Comment comprendre que Jésus semble parler comme Donald Trump dans cet évangile ? C’est l’énigme du jour … à vous de voir si l’Esprit-Saint m’a suffisamment éclairé pour percer ce mystère !
Bon dimanche bonne semaine !
Quant à moi, je commence à être sérieusement dans les démarches et préparatifs pour mon mois de mission au Burundi (18 septembre-18 octobre). Je me confie à votre prière.
Roger
(Mt 15, 21-28)
J’imagine que, comme moi, quand vous étiez enfants, à l’école, on vous faisait faire des leçons de choses … enfin je parle pour ceux de ma génération et au-dessus ! On aimait bien ça, parce que souvent, les leçons de choses, on sortait pour les faire. En effet, quand il s’agissait d’étudier les papillons ou les vers de terre, autant le faire de manière concrète. C’était d’ailleurs un des grands principes des leçons de choses, il fallait toujours partir du concret pour, ensuite, en arriver à de plus grands principes qui régissaient la nature et le monde vivant.
Eh bien, je crois que c’est pour une leçon de choses que Jésus a conduit ses apôtres à faire cette promenade jusqu’en ce territoire païen de Tyr et Sidon, tout à fait au Nord du pays, dans le Liban actuel. Et si jamais mon interprétation n’est pas juste, si jamais ce voyage n’était pas une leçon de choses, eh bien, j’attends qu’on m’explique cet évangile parce que je ne peux pas le comprendre autrement ! En effet, il y a quand même des chose choquantes dans ce texte. Comment peut-on entendre sans sourciller Jésus qui dit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » C’est choquant une telle parole dans la bouche de Jésus, on croirait presque entendre Donald Trump avec son fameux slogan de campagne qui laissait entendre que seule l’Amérique l’intéressait ! Et puis ce n’est pas la seule parole ou attitude de Jésus qui est choquante dans ce texte. D’abord il ne répond même pas à cette maman qui vient le supplier pour sa fille, il ne répond pas sous prétexte qu’elle est étrangère. Ensuite quand il daigne parler, il la compare à un chien, toujours sous prétexte qu’elle n’est pas juive. Mais s’il ne voulait pas voir des étrangers, il n’avait qu’à pas aller dans ce territoire païen ! Non, manifestement, il y a quelque chose qui cloche dans ce texte, ce n’est pas le Jésus qu’on rencontre ou qu’on entend partout ailleurs dans l’Évangile.
Par contre, si on lit cet évangile comme une leçon de choses, alors, ça change tout ! En effet, quelques versets avant – et il est toujours bon de remettre un texte dans son contexte pour le comprendre – Jésus vient de se livrer à un dialogue serré avec les pharisiens sur le pur et l’impur. Vous savez, cette notion de pur et d’impur, au moins au temps de Jésus, était une des bases du judaïsme. Il y avait des aliments impurs dont il fallait s’abstenir, il y avait des pratiques impures qu’il fallait éviter, des personnes impures dont il fallait s’éloigner et les étrangers en faisaient partie, avec les lépreux, les malades, les pécheurs publics.
Quelques versets avant notre texte de ce jour, les pharisiens qui voudraient respecter la religion à la lettre parce qu’ils veulent être supérieurs à tous les autres viennent trouver Jésus et l’attaquent. Ils lui reprochent le fait que ses disciples ne respectent pas les règles de pureté, notamment en ne se lavant pas les mains avant le repas. Pour les juifs, ce n’était pas une règle d’hygiène – à l’époque, l’hygiène laissait à désirer – c’était une prescription religieuse. Chaque repas était comme une liturgie qui mettait en relation avec Dieu, donateur de tous ces biens distribués dans le repas. Alors, puisque le repas mettait en relation avec Dieu, il fallait s’y préparer, on en rencontre pas Dieu, le Tout-Puissant, sans se purifier, voilà pourquoi on se lavait les mains.
Comme Jésus et ses apôtres étaient souvent par les routes, il ne devait pas leur être possible de se laver systématiquement les mains avant le repas en signe de purification. J’imagine que Jésus avait dû leur faire une catéchèse sur le sujet pour leur enlever tout scrupule en leur expliquant que quand c’était possible, c’était bien de le faire et quand ce n’était pas possible, ce n’était pas grave parce qu’il y a dans la Loi juive, des préceptes plus importants que ceux-là. C’est ce qu’il essaie d’expliquer aux pharisiens dans la discussion qu’il a avec eux. Mais ça ne marche pas, l’évangile nous dit qu’ils étaient scandalisés par de tels propos et le plus fort, c’est que ce sont les apôtres qui viennent lui dire qu’il a scandalisé les pharisiens … un peu comme s’ils lui disaient : tu as quand même poussé le bouchon un peu loin !
C’est alors que Jésus les conduit à Tyr et Sidon, en terre étrangère, là où il n’y a que des personnes impures. Et c’est là qu’il leur fait une leçon de choses. C’est un peu comme s’il disait à ses apôtres : vous trouvez que j’y suis allé un peu fort avec les pharisiens, ok, je vais me comporter comme eux et aussi un peu comme vous ! Et c’est pour cela qu’il ne répond pas à la femme et c’est aussi pour cela qu’il la compare à un chien. C’est ce que faisaient les pharisiens, ils ne répondaient pas aux étrangers de peur que ce simple contact verbal ne les rende impur et quand ils parlaient entre eux des étrangers, ce n’était jamais en des termes élogieux, le terme de chien devait souvent revenir sur leurs lèvres, et de tels comportements ne devaient pas troubler les apôtres. Vous avez remarqué que lorsqu’ils interviennent ce n’est pas pour intercéder en faveur de cette femme, mais pour demander à Jésus qu’il use de son autorité pour la renvoyer afin qu’elle ne vienne plus leur casser les oreilles.
Jésus est très habile dans la manière dont il conduit cette leçon de choses. Il adopte donc le comportement de ceux qu’il vient de remettre en place comme pour provoquer un électrochoc dans le cœur des apôtres et il va avoir lieu. Cette femme, parce qu’elle est une maman dont le cœur saigne à cause de la maladie de sa fille, se fiche pas mal de se heurter au silence de Jésus, aux quolibets des apôtres et finalement d’entendre cette parole blessante qui l’assimile à un chien. Elle s’en fiche pas mal car elle y est habituée, à chaque fois qu’elle rencontre un pharisien, c’est le même scénario. Mais elle ne lâchera pas le morceau parce qu’elle est une maman qui sait que Jésus peut faire quelque chose pour sa fille. Alors, elle prononce cette parole extraordinaire de foi : ok, je veux bien que tu me compares à un chien, mais ne t’inquiète pas, je me contenterai des miettes qui tombent de la table, parce que des miettes de ce que toi, tu as préparé, ça suffira largement pour guérir ma fille ! Quelle foi chez cette femme ! Jésus a gagné la partie, par cette leçon de choses, il montre aux apôtres en espérant que la leçon porte du fruit au-delà de ce cercle restreint que le cœur de cette femme étrangère est un cœur d’or, capable d’une foi bien supérieure aux pharisiens. En effet, cette étrangère a été capable de reconnaître en Jésus, Dieu qui intervient avec puissance, ce que ne sont pas capables de faire les pharisiens, eux qui pourtant se considèrent comme les purs.
Faudra-t-il que Jésus vienne nous faire, à nous aussi, une telle leçon de choses pour que nous laissions tomber tous nos préjugés, pour que nous arrêtions de mettre les gens dans des cases en leur collant des étiquettes ? Aujourd’hui comme hier, la foi surgit souvent là où ne l’attendait pas puissions-nous nous en émerveiller et prendre un peu de leur feu pour réveiller le feu sacré dans nos cœurs trop souvent englués dans la tiédeur.
Père Roger Hébert