Homélie dimanche 22/10/2017 : Que vive la fraternité dans notre monde qui en a tant besoin !

Voilà le rythme des homélies qui reprend, je joins mon dernier journal (court) pour que vous sachiez comment ça s’est fini !

Et que vive la fraternité dans notre monde qui en a tant besoin !

Roger

 

Je me souviens de ce missionnaire du Sacré Cœur que j’ai eu la joie de rencontrer à plusieurs reprises, le père Antoine Fournier qui fut le 1° missionnaire à aller en Papouasie. Les récits de ces aventuriers sont de véritables épopées. Nous avons du mal à imaginer ce que ça pouvait représenter pour des hommes de cette époque qui n’avaient jamais voyagé dans leur enfance d’aller à l’autre bout du monde ; d’arriver dans un pays dont ils ne connaissaient pas la langue avec personne capable de leur donner des cours. Ils arrivaient sans savoir s’ils seraient bien accueillis ou tué dès la 1° rencontre ! Dans un livre qu’il a écrit, le père Fournier raconte combien il était énervé quand il revenait en congé d’entendre les gens lui demander : mais pourquoi êtes-vous allés là-bas ? Après tout, les papous vivaient très bien sans connaître l’Évangile, pourquoi avoir été les encombrer avec une religion née dans une culture totalement étrangère à la leur ?

On sentait que ce genre de questions le mettait dans une colère qu’il avait du mal à contenir. Lui, il avait donné sa vie et il l’avait risquée plus d’une fois pour que ces gens puissent connaître la joie de l’Évangile, il n’en pouvait plus d’entendre ces questions sortant de la bouche d’européens nantis qui pensaient s’être libérés en larguant le seul qui les voulait vraiment libres, Dieu. Il n’en revenait pas d’entendre cela et de voir que les gens qui croyaient s’être libérés d’une religion qu’ils jugeaient aliénante devenaient esclaves d’un tas de réalités toutes plus tyranniques les unes que les autres. Alors, il essayait de raconter comment l’évangélisation avait été source de libération pour ce peuple qui vivait dans la peur permanente notamment en raison de ce qu’on leur avait appris des influences négatives des esprits des morts. En découvrant la foi chrétienne, ils accédaient à la liberté et ils comprenaient mieux que quiconque cette phrase de St Paul qui dit dans le chapitre 5 de la lettre aux galates : « C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés. »

En ce dimanche de clôture de la semaine missionnaire, il est bon de nous rappeler ces vérités si élémentaires : permettre à tous les hommes de vivre de la joie de l’évangile, c’est le plus grand service que nous puissions rendre à l’humanité aujourd’hui. La mission n’est pas réservée à ceux qui ont le goût de l’aventure, elle est un ordre de Jésus qui, au moment où il quitte ses apôtres leur dit : « allez de toutes les nations faites des disciples, baptisez-les et apprenez leur à garder les paroles que je vous ai données. » Jésus ne dit pas cela pour que ses apôtres aillent rajouter des soucis supplémentaires à ceux auprès de qui ils annonceront l’Évangile. Il donne cet ordre parce qu’il sait que l’Évangile de l’amour répond aux aspirations les plus profondes de tous les hommes, de tous les lieux, de tous les temps.

Et s’il en était encore besoin, nous trouvons dans l’évangile d’aujourd’hui une raison complémentaire à cette nécessité de la mission. En regardant une pièce d’argent, Jésus prononce la réplique bien connue : rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Parce qu’il y a l’effigie de l’empereur sur la pièce de monnaie, il n’est pas inconvenant de payer l’impôt à l’empereur. Eh bien, regardons au fond du cœur des hommes et voyons qui a laissé son empreinte au fond de leur cœur. Evidemment, c’est Dieu !

Puisque l’empereur a laissé son empreinte sur la monnaie, il est normal que la monnaie retourne à l’empereur dans l’impôt ; il en va de même pour l’homme par rapport à Dieu. Puisque, en le créant, Dieu a laissé son empreinte dans le fond du cœur de chaque homme, il est normal que le cœur de chaque homme puisse se tourner vers Dieu dans l’action de grâce. Mais comment l’homme pourrait-il le faire si personne ne vient lui dire que Dieu est son créateur, son Père et qu’il a déposé tout son amour au fond de son cœur ? Les enfants qui ne connaissent pas leur père parce qu’ils ont été adoptés, parce qu’ils sont arrivés à l’existence par des procédés particuliers, déploient, à un moment ou à un autre de leur vie, des énergies considérables pour connaître ce père. Comment pourrait-il ne pas en être de même avec Dieu ? Chaque homme a le droit de connaître celui qui a laissé son empreinte au fond de leur cœur. Et il est du devoir de ceux qui le connaissent déjà de permettre à ceux qui ne le connaissent encore pas de pouvoir faire cette rencontre capable de tout changer dans leur vie.

Evidemment, en revenant de ce mois de mission au Burundi, je suis le témoin émerveillé de la puissance de la foi et des bienfaits de la foi pour ce peuple meurtri. Quand j’étais là-bas, a eu lieu la journée de commémoration de l’assassinat du premier 1° ministre élu démocratiquement en 1961. L’archevêque me disait que depuis cette date, le pays n’a plus jamais connu la paix de manière durable, régulièrement des crises d’une violence inouïe viennent secouer le pays. Ça veut dire que toutes les personnes de moins de 56 ans, c’est à dire la plus grande partie des habitants de ce pays, n’ont jamais connu une vraie paix, une situation de calme et de prospérité. Il y aurait de quoi désespérer et se laisser aller en baissant les bras. Il y aurait de quoi maudire Dieu de les avoir fait naître dans une telle situation.

Eh bien, ce n’est pas le cas. Ce dimanche, chaque paroisse va connaître des affluences record à la messe. En effet, c’est environ 7000 personnes, parfois plus, qui participent à la messe chaque dimanche dans chaque paroisse du pays. En semaine, il n’est pas rare d’avoir 1000 personnes à la messe matinale, mais parfois beaucoup plus ! C’est là qu’ils viennent puiser la force de tenir, d’espérer. Ils savent que leur pays a besoin de fraternité, d’une fraternité qui transcende les différences ethniques et politiques. Mais comment la fraternité pourrait-elle grandir sans la reconnaissance d’une paternité céleste seule capable de faire advenir cette fraternité ? Il n’y a pas de fraternité solide, durable, capable de reléguer au second plan tous les particularismes, si on ne reconnaît pas une paternité céleste. Heureusement que des missionnaires, il y a une centaine d’années, sont allés chez eux pour le leur dire. Heureusement qu’ils sont allés chez eux pour leur permettre de se tourner vers le Père du ciel et d’accueillir la force de frayer un chemin souvent difficile pour que cette fraternité puisse gagner du terrain. Que seraient-ils devenus sans la foi ?

J’entendais que nos gouvernants préparent de grandes festivités pour célébrer le 50° anniversaire de mai 68, cette révolution censée apportée la liberté et qui, en fait, a érigé la liberté dans sa conception la plus adolescente comme valeur suprême. Quelle tristesse ! Tant que nous mettrons la liberté et surtout cette liberté adolescente comme valeur 1° nous foncerons dans le mur. C’est de fraternité que notre société, que notre monde a le plus besoin. En revenant de ce pays si pauvre ma conviction est renforcée.

Mais comment tout miser sur la fraternité dans un pays qui ne veut plus entendre parler de paternité divine ce qui met aussi à mal la paternité humaine. Comment imaginer que la fraternité puisse l’emporter quand tant de nos compatriotes refusent de reconnaître leurs racines chrétiennes et même les rejettent ?  Peut-être qu’un jour, il faudra que des missionnaires viennent de l’autre bout du monde pour nous redonner ce trésor dont nous nous sommes débarrassés en croyant nous libérer. Peut-être faudra-t-il qu’ils viennent nous ouvrir les yeux pour que nous reconnaissions qu’en croyant devenir libres, nous sommes devenus esclaves de la consommation et de tant d’autres idoles.

Ô Père qu’il vienne ton règne, comme nous te le demandons à chaque fois que nous reprenons les mots que Jésus nous a donné. Oui, qu’il vienne ton règne d’amour et de fraternité dans lequel chacun n’abusera plus jamais de sa liberté pour mieux respecter l’égalité fondamentale de tous ses frères.