Homélie fête de la Assomption: Quelle femme, cette Marie !

  Vous savez que j’ai perdu ma maman quelques jours avant Noël. Je crois que l’un de ses plus grands bonheur, c’est quand elle pouvait dire : je suis la maman du père Roger. Elle était bien sûr également fière d’être la maman de mes autres frères et de ma sœur, mais maman d’un prêtre, c’était encore quelque chose de plus fort. Si elle aimait dire qu’elle était la maman du père Roger, ce n’était sûrement par orgueil, mais comme toutes les mamans, elle était fier de son fils. Je lui faisais remarquer parfois qu’elle pouvait se présenter en disant qu’elle était Mme Hébert, mais non, elle préférait s’effacer pour dire : je suis la maman du père Roger.

J’ai pensé à cela en méditant sur cette fête de l’Assomption, j’aurais l’occasion d’y revenir pour souligner combien cette attitude de ma mère et de toutes les mères peut éclairer le sens de ce que nous célébrons aujourd’hui. Cette fête, je l’aime beaucoup et en même temps, je la célèbre toujours avec un pincement au cœur en pensant à tous mes amis originaires de la Réforme pour qui cette journée du 15 août est une journée bien particulière. Nous savons que sur ce point de la théologie mariale, le dialogue œcuménique n’avance pas beaucoup. D’autant plus que cette fête de l’assomption n’est pas une fête qui tire son origine de l’Évangile. Parce qu’ils sont amoureux des Ecritures, nos frères protestants parlent évidemment de l’Annonciation, de la Visitation qui sont des événements mentionnés dans l’Évangile. Mais, pour l’assomption, vous avez beau tourner les pages de l’Évangile et de l’ensemble du Nouveau Testament, il n’y a rien et cela les chagrine donc.

Ils sont aussi chagrinés par l’attitude de certains catholiques dont la dévotion mariale n’est pas très ajustée. Je vous avoue que, moi aussi, il m’arrive de souffrir et pourtant Dieu sait si Marie tient une place importante dans ma vie spirituelle. Mais, quand je célèbre la messe à l’église Notre Dame à Bellegarde, je vois souvent des personnes qui ont une attitude qui n’est pas ajustée. Nous sommes donc en train de célébrer la messe, c’est le moment de la lecture de la Parole de Dieu ou de la consécration, ces personnes entrent pour faire brûler un cierge à Notre Dame de Fatima et elles ne se préoccupent pas un seul instant de ce qui est en train de se passer un peu plus haut dans l’église. Elles ne prêtent pas un brin d’attention aux lectures, elles ne manifestent aucun signe de respect pour la présence de Jésus sur l’autel, rien ! Ce qui les intéresse, c’est Notre Dame de Fatima. Je comprends que de telles attitudes chagrinent nos frères protestants puisqu’ils me chagrinent moi aussi !

Si j’avais des talents de sculpteur, dans toutes les églises dont je suis le curé, je ferai des statues de Marie avec le bras et le doigt tendu dans la direction du Saint-Sacrement comme pour dire : ne vous arrêtez pas à moi, allez vers mon divin Fils, c’est Lui, le Sauveur, c’est Lui qu’il faut écouter. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il ne faut pas prier Marie, sûrement pas ! La proximité de cette mère du ciel peut nous aider particulièrement dans les moments difficiles. J’aime beaucoup ce qu’a dit le concile Vatican II à propos de Marie, il parle de son pèlerinage de foi, belle expression qui nous montre la proximité de Marie.

Elle a eu, elle aussi, à avancer dans la vie sans tout connaître d’avance, sans tout comprendre, bref, elle a vécu, elle aussi, un pèlerinage de foi et c’est pour cela que, lorsque le chemin de nos vies, de notre foi, devient compliqué, nous aimons la prier. Nous savons qu’elle est passée par là où nous passons, de sentir sa main qui tient notre main peut grandement nous établir dans la confiance.

Pour autant, Marie ne veut pas que nous nous arrêtions à elle. Et, je suis sûr que les comportements que j’ai décrits en disant qu’ils me chagrinaient, chagrine aussi Marie.  Si je rêve de statues de Marie au bras et au doigt tendu en direction du Saint Sacrement, c’est précisément parce que je suis sûr que Marie se présentait comme le faisait ma maman, elle devait dire : je suis la maman de Jésus. Son identité propre disparaissait derrière sa mission, son identité était définie par sa mission ; sa joie, c’était de tenir la place que le Seigneur lui avait confiée : je suis la maman de Jésus. C’est ce que nous disent les textes que nous avons entendus.

  • La 1° lecture tirée du livre de l’Apocalypse nous montre dans le langage imagé, j’oserais presque dire crypté, qui est utilisé dans ce livre une femme en train d’accoucher dans des circonstances compliquées. Elle met au monde un fils, celui, nous dit le texte, qui sera le berger de toutes les nations. C’est clair, l’identité de cette femme disparait derrière sa mission.
  • Inutile de nous arrêter longuement sur la 2° lecture, puisqu’elle ne parle que de Jésus et de son œuvre de Salut. Elle a été choisie parce qu’elle nous laisse imaginer comme en filigrane que cette mission de Salut n’a pu se réaliser que par la disponibilité d’une femme et son oui sans réserve. Mais, là encore plus que dans la 1° lecture, l’identité de cette femme disparait pour que le projecteur reste braqué sur son Fils et sa mission de Salut.
  • Quant à l’évangile, si c’est le récit de la visitation qui a été choisi pour cette fête de l’Assomption, c’est parce qu’il nous raconte la rencontre de ces deux femmes qui, l’une comme l’autre, disparaissent totalement, s’effacent totalement pour que nous n’entendions parler que de leur mission. Et le chant de Marie qui suit est un chant qui glorifie le Seigneur qui accomplit sa promesse de Salut. Et il nous est don d’entendre, dans ce chant, Marie qui a l’audace de dire que toutes les générations la diront bienheureuse. C’est ce que nous faisons, nous les catholiques, avec nos frères orthodoxes, dans toutes les fêtes mariales. Mais elle n’est bienheureuse qu’en fonction de sa mission, ce qui la rend bienheureuse, c’est de pouvoir dire : je suis la maman de Jésus, le Christ, le Sauveur de l’humanité.

Puisqu’aujourd’hui, nous célébrons l’Assomption de Marie, son entrée dans la gloire du ciel avec son corps, nous comprenons qu’il n’y a pas de plus court chemin pour parvenir au ciel que de prendre le chemin de Marie. C’est à dire que, nous aussi, nous sommes invités à vivre de telle manière que notre joie la plus profonde soit de faire connaître et aimer le nom de Jésus parce qu’il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puissions être sauvés.

 

Père Roger Hébert