ne l’arrête pas, il est venu pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus, il sillonne donc le pays en long en large et en travers quelle que soit l’heure et les conditions météo ! Cette attitude de Jésus, je l’ai vraiment comprise grâce au bon Père par qui j’ai reçu le Baptême dans l’Esprit-Saint. Il était paysan dans l’âme et pour ce foyer vocationnel dont il était le directeur, il avait fait un grand jardin dans une propriété un peu éloignée de Bourg, mais un très grand jardin et il y plantait des patates. Au cours de l’été quand on allait ramasser les patates sous un soleil ardent, lui il était avec son motoculteur et il passait une fois en long, en large en diagonal et l’autre diagonale et encore comme ça. On rouspétait tous, mais pour lui pas une patate ne devait être perdue. Eh bien, c’est ainsi que Jésus pour accomplir sa mission, il sillonne le pays en tout sens quel que soit le temps pour que nul ne soit définitivement perdu ! Et c’est donc pour cela qu’il est là à cette heure-là.

Mais, il y a encore une autre raison pour laquelle cette rencontre n’aurait pas dû avoir lieu. On peut lire, juste avant dans le texte, que Jésus quittant la Judée voulait se rendre en Galilée et c’est pour cela qu’il traversait la Samarie. Ceux qui sont allés en terre Sainte n’ont pas de mal à visualiser. La Judée, c’est Jérusalem, Bethléem, le sud-ouest du Pays, la Galilée, c’est le Nord-est et entre les deux, il y a la Samarie si on  va en ligne directe d’un point à l’autre. Mais aucun juif, pour se rendre de Judée en Galilée ne traversait la Samarie, il existait une autre route, c’est vrai un peu plus longue, qui longeait le Jourdain et c’est cette route là que tous les juifs empruntaient. En effet, les juifs et les samaritains ne pouvaient pas se voir et l’expression est encore faible. Un juif ne s’aventurait pas en Samarie de peur qu’il ne lui arrive quelque chose et qu’il soit obligé de demander l’aide d’un samaritain. C’est d’ailleurs ce qui arrivera à Jésus, il va être obligé de demander de l’aide et qui plus est à une femme.

D’ailleurs les rabbis de l’époque expliquaient que demander de l’aide à un samaritain, c’était une déchéance encore plus terrible que de se mettre à manger du porc ! Vous comprenez donc que Jésus, en bon juif qu’il était, n’aurait jamais dû prendre ce chemin qui traverse la Samarie. Mais il a voulu le prendre, il a choisi de prendre ce risque, précisément pour rencontrer cette femme. Et le texte nous dit qu’il est là, fatigué, au bord du puits et qu’il a soif. Quand je lis ce verset, j’en suis toujours ému, je me rends comte que, vraiment, Jésus a mouillé la chemise pour que cette rencontre puisse avoir lieu.

Enfin deux raisons encore qui rendaient cette rencontre improbable. Tout d’abord, c’est qu’un homme seul ne doit pas adresser la parole à une femme seule, c’est particulièrement inconvenant. Et ensuite, les apôtres, normalement, auraient dû être là, ce qui n’aurait pas permis un tel dialogue en profondeur. Sur le chemin de Compostelle, il avait fallu que nous soyons seuls dans ce gite pour que l’ami Jacques me déballe toute sa vie. Jésus a renvoyé ses apôtres pour permettre à cette femme de vider son sac en toute confiance.

Vous voyez, quand nous sommes bénéficiaires d’une rencontre improbable, c’est toujours un cadeau du ciel. Ça l’a été pour Jacques comme pour moi sur le chemin de Compostelle, ça l’a été pour cette femme de Samarie.

Mais ce qui me touche particulièrement, c’est de voir la détermination de Jésus pour que cette rencontre puisse avoir lieu : il prend un chemin quasiment interdit aux juifs, il marche à une heure où chaque pas demande un effort, il envoie ses apôtres au village pour être sûr que leur présence n’empêchera pas cette femme de se confier à lui, il renverse les codes de convenance de l’époque en osant adresser la parole à cette femme. Et pour être sûr qu’elle ne se sente pas écrasée par cette rencontre, Jésus, lui le Fils de Dieu, se met en situation d’infériorité devant cette femme à la vie dissolue ! Oui, vraiment, il y avait tout pour que cette rencontre n’ait pas lieu, mais elle a eu lieu, parce que Jésus a tout mis en œuvre pour qu’elle puisse avoir lieu. Je le redis, sa mission c’est de venir chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Eh bien, s’il y en a une qui était perdue, c’est bien cette femme, ne nous étonnons donc pas que, pour elle, il déclenche le plan Orsec du Salut en prenant les grands moyens !

Mes amis, la grâce du Renouveau, c’est de croire que l’Évangile, ce n’est pas un livre d’histoires du passé, un livre d’histoires dépassées. Ce que Jésus a fait pour cette femme, il y a 2000 ans, il veut et il peut le faire encore aujourd’hui. Ce verset de l’épitre aux hébreux est un peu notre slogan au Renouveau : Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et à jamais. Je peux témoigner que c’est vrai, mais vous aussi, vous pourriez témoigner que c’est vrai. J’ai vu ce que le Seigneur a fait pour moi, je vois ce que le Seigneur fait par moi. J’en suis régulièrement le témoin émerveillé.

  • Ce plan Orsec du Salut, j’ai vu si souvent Jésus le déclencher en prison pour tel ou tel détenu que je visitais dans le cadre de mon ministère d’aumônier. Oui, j’ai vu des gars, et pas des enfants de chœur, sortis de l’enfer dans lequel ils vivaient et dans lequel ils plongeaient leur entourage.
  • Ce plan Orsec du Salut, je le vois se déclencher pour telle ou telle personne que j’ai accueillie au cours des semaines de retraites que j’ai prêché ces derniers temps ou pour des personnes qui me demandent rendez-vous.
  • Ce plan Orsec du Salut, je l’ai vu se déclencher dans de si nombreux temps forts du Renouveau, dans des groupes de prière.

Nous devons savourer cette béatitude : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Oui, comme il est bon d’être les témoins émerveillés que cette Parole est vraie : Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui et à jamais. Il n’a rien perdu de sa puissance. Restons dans une profonde action de grâce en voyant la détermination de Jésus qui peut et qui veut venir, encore aujourd’hui, chercher et sauver ceux qui sont perdus. Bénissons le Seigneur quand il nous choisit, nous pauvres instruments, pour être en 1° ligne dans le plan Orsec du Salut. Là, nous pouvons contempler en directe sa puissance. Et mon Dieu que c’est beau de voir des personnes sortir du trou de la mort qui avait commencé à les engloutir pour goûter enfin à la joie de la libération, à la joie de la résurrection.

La détermination que Jésus met, de manière parfois extraordinaire, pour aller à la rencontre des personnes tombées bien bas, il peut et il veut la mettre aussi pour venir nous rencontrer quand, nous mêmes, nous tombons sur le chemin de nos vies, même si ce n’est pas forcément très bas que nous tombons. Mais une question se pose : Croyons-nous vraiment que, pour nous aussi, il est prêt à mouiller la chemise ? C’est peut-être aussi ça le carême, reconnaître que nous avons besoin du Seigneur, que, sans lui, comme le dit une oraison de la messe, notre vie tombe en ruine. Et surtout n’allons pas penser qu’il a mieux à faire ou plus urgent à faire que de s’occuper de nous. Etre croyant, mais vraiment croyant, c’est croire que lorsque nous tombons, lorsque nous souffrons, nous devenons celui ou celle pour qui il est prêt à déclencher le plan Orsec du Salut. C’est d’ailleurs ce qui se passe à chaque messe où il vient jusqu’à nous pour visiter nos cœurs et nos corps meurtris. A chaque messe, il se passe pour nous, dans la rencontre avec Jésus ce qui s’est passé pour la samaritaine. Vraiment, nous avons bien raison de faire retentir, au cœur de la messe, ce cri d’émerveillement : il est grand le mystère de la foi ! Oh oui, il est grand, il est beau et il est bon ! Amen !

Père Roger Hébert