Homélie dimanche 21/01/18: Croyez que le Seigneur vous aime!

Semaine de prière pour l’unité des chrétiens … un évangile qui tombe à point nommé pour rappeler un point essentiel … j’espère que ce n’est pas trop compliqué, la grippe m’a pris, j’espère que mon cerveau n’était pas trop embrumé pour dire ces choses si essentielles !

Bonne semaine !

Roger

 

Comme vous le savez, nous sommes au cœur de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Hier, nous avions la célébration à Notre Dame, et je regrette qu’il n’y ait pas eu plus de catholiques qui aient jugé bon de se déplacer pour manifester, par leur présence, leur engagement à porter dans la prière la réalisation du grand désir de Jésus : Que tous soient un ! Mais de manière assez providentielle, l’évangile que nous propose la liturgie de ce dimanche, sera une belle occasion de parler de l’œcuménisme à tous ceux qui ne comprennent pas combien cette cause est importante.

 

On peut dire que si l’Église avait vraiment entendu et pris au sérieux ce que Jésus dit dans cet évangile, il n’y aurait jamais eu la crise avec Luther. Cette crise, je vous le rappelle nous en avons commémoré le 500° anniversaire au cours de l’année dernière. Ces paroles que Jésus prononce, il faut y être d’autant plus attentif que, selon l’évangéliste Marc, ce sont les premières paroles d’enseignement de Jésus. On peut donc dire que tout ce qu’il a envie de dire, il le résume, il le concentre dans ces premières paroles et que tout le reste sera une explicitation de ces paroles. « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Je me concentrerai uniquement sur la dernière parole de cette déclaration, une parole que nous connaissons bien puisqu’elle nous est redite chaque année pour l’entrée en carême : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

 

Le problème, c’est que, trop souvent nous comprenons mal cet appel de Jésus. Mais je pense qu’à son époque, il a été aussi très mal compris. Nous avons l’impression que Jésus dit : convertissez-vous et alors vous pourrez croire. La conversion est première et c’est elle qui conditionne la foi. Et, bien sûr, se convertir, pour les juifs, c’était revenir à une pratique plus forte de la Loi. Pour nous les chrétiens, ça sera pratiquer ce qu’on appelle les bonnes œuvres. Or, vous le savez, c’est sur ce sujet que Luther a bâti toute sa Réforme et non pas, comme on le répète bêtement, sur la place de la Vierge Marie. Luther n’en pouvait plus d’entendre qu’on serait sauvé si on a suffisamment pratiqué de bonnes œuvres.

 

L’insistance, la répétition de ce principe l’avait plongé dans un profond désespoir. Lui qui était un homme généreux, rappelons-nous qu’il était moine, il avait donc donné généreusement sa vie à Dieu, il n’arrêtait pas de se demander s’il en avait fait assez. Il voulait être sauvé, il voulait être pour toujours avec le Seigneur, mais si on était sauvé par la pratique des bonnes œuvres, à quel moment pouvait-on dire que la balance allait pencher du bon côté ? Et, comble de tout, à son époque, quand on parlait de « bonnes œuvres » on ne parlait pas de celles que Jésus énumère dans l’évangile de Matthieu au chapitre 25, et sans lesquelles, dit-il lui-même, on ne peut entrer dans le Royaume des cieux : J’étais malade et vous m’avez visité, j’étais étranger et vous m’avez accueilli … je ne veux pas toutes les reprendre, vous les connaissez suffisamment. Non, à l’époque de Luther, les bonnes œuvres que l’Église encourageait, c’étaient plutôt accomplir des pèlerinages,  faire  brûler des cierges, offrir des neuvaines et des offrandes à l’Église et en contrepartie recevoir des indulgences qui donnent un peu plus d’assurance quant au Salut.

 

Il n’en pouvait plus d’entendre cela car, bien entendu, l’Écriture ne dit pas cela. C’est d’ailleurs en lisant l’Écriture, la lettre aux Romains que Luther est sorti de son angoisse. Il tombe sur cette déclaration dans laquelle Paul dit qu’on est sauvé par la Foi, pas par la pratique des bonnes œuvres. Il va essayer de faire partager sa découverte pour aider l’Église à revenir sur le chemin de l’Évangile, à sortir de cette ornière. Le pape François avait eu cette belle déclaration dans la première célébration qui commémorait le 500° anniversaire de la Réforme : Luther n’a pas voulu diviser l’Église, il a voulu la réformer, la renouveler. Mais hélas, il ne sera pas compris et, comme il arrive souvent à ceux qui disent des choses justes sans être compris, il va se durcir et défendra, par la suite, des positions sur l’Eucharistie, les sacrements, les ministères, l’Église qui ont creusé un fossé profond.

 

Alors, revenons à notre texte d’évangile, quand Jésus dit : « convertissez-vous et croyez à l’Evangile », il enseignait déjà ce que Luther rappellera par la suite. Pour Jésus, se convertir, ce n’est pas d’abord pratiquer des bonnes œuvres, se convertir, c’est croire. En grec (et je vous rappelle que l’évangile a été écrit en grec) le petit mot « et » que l’on retrouve quand Jésus dit : convertissez-vous ET croyez, ce petit mot ET a deux sens possibles. Il peut signifier « en plus » alors Jésus dirait convertissez-vous et en plus croyez ; mais il peut aussi signifier « c’est à dire » alors Jésus dit : convertissez-vous, c’est à dire croyez à l’Évangile. Je n’ai pas le temps de vous montrer pourquoi c’est cette deuxième interprétation qu’il faut privilégier, mais aujourd’hui, tous les commentateurs de l’Écriture sont d’accord pour dire qu’il est clair que c’est cela que Jésus veut dire. « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile »  se convertir, c’est croire et ça c’est une Bonne Nouvelle. Voilà comment on pourrait traduire autrement ce que Jésus dit.

 

Certains pourraient penser que ce que je raconte est bien compliqué et pas concret du tout ! Si c’est un peu compliqué, je vous en demande pardon, j’ai préparé cette homélie avec pas mal de fièvre, alors peut-être que mon cerveau était un peu embrumé ! Mais tout cela est extrêmement concret. Parce que, voyez-vous, si être croyant, c’est pratiquer des bonnes œuvres, si on est sauvé par l’accumulation de bonnes œuvres, nous pouvons tous, à la suite de Luther, plonger dans l’angoisse : est-ce que j’en aurai fait assez pour faire pencher la balance du bon côté ? Mais si nous prenons au sérieux la parole de Jésus qui nous dit que la grande conversion de notre vie, ce n’est pas de chercher à en faire toujours plus, mais c’est de croire toujours mieux, ça change tout. Si on est sauvé par la foi, c’est une formidable espérance qui s’ouvre pour nous tous.

 

Regardez Pierre, dont on nous raconte l’appel dans ce même évangile. Ses bonnes œuvres ne vont pas être terribles, surtout au moment de la passion, il en viendra à renier par trois fois. Il aurait pu craindre pour son salut avec une telle mauvaise œuvre. Mais quand Jésus le rejoint, sur le bord du lac, après la résurrection, Jésus ne l’interroge pas sur ses bonnes œuvres, il lui demande : Pierre, est-ce que tu m’aimes. C’est donc sur la foi, qu’il l’interroge car croire, ce n’est pas adhérer à des vérités, c’est mettre sa confiance dans le Seigneur et l’aimer plus que tout. Dans le système des bonnes œuvres, Pierre était recalé !

 

Mais, interrogé sur la foi, il peut répondre en toute vérité : Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. Voilà ce qu’est la vraie foi, voilà ce qui conduit au Salut, c’est l’amour que nous vivons à l’égard du Seigneur et plus encore, c’est l’amour que la Seigneur ne cesse de nous manifester, amour que nous ne cessons d’accueillir. Et, du coup, si nous faisons des bonnes œuvres, ce n’est pas pour être sauvé, mais parce que nous sommes sauvés, parce que nous sommes aimés et tellement aimés que nous ne pouvons pas faire autrement que de laisser passer ce débordement d’amour qui nous envahit. « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Oui, convertissez-vous, croyez que le Seigneur vous aime, accueillez cet amour et laissez-le passer. Vivre ainsi notre foi, c’est le seul chemin pour parvenir à l’unité des chrétiens quand Dieu le voudra et comme il le voudra selon la belle prière de ce prêtre lyonnais, le père Couturier, qui a initié ces semaines de prière pour l’unité des Chrétiens.