Homélie dimanche 30/04: Vous avez des problèmes pour reconnaître la présence de Jésus à vos côtés ? Bonne nouvelle ça se soigne !

Il y a quelques temps, il m’est arrivé de croiser quelqu’un que je connaissais parce que nous avons joué au foot ensemble quand nous étions jeunes, mais je ne l’avais pas revu depuis des années. Lui, il ne m’a pas reconnu, mais moi, je l’ai reconnu car il n’avait pas bien changé. Quand je lui ai demandé : depuis combien de temps, on ne s’est pas vu ? Il m’a fait une réponse qui ne manquait pas d’humour, il m’a dit : il y a au moins 25 kilos ! Il voulait dire par là que j’avais grossi de 25 kilos depuis notre dernière rencontre qui remontait à 25 ou 30 ans ! Ce n’était donc pas étonnant qu’il ne m’ait pas reconnu, j’avais tellement changé !

Par contre, si les deux disciples, sur le chemin d’Emmaüs, ne reconnaissent pas Jésus, je ne pense pas que c’est parce que Jésus ressuscité avait beaucoup changé. Non ! Le texte d’Évangile précise d’ailleurs que leurs yeux, les yeux des deux disciples, étaient empêchés de le reconnaître. Il me semble que cette précision est justement là pour indiquer que le problème ne se situe pas au niveau de Jésus mais qu’il est chez les disciples. Et on peut même dire qu’il y a plusieurs problèmes qui se superposent chez ces deux hommes.

  • Le premier problème, c’est, nous dit l’Évangile, « qu’ils parlaient entre eux de tout ce qui s’est passé » c’est-à-dire qu’ils ont, je m’excuse s’il y en a parmi nous, une mentalité d’anciens combattants, ils sont tournés vers le passé. C’est la première raison qui explique leur impossibilité de reconnaître Jésus, car, lui, Jésus, il est dans le présent.

  • Le deuxième problème, c’est « qu’ils espéraient que Jésus serait le libérateur d’Israël » c’est-à-dire que le compagnonnage vécu avec Jésus ne leur a pas permis de convertir leur espérance. Au lieu d’accueillir ce que Jésus disait, faisait, ce qu’il était venu apporter, ils avaient projeté sur lui leurs projets, leurs désirs, leur conception de la mission du Messie. Et comme Jésus n’avait pas répondu à leur espérance, ils étaient déçus et cette déception est la deuxième raison qui explique qu’ils ne reconnaissent pas Jésus.

  • Le troisième problème, c’est qu’ils n’ont pas accordé de foi au témoignage des femmes venues leur dire que Jésus n’était plus au tombeau. La manière dont ils rapportent les paroles des femmes montre bien qu’ils ne croient pas du tout ce qu’elles ont dit. Pour eux, c’est donc clair, Jésus est mort. Dans ces conditions, comment pourraient-ils le reconnaître dans cet inconnu qui chemine avec eux ?

Mes amis, je crois que ces trois raisons qui ont empêché les deux disciples de reconnaître Jésus qui venait les rejoindre sur le chemin d’Emmaüs peuvent nous aider à comprendre pourquoi, nous aussi, si souvent, nous n’arrivons pas à reconnaître Jésus qui vient nous rejoindre sur le chemin de nos vies.

  • Je vous rappelle que le premier problème des disciples, c’est qu’ils étaient tournés vers le passé. Que de fois, nous aussi, nous sommes tournés vers le passé quand nous regrettons le bon vieux temps, quand nous disons que c’était tellement mieux avant. Entre parenthèse, quand nous disons cela, nous oublions plein plein de choses ! Quand j’évoquais cela avec ma mère, elle me disait toujours qu’elle ne regrettait rien de l’ancien temps, elle se rappelait des restrictions de la guerre, du temps où elle devait laver le linge à la main… Pour parler du bon vieux temps, il faut avoir la mémoire courte ! En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Jésus, on ne le trouve pas en se tournant vers le passé, Jésus, il est dans le présent. Jésus nous a fait cette promesse : et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Seuls ceux qui croient en cette promesse peuvent accueillir sa présence dans le quotidien de leur vie. Tous ceux qui sont tournés vers le passé, tous les nostalgiques du bon vieux temps, de l’Église d’antan, du fonctionnement d’avant se condamnent à ne pas pouvoir accueillir la présence de Jésus qui, pourtant veut les rejoindre. Jésus est dans le présent, pas dans le passé.

  • Le deuxième problème qui empêchait les deux disciples d’Emmaüs de reconnaître Jésus, c’est qu’ils avaient décidé par eux-mêmes de ce que Jésus devait faire, ils savaient mieux que Jésus comment il devait accomplir sa mission de Messie : il fallait qu’il libère Israël. Que de fois, nous aussi, nous dictons à Jésus ce qu’il doit faire. J’aime bien rappeler cet épisode biblique qui avait eu lieu dans le temple, au temps du prêtre Eli quand le jeune Samuel a entendu le Seigneur l’appeler. Le prêtre Eli lui explique qu’il faut dire : parle Seigneur, ton serviteur écoute ! Nous, nous n’avons pas dû avoir un prêtre Eli qui nous a bien expliqué comment il fallait nous comporter avec Dieu ! En effet, la plupart du temps, nous disons l’inverse de Samuel, nous, c’est : écoute, Seigneur, ton serviteur te parle ! Et nous aimerions même rajouter : écoute bien parce que je vais t’expliquer clairement ce que tu dois faire, comment il faut que toi, Dieu, tu te comportes avec moi ! Alors, comme les disciples d’Emmaüs, nous sommes souvent déçus parce que le Seigneur ne nous obéit pas ! Cette déception nous empêche de goûter la présence de Jésus à nos côtés. Quand nous refusons d’être ouverts à ce qu’il veut nous apporter dans sa liberté souveraine, nous risquons toujours d’être déçus et même de penser qu’il n’est pas avec nous, qu’il ne répond pas à nos prières.

  • Le troisième problème, c’est que les disciples n’avaient pas cru au témoignage des femmes qui disaient que Jésus était vivant. Quand on sait aussi que pour tant et tant de chrétiens, Jésus est seulement un personnage exemplaire, un modèle à imiter, il ne faut pas s’étonner que ces personnes soient incapables de le reconnaître présent et agissant dans leur quotidien. Si vous admirez tel ou tel homme exceptionnel du passé et que vous avez l’impression qu’il est toujours à vos côtés pour  assez vite à l’hôpital psychiatrique ! Si vous êtes sains d’esprit, vous savez que les personnages extraordinaires du passé ne peuvent pas être présents et agissants dans votre quotidien. Vous pouvez vous inspirer de ce qu’ils ont dit ou de ce qu’ils ont fait, mais ils ne sont pas avec vous. Par contre, avec Jésus, c’est bien différent. Mais tous ceux qui ne voient en lui qu’un personnage exceptionnel, tous ceux qui refusent d’accueillir le témoignage de l’Église qui dit qu’il est vivant, comme jadis les disciples d’Emmaüs ont refusé de croire au témoignage des femmes se condamnent à ne pas pouvoir reconnaître Jésus qui les rejoint dans leur quotidien.

Si vous avez vraiment du mal à reconnaître la présence de Jésus qui chemine à vos côtés dans le quotidien de votre vie, essayez donc de voir si vous ne seriez pas, vous aussi, concernés par l’un des trois problèmes que je viens d’évoquer. N’êtes-vous pas trop souvent nostalgiques du passé ? Ou encore ne dictez-vous pas trop souvent à Jésus ce qu’il doit faire, comment il doit s’y prendre pour accomplir sa mission aujourd’hui ? Ou enfin, ne considérez-vous pas Jésus trop souvent comme un homme, certes exemplaire, mais un personnage du passé, de l’histoire ?

Si vous vous sentez concernés par l’un de ces problèmes, je vous annonce une bonne nouvelle : ça se soigne ! Et le traitement n’est pas trop compliqué ! C’est en participant à la messe que vous guérirez, mais pas en participant comme ça de temps en temps, quand ça vous chante, non, c’est en participant fidèlement que vos yeux finiront par s’ouvrir ! En effet, il se passe à chaque messe, ce qui s’est passé sur le chemin d’Emmaüs. Jésus nous rejoint, il explique pour nous l’Ecriture et nous partage le pain. C’est au terme de ce processus que les yeux des disciples d’Emmaüs se sont ouverts et qu’ils ont été capables de reconnaître Jésus cheminant à leurs côtés. Ce qui s’est passé pour eux peut se passer pour nous ! Et si vous êtes fatigués d’avoir cheminé si longtemps sans avoir été capables de le reconnaître à vos côtés, vous n’avez qu’à demander que le miracle ait lieu aujourd’hui même : qu’enfin vos yeux s’ouvrent pour que vous le reconnaissiez présent et agissant à vos côtés afin que, plus jamais, vous n’ayez cette impression si désagréable d’être seuls à porter le poids du jour.

Père Roger Hébert