Homélie dimanche 27/11: Qu’est-ce que tu veux faire du 1° jour du reste de ta vie ?

Vous savez qu’on se fait souvent avoir par les bandes annonces des films ! On vous montre un extrait de 30 secondes qui vous fait bien rire, du coup vous allez voir le film, et là, déception, c’est un navet. C’est ce qui m’est arrivé à propos d’un film sorti l’année dernière qui s’appelait : le Tout Nouveau Testament. La présentation que j’en avais vue annonçait qu’on avait enfin trouvé Dieu et  qu’il était belge. Ça m’a tout de suite attiré, un peu de dérision ne fait jamais de mal … à condition que ça reste dans les limites de l’acceptable, bien sûr ! Quelle déception, ce film était un navet, enfin pour moi ! Mais il y a une chose que j’ai retenue, c’est ce que va faire la fille de Dieu pour se venger de son père qui est tout sauf le Bon Dieu ! Elle va entrer dans le système informatique complexe géré par son père qui lui permet de diriger le monde et va envoyer à chaque personne un SMS avec la date et l’heure de sa mort. Certains constatent avec satisfaction qu’ils vont mourir très très vieux, mais pour d’autres, leur mort est programmée pour les minutes qui viennent. Vous imaginez un peu la panique ! Le seul bienfait de ce film est finalement de poser cette question cruciale : Qu’est-ce que tu veux faire du reste de ta vie ?

Vous aimeriez, vous connaître la date et l’heure de votre mort ? J’imagine que si nous le savions, nous serions complètement paralysés. C’est donc beaucoup mieux ainsi et c’est précisément ce que nous dit Jésus par deux fois dans l’Évangile que nous venons d’entendre : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. » ou encore  « Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » Nous ne connaissons ni le jour ni l’heure de la fin de notre vie personnelle et il en va de même pour le jour et l’heure de l’aventure commune de l’humanité. Ceci dit, je tiens à faire une précision parce qu’en regardant le film, j’ai été horrifié à la pensée que certains pourraient être confortés dans l’idée que c’est Dieu qui détermine pour chacun l’heure et le jour de la fin. De fait, la manière dont le film présente les choses laisse entendre que Dieu a tout prévu et comme le Dieu de ce film est un peu sadique, il s’amuse bien en décidant que certains qui ne le souhaitent pas vraiment vivront très vieux et que d’autres, pleins de vie, mourront très jeunes. Non, Dieu ne décide rien dans ce domaine-là. S’il en était ainsi, ça serait monstrueux. C’est la vie qui décide, c’est le mystère de la vie, un mystère qui nous échappe totalement et auquel nous pouvons être confrontés parfois de manière cruelle.

Ceci dit, la question nous est posée : que vas-tu faire de ta vie ? J’aime bien ce texte qui utilise cette merveilleuse formule : aujourd’hui est le 1° jour du reste de ta vie. Que vas-tu en faire ? C’est bien ce questionnement qui est contenu dans l’Évangile. Le texte nous parle de ce qui s’est passé au temps de Noé, vous savez quand le déluge est arrivé, personne n’a rien vu venir … sauf Noé et sa famille. Et pourquoi personne n’a rien vu venir ? Parce que les gens étaient anesthésiés par le ronron de la vie, c’est le sens de cette formule qu’on a entendu : « au temps de Noé, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari. » Evidemment, il n’y a rien de mal dans tout cela, mais on sent bien une vie qui s’installe dans la routine. Et puis voilà, catastrophe, tout va s’arrêter et certains se rendent compte que leurs vies sonnent le creux, ils se sont laissés endormir par la routine. Il faut que nous soyons vraiment conscients que, si de manière habituelle et normale, nous ne choisissons pas le jour, l’heure et la manière dont nous allons partir, c’est bien à nous de choisir ce que nous voulons faire de notre vie. Qu’est-ce que tu veux faire de ta vie ?

Aujourd’hui, nous entrons dans le temps de l’Avent, c’est à dire le temps qui nous prépare à cet avènement, ou cet événement inouï de la venue de Jésus, le Fils de Dieu parmi nous, ce que nous fêterons à Noël. Mais il est bon de rappeler que Jésus n’a pas fait un aller-retour vite fait entre le ciel et la terre. Il est venu parmi nous et il nous a dit : je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Il est venu parmi nous parce que Dieu voulait sceller une alliance toute nouvelle avec les hommes. C’est à dire que Jésus est venu parmi nous pour permettre à chacun d’avoir Dieu comme allié. Vous savez tous ceux qui veulent faire la guerre cherchent des alliés et, si possible, des alliés puissants. Pouvons-nous rêver d’avoir meilleur allié que Dieu lui-même ? Mais vous allez me dire : on n’est pas en guerre ! Oh que si !

Quand nous entendons cette question : qu’est-ce que tu veux faire de ta vie ? J’imagine que nous avons tous envie d’apporter la même réponse : je veux réussir ma vie. Très bien, mais c’est précisément pour réussir ta vie que tu as une guerre à mener. Chez certains, c’est une guerre contre tel défaut ou telle addiction qui parasite leur vie et leurs relations. Chez d’autres, c’est une guerre contre la maladie, le chômage, la poisse. Bref, chacun connait bien les obstacles qui se dressent devant lui quand il parle de réussir sa vie. Eh bien, mes amis, je vous annonce une bonne nouvelle : pour mener cette guerre dont l’ampleur risquerait de nous décourager, nous ne sommes pas seuls. En Jésus, Dieu se propose pour devenir notre allié. Voilà qui peut tout changer car nous connaissons tous nos fragilités, notre manque de constance dans le combat. Mais avec Dieu, tout peut devenir possible. Vous ne pensez pas que ça vaut le coup d’essayer ? Parce que, je le répète, l’enjeu est de taille, il s’agit de réussir notre vie.

Pour réussir notre vie, en prenant Dieu comme allié, je voudrais nous proposer un petit truc. En Italie, quand on va célébrer la messe, dans la sacristie où les prêtres s’habillent, il y a habituellement une affiche qui dit : célèbre cette messe comme si c’était la 1°, comme si c’était la dernière. Peut-être que nous devrions nous faire une affiche semblable et la mettre sur le miroir de notre salle de bain pour que, dès le matin, nous puissions lire : vis cette journée comme si c’était la 1°, comme si c’était la dernière. Vis cette journée comme si c’était la 1°, c’est à dire dans l’émerveillement. Au lieu de râler, de ne regarder que ce qui va mal, réjouis-toi d’être vivant, d’habiter un pays en paix, d’avoir ce qu’il te faut pour te soigner, t’habiller, pour manger … Vis cette journée dans l’émerveillement comme si c’était la 1° et ça sera, comme je le disais tout à l’heure, la 1° journée du reste de ta vie. Mais vis la aussi comme si c’était la dernière. Si on devait savoir que telle journée serait la dernière pour nous, j’imagine qu’on la passerait à rencontrer ceux que nous aimons, à ne gâcher aucun instant. Vis cette journée comme si c’était la dernière en apportant à ceux que tu rencontreras toute ta présence, toutes tes qualités, que chaque instant soit vécu avec intensité.

 Oh oui, mes amis, si nous prenons Dieu comme allié pour vivre chaque nouvelle journée comme si c’était la 1°, comme si c’était la dernière, je suis sûr que, non seulement, nous réussirons notre vie, mais en plus, nous réussirons à faire en sorte que le rêve de Dieu exprimé de manière si belle dans la 1° lecture deviendra réalité : « De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre. »

Père Roger Hébert