Homélie du 15 avril 2018, où il est question du loup et des chevreaux et de contrôle technique !

Vous connaissez tous l’histoire du grand méchant loup qui, pour rentrer dans la maison des petits chevreaux avait utilisé un terrible stratagème : puisqu’il devait passer sa patte sous la porte pour se faire authentifier, il avait imaginé de recouvrir sa vilaine patte noire de farine afin de faire croire que c’était bien la maman qui demandait à entrer. Et vous savez ce qui s’est passé : le loup les a tous engloutis, sauf le petit dernier qui est allé se cacher. Heureusement, nous sommes dans un conte, la valeureuse maman chèvre va retrouver le loup et lui ouvrir le ventre pour faire sortir ses enfants. La leçon de cette histoire est claire : quand vous avez des ennemis qui vous en veulent, il vaut mieux vous assurer de la fiabilité de qui vient vous visiter et pour cela, il faut leur faire montrer patte blanche !

On peut facilement imaginer que les apôtres enfermés après la mort de Jésus partageaient la même peur que les petits chevreaux. Ils étaient persuadés que ceux qui avaient fait mourir Jésus étaient en train de mettre la ville sans dessus-dessous pour les retrouver et leur faire subir le même sort. Aussi, on peut penser qu’à chaque fois que quelqu’un venait frapper à la porte, pour qu’il puisse entrer, il fallait qu’il montre patte blanche ! A chaque fois, ils devaient être pris d’une angoisse terrible : venait-on pour les arrêter, les torturer et les faire mourir ? Je ne sais pas s’ils espéraient le retour du maître ressuscité, en effet, avaient-ils compris ce que Jésus voulait leur dire quand il leur annonçait sa résurrection ? S’ils ne comptaient pas trop sur le retour du maître ressuscité, par contre, on peut être sûr qu’ils redoutaient la venue de ceux qui pourraient les faire mourir après les avoir fait beaucoup souffrir. Pour entrer dans la maison où ils se tenaient, il fallait à tout coup, montrer patte blanche !

C’est ainsi que, ce dimanche qui suit la mort de Jésus et sa mise au tombeau, vont arriver, tout essoufflé, deux disciple qui reviennent d’Emmaüs. Ils racontent qu’ils ont fait une rencontre étonnante avec Jésus sur le chemin, dans le long dialogue au cours duquel, il va ouvrir leur intelligence à la compréhension des Écritures puis, ils ont vécu ce temps béni, hélas trop court, à l’auberge au cours duquel Jésus a refait ce geste de la fraction du pain. Pour eux, plus de doute possible, Jésus est vivant, il est ressuscité. C’est la nouvelle qu’ils viennent partager aux apôtres qui, eux, restent enfermés. Pourtant, ils ont eu, eux aussi, une annonce de la résurrection de la part des femmes, mais ils ont bien du mal à y croire. Alors Jésus comprend qu’il va devoir intervenir, lui-même, auprès des apôtres s’il veut les faire sortir de ce qu’on appellerait aujourd’hui leur état de sidération. Car c’est bien dans un tel état que sont les apôtres : celui pour qui ils avaient tout laissé et qu’ils avaient suivi pendant 3 ans est mort lamentablement, signe que tous leurs espoirs sont anéantis et eux, ils n’ont même pas eu le courage de le défendre ni même de le suivre jusqu’au bout.

Les deux disciples revenant d’Emmaüs avaient dû montrer patte blanche pour entrer, Jésus, lui, il ne s’encombre pas, il rentre, alors que tout est fermé. Du coup, ce n’est plus la présence d’un ennemi qu’ils redoutent, mais celle d’un fantôme. Il va donc falloir que Jésus, lui aussi, montre patte blanche, qu’ils donnent des signes incontestables qui permettent à ses apôtres de l’identifier. Et c’est là que le texte devient intéressant pour nous aujourd’hui encore : à quels signes peut-on reconnaître la présence de Jésus ou son absence dans nos cœurs ? Il y en 4.

> Le 1° signe par lequel Jésus montre patte blanche pour les apôtres, par lequel il se fait reconnaître. Et ça sera donc le 1° signe qui atteste de sa présence dans nos cœurs, pour nous, aujourd’hui, c’est le don de la paix. Vous aurez remarqué qu’en arrivant au milieu de ses apôtres, la 1° parole qu’il prononce, c’est : la paix soit avec vous. Comme je le disais déjà dimanche dernier : aucun reproche pour leur conduite pas très brillante au cours de la passion. Jésus avait bien compris que ses apôtres étaient enfermés dans la peur et la culpabilité, alors, quand il les rejoint, le 1° cadeau qu’il leur fait, c’est le don de la paix et Dieu sait s’ils en avaient besoin ! Aujourd’hui encore, la paix, c’est le 1° don que Jésus veut nous faire. Et donc, un des critères pour savoir si Jésus est vraiment présent dans ma vie, pour vérifier si je lui fais assez de place dans ma vie, c’est de regarder si je suis dans la paix. Je peux porter des choses lourdes, même très lourdes, je peux traverser de grosses épreuves, si Jésus est avec moi, je reste dans la Paix. Quand il y a une tempête, la mer en surface, est très agitée, mais si on plonge, on trouve le calme. Ainsi en va-t-il pour le cœur habité par la présence de Jésus, il peut connaître de violentes tempêtes en surface sans que sa paix profonde ne soit troublée. Du coup, quand je perds la paix, quand tout m’affole, quand je perds pieds, je dois m’interroger : est-ce que je ne suis pas en train de lâcher Jésus, lui ne me lâchera jamais, mais moi, est-ce que je ne suis pas en train de le lâcher ?

> Le 2° signe qui permet à Jésus de montrer patte blanche c’est la marque des clous. Vous l’aurez bien compris : si Jésus montre ces traces de la souffrance endurée, ce n’est pas pour culpabiliser les apôtres : voilà ce que j’ai souffert et vous, vous étiez où ? Non ! S’il montre la marque des clous, c’est pour leur dire : j’ai souffert tout ça pour vous ! Sur la croix, j’ai pardonné à ceux qui me faisaient mourir, alors à combien plus forte raison ai-je pardonné à ceux qui m’avaient laissé tomber, à ceux qui m’avaient trahi, renié. On peut facilement imaginer qu’après avoir accueilli cette paix et vu les marques de son amour, les apôtres ont été envahis, submergés par une bouffée d’amour et de bonheur. Le texte le soulignait d’ailleurs : « Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire » Voilà encore un signe important pour reconnaître la présence de Jésus : est-ce que je suis envahi par l’amour, la joie de me savoir aimé ? Si c’est la rancune, la colère, le mépris, l’indifférence ou la culpabilité qui habitent mon cœur, là encore, c’est sûrement le signe que j’ai lâché Jésus.

> Le 3° signe, en fait, c’est le 4°, mais je préfère les traiter dans cet ordre, c’est que Jésus va ouvrir leur intelligence à la compréhension des Ecritures. Il fait pour ses apôtres, ce qu’il a fait pour les disciples d’Emmaüs. Par l’explication des Ecritures, il les aide à donner du sens à tout ce qui vient de se passer, il les aide à comprendre que dans tout ce qui arrive, même quand c’est très difficile, Dieu peut ouvrir un chemin de vie. Là encore, nous tenons un signe précieux pour nous aider à reconnaître la présence de Jésus : si tout ce qui m’arrive me semble insensé, si je ne vois que du noir, c’est le signe que j’ai lâché Jésus. Et il faut faire attention car souvent il y en a qui font un raisonnement complètement erroné : puisque tout est noir, ça ne sert à rien que je continue à croire, la foi ne m’apporte plus rien ! En fait c’est exactement l’inverse ! C’est parce que j’ai dû tomber dans la routine, la médiocrité au niveau de la foi que tout devient noir, pénible, que je ne trouve plus de goût, ni de sens à la vie.

> Enfin le 4° signe, c’est le partage, la fraction du pain. Ici, c’est particulier, Jésus veut montrer qu’il n’est pas un fantôme, alors du poisson lui suffit pour le montrer. Un fantôme ne mange pas, or je mange !

Mais pour les disciples d’Emmaüs, on le sait, c’est à la fraction du pain qu’ils l’ont reconnu. Désormais, le signe par excellence de sa présence parmi nous, c’est la fraction du pain, c’est à dire l’Eucharistie. Et là, pour beaucoup de chrétiens, il y a un réel sujet d’interrogation. Jadis, la participation à la messe était un commandement et on mesurait la gravité qu’il y avait de ne pas aller à la messe. Aujourd’hui, ils sont nombreux, ceux qui se trouvent des excuses pour ne pas participer à la messe : c’est trop tôt, trop tard, ce n’est pas dans mon village, ça dure trop longtemps, ce n’est pas assez joyeux, il manque ceci, il y a trop de cela, le prêtre ne me convient pas … Et après cela, les gens s’étonnent que leur foi soit de moins en moins ardente, mais ça se comprend très bien ! Si la majorité des français se déclare encore catholique alors que seuls 5% participe à la messe, on le voit bien, leur foi se résume à quelques principes de vie, mais elle n’est pas l’attachement à une personne.

Régulièrement, il faut passer sa voiture au contrôle technique qui va mettre en lumière les problèmes et nous inviter à les réparer pour pouvoir continuer à rouler. Avec ce que je viens de dire, nous pouvons tous passer notre foi au contrôle technique et évaluer où nous en sommes par rapport à ces 4 signes. S’il y a un ou deux voyants qui s’allument, mes amis, c’est grand temps de réagir !

Bonne semaine !
P. Roger Hébert