Homélie du 8 mai 2016

Homélie dimanche 8 mai: Que le monde puisse croire !
Je pense que vous n’aurez pas de peine à admettre qu’il y a de grandes différences dans la manière de célébrer et de vivre la messe chez nous et en Afrique. J’ai pu encore m’en rendre compte lors de mon séjour au Burundi. La 1° différence, c’est que les églises sont pleines à craquer et que les gens chantent de tout leur cœur en n’hésitant pas à danser sur place. On sent bien que c’est tout leur corps qui participe à la messe et pas seulement leur tête ou leur âme ! Mais rassurez-vous, je ne vais pas vous demander de danser et vous ne me verrez pas danser non plus au cours de cette messe ! Une autre différence qui me marque toujours, c’est le moment de la prière universelle : il ne viendrait à l’esprit de personne de préparer une prière universelle. La prière universelle, elle est forcément spontanée ; en Afrique, on part du principe que tous ceux qui viennent à la messe y viennent avec plein d’intentions dans leur cœur, il suffit donc de laisser monter toutes ces prières sur les lèvres et de les partager. Les prêtres me disaient que, souvent, au bout d’1/4h, il fallait d’autorité mettre un terme à ces prières parce que, si on laissait faire, ça pourrait durer des heures. Les gens portent en eux tellement d’intentions et ils ont tellement de simplicité pour les partager que personne ne voit le temps passer. Il faut dire aussi que la messe dure au minimum deux heures, donc on a le temps !

Je vous avoue que je rêve de pouvoir un jour arriver dans nos communautés à vivre une prière universelle spontanée. Mais, je n’ose encore pas le proposer. Car, dans le passé, les quelques tentatives que j’ai faites, se sont souvent soldées par un échec. Il y a un obstacle infranchissable, semble-t-il, qui est coincé entre vos cœurs et votre bouche et qui empêche ce qui habite votre cœur de monter sur vos lèvres. Car je suis sûr que vous venez vous aussi à la messe avec plein d’intentions dans votre cœur ! Remarquez, moi, il m’aura fallu vivre une expérience spirituelle forte pour que cet obstacle qui se trouvait aussi en moi puisse sauter et que j’ose, dans un groupe, partager ma prière à haute voix. Mais comme c’est beau et comme c’est bon de pouvoir partager cette prière à haute voix. Quand j’entends une personne qui prie, je me sens tellement proche d’elle ou de lui, ce qui vient d’être exprimé dans sa prière, je me mets à le porter dans ma prière et, du coup, nous sommes unis par une très grande fraternité. J’ai la joie de vivre cela chaque semaine dans le petit groupe de prière à Montanges que j’essaie de rejoindre le plus fidèlement possible.

Avez-vous remarqué que, dans l’évangile, Jésus partage, sans aucune gêne, sa prière à ses apôtres ? L’évangile de ce jour est tiré du chapitre 17 de St Jean, au chapitre 14, Jésus commence un très long discours prononcé à l’intention de ses apôtres, discours qui se poursuit au chapitre 15, puis au chapitre 16 et le chapitre 17 commence par ces mots : ayant ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel et pria ainsi. Il est donc toujours en présence de ses apôtres et c’est devant eux qu’il va exprimer si librement sa prière. Il souhaite que ce qu’il partage dans sa prière les apôtres le prennent dans leur propre prière. Et, on voit bien que, comme chacun d’entre nous, ce que Jésus exprime dans sa prière, c’est ce qui lui tient le plus à cœur. Alors, arrêtons-nous un peu sur le contenu de la prière de Jésus puisque, ce qui est exprimé, c’est ce qui lui tient le plus à cœur.

Ce qu’il partage dans sa prière, c’est son désir le plus profond : Jésus demande à son Père que le monde puisse croire. Jésus n’aurait jamais dit une seule seconde ce qu’on entend souvent dire : que tu crois ou que tu ne crois pas, ça n’a pas d’importance, l’essentiel c’est que tu mènes une vie droite. Oui, mener une vie droite c’est important ; mais, pour Jésus, croire, c’est encore plus décisif précisément parce que c’est ce qui permettra d’atteindre cet objectif plus facilement et plus rapidement.

Croire, c’est tellement décisif qu’il demande de manière insistante à son Père que le monde, que tout le monde puisse croire. Et s’il formule cette intention devant ses apôtres, c’est pour qu’ils puissent la relayer dans leur propre prière. Et cela vaut pour les disciples d’hier comme pour ceux d’aujourd’hui, nous sommes invités à faire nôtre cette prière: Oh oui, Père, que le monde puisse croire, que tout le monde puisse croire.

Il faudrait que, plus jamais, nous ne disions : que tu crois ou que tu ne crois pas, ça n’a pas d’importance. Non, ce n’est pas pareil de croire ou de ne pas croire. Dites mes amis, est-ce que nous en sommes vraiment convaincus ? Est-ce que nous sommes prêts à reprendre à notre propre compte les paroles du pape François dans sa puissante exhortation sur la joie de l’Évangile : « On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente, si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. »

Grâce à ces paroles du pape, nous comprenons mieux pourquoi Jésus demande à son Père que le monde puisse croire. Il le demande avec insistance parce que vivre avec la foi et vivre sans la foi, ce n’est pas pareil. Ça ne veut surtout pas dire que ceux qui sont croyants seraient meilleurs que les autres ! Mais ceux qui ont la foi peuvent compter sur la force de Dieu pour mener leur vie et construire un monde meilleur. En effet, à ceux qui croient, Jésus fait une promesse extraordinaire, nous l’avons entendue à la fin du texte : « l’amour dont le Père l’a aimé sera en eux, et, lui-même, Jésus sera aussi en eux. » Voilà pourquoi il est si essentiel de croire : nous ne sommes pas livrés à nos pauvres forces pour conduire nos vies. Comme c’est important car nous avons tous expérimenté que nous ne sommes pas si forts que ça. Dans nos vies, il y a des hauts et des bas et, à certains moments, plus de bas que de hauts ! Mais, quand nous sommes faibles, il est là qui nous propose sa force pour que nous ne plongions pas toujours plus bas. Voilà pourquoi Jésus ne présente à son Père qu’une seule demande : que le monde puisse croire. Le plus beau cadeau à demander pour nous et pour les autres, c’est la Foi.

Cependant, il y a encore une autre demande dans la prière de Jésus sur laquelle il nous faut aussi nous arrêter et je terminerai par là. Jésus dit que la foi ne pourra jamais grandir quand le terrain est pollué par les divisions. C’est pour cela que Jésus demande à son Père l’unité des chrétiens. Il me semble vraiment que, dans la prière de Jésus, ce qui est le plus fondamental c’est sa demande concernant la foi, sa prière pour l’unité, qui est, elle aussi, répétée est une condition de possibilité. Sans unité, la foi ne pourra jamais s’épanouir. Mais, attention, cet appel à l’unité il ne nous faut pas seulement l’entendre comme un appel à faire grandir l’œcuménisme, bien sûr que c’est important et je suis très heureux de tout ce que nous vivons chez nous à ce niveau. Mais cet appel à l’unité est d’abord une invitation à faire la lumière sur tous nos comportements qui pourraient entretenir de la division. Avec la grâce de Dieu, puisqu’il nous promet que son amour sera en nous, renonçons à toutes nos querelles d’égo, à toutes nos médisances, à tous nos jugements à priori sur les personnes, à toutes nos rancunes. Oh oui, Père, que nous soyons unis pour que le monde puisse croire.