Homélie du Père Roger pour les funérailles de sa maman: Ne soyons donc jamais radins en amour !

Merci pour tous les messages reçus qui m’ont fait chaud au coeur !
Je vous transmets l’homélie que j’ai donnée pour la messe des funérailles…
 Père Roger.

 

Il arrive que pour certaines funérailles, on ne sache pas bien quels textes de l’Écriture il faudra choisir. Je vous avoue, que pour aujourd’hui, je n’ai pas hésité un seul instant parce qu’en fait, c’est maman, dans les dernières paroles qu’elles nous a adressées, qui a choisi, elle-même, ces textes qui parlent si bien de l’amour. Et, petit clin d’œil, en fait les chrétiens aiment plutôt parler de « clin Dieu » en préparant, je me suis rappelé que, cet évangile, je l’avais choisi pour mon ordination diaconale à Miribel !

 « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » C’est Jésus qui le dit dans l’Évangile que nous venons d’entendre, c’est ce qu’elle nous a dit vendredi. Bien sûr, il y avait un message pour nous. Mais, en entendant ces paroles, j’ai aussi compris que maman était bien avancée sur le chemin qui allait la conduire à s’endormir dans les bras de son Seigneur. Elle lui était tellement unie qu’elle se mettait à parler comme lui ! C’est vrai que la prière discrète était sa principale occupation. Elle me le disait la semaine dernière quand j’allais lui rendre visite avant son opération. Je lui demandais si elle ne trouvait pas le temps trop long et elle m’a dit : « tu sais, quand je suis chez moi, je trouve aussi le temps trop long, alors, quand je m’ennuie, je prie. » Et c’est ainsi, qu’unie de plus en plus à Jésus, elle a fini par se mettre à parler comme Lui ! « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Oui, l’amour a bien été la clé de voûte de son existence. Oh, certes, elle avait aussi ses petits côtés. On se rappelle tous quand on était gamin qu’elle avait la main leste. Mes frères, parfois turbulents, dans leur jeunesse, l’ont expérimenté, eux aussi. Je me souviens qu’un jour, il y en a un qui arrivait blessé après une imprudence, il a d’abord ramassé sa claque et ensuite elle l’a soigné avec beaucoup d’attentions ! Mais c’est sûr qu’elle avait un cœur débordant d’amour. La suite de l’évangile disait : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Maman a donné sa vie pour nous et comme le demandait St Jean, elle l’a fait, non pas dans de beaux discours, mais par des actes et en vérité.

Du coup, une question peut venir à notre esprit : mais comment un si petit bout de femme pouvait donner autant d’amour ? La réponse, je ne peux la trouver que dans sa foi. Car, voyez-vous, être croyant, ce n’est pas adhérer à un ensemble de vérités sur Dieu.

Ce n’est pas non plus être soumis à un ensemble de lois régies par l’Église. Non, être croyant c’est faire l’expérience qu’on a un accès libre au cœur de Dieu. Or, le cœur de Dieu est un puits d’amour sans fond. Avoir libre accès au cœur de Dieu, c’est donc venir puiser, sans modération, dans ce puits, l’amour dont nous avons besoin pour vivre nous-mêmes de l’amour et pour le distribuer largement autour de nous.

Si maman n’avait dû compter que sur ses propres réserves d’amour, elle aurait fini par être à sec, surtout à cause de toutes les épreuves qu’elle a dû affronter. Je ne sais pas s’il est possible pour un être humain de trouver en lui-même des ressources d’amour inépuisables. Il me semble qu’un jour ou l’autre, on comprend qu’on va finir par se retrouver à sec. Alors, bien des gens faisant cette douloureuse expérience, décident d’économiser l’amour, de le distribuer beaucoup moins généreusement, de le garder uniquement pour ceux qui le méritent. Comme c’est dommage ! Maman avait compris que la foi lui donnait libre accès au cœur de Dieu, alors elle ne se privait pas de puiser largement et c’est ainsi qu’elle pouvait distribuer généreusement tant d’amour.

Mes amis, nous voyons bien que notre monde ne va pas très bien. L’horreur des événements de Berlin qui nous rappellent l’horreur des événements vécus chez nous cet été nous interroge. Maman m’a souvent exprimé sa peur de l’avenir. Elle avait été tellement traumatisée par la guerre et l’exode qu’elle avait dû vivre avec sa famille qu’elle ne pouvait plus regarder à la télé un film où il y avait de la violence. Et quand on parlait, elle me disait : pourquoi les hommes n’arrivent pas à s’aimer ? Je n’ai jamais trouvé les bons mots pour lui répondre, mais aujourd’hui je saurais quoi lui dire ! Les hommes n’arrivent pas à s’aimer parce que chacun calcule l’amour qu’il est capable de donner en fonction des réserves qu’il a dans son cœur. Alors, tout le monde devient de plus en plus radin pour ne pas se retrouver à sec. Chacun décide de n’aimer que ses proches, son clan, sa tribu, sa race. Ah, si tous les hommes pouvaient comprendre que le cœur de Dieu est un puits d’amour sans fond et s’ils osaient tous aller puiser dans ce cœur, qu’il deviendrait beau notre monde.

Je crois, maman, que c’est le témoignage que tu nous laisses, toi qui n’as jamais compté l’amour que tu donnais à tous ceux qui t’approchaient. Maintenant, tu vas veiller sur nous pour que nous ne devenions jamais radins en amour !