Homélie fête de l’Ascension

Traditionnellement, nous faisons un petit pèlerinage paroissial sur les pas de la bienheureuse Soeur Rosalie RENDU qui s’est illustrée à Paris, mais qui est originaire de chez nous à Confort.

Belle journée, bonne ambiance familiale, beau soleil !

Merci Seigneur ! Bienheureuse Soeur Rosalie intercédez pour nous afin qu’à l’image de St Vincent de Paul, votre fondateur, nous sachions rendre la charité imaginative à l’infini !

Ce ne sont pas tous les groupements paroissiaux qui ont la chance d’avoir une bienheureuse qui est née et qui a grandi sur leur territoire ! Avec Sr Rosalie RENDU, nous avons cette chance, c’est aussi une responsabilité, c’est à nous qu’incombe en partie la mission de la faire connaître. Moi-même, avant d’être nommé à Bellegarde, je ne la connaissais que très très peu ! C’est pour cela qu’à mon arrivée, j’ai souhaité que nous fassions ce pèlerinage paroissial sur ses pas. Si nous l’honorons pour l’Ascension, c’est simplement pour des raisons pratiques. Le temps est habituellement plus clément à cette période que le 9 février, jours de la fête officielle.

Mais, si nous sommes fiers d’honorer Sœur Rosalie, c’est grâce à un événement, en apparence complètement anodin, qui s’est produit il y a 400 ans, c’est à dire plus de 150 ans avant la naissance de Sr Rosalie. Cet événement s’est produit dans notre département, à Chatillon sur Chalaronne. Le curé de l’époque, Vincent Depaul est prévenu le 20 août 1617 qu’une famille se retrouve en grande difficulté, tous les membres sont malades, il ne reste personne de valide pour s’occuper et nourrir la maisonnée. Vincent Depaul en parle au cours de la messe et sollicite la générosité de ses paroissiens. L’après-midi du dimanche quand il décide de faire une visite à cette famille, il est étonné de croiser une file presque ininterrompue de paroissiens qui reviennent de cette maison. Quand il y entre, il constate que ses paroissiens ont été vraiment généreux, la table croule de provisions amenées par les uns et par les autres.

C’est extraordinaire et en même temps, c’est bien dommage, il y a tellement de victuailles que la plus grande partie va pourrir. Vincent Depaul comprend que la charité c’est bien mais qu’il faut l’organiser si on veut qu’elle soit féconde pour que les pauvres puissent profiter de tout ce qui est donné et que les riches ne se découragent pas de donner. Vincent Depaul va donc organiser la première confrérie de la Charité, groupe de femmes qui se relaient pour aider les pauvres, s’occuper de leurs repas, de leur santé, mais aussi de leur vie spirituelle. Vincent Depaul ne restera que quelques mois dans la paroisse de Châtillon. Il repart à la fin de l’année 1617, mais cette expérience l’aura tellement marqué que partout où il passera, il fondera des confréries de la Charité. Ces confréries existent aujourd’hui encore, dans le monde entier, sous le nom de Conférences Saint-Vincent. C’est de cette même intuition que sont nés les prêtres de la Mission et les Filles de la Charité, congrégation que rejoindra Jeanne-Marie RENDU quand elle partira de Confort à 16 ans pour devenir Sœur Rosalie.

Pour être tout à fait juste, il faut quand même préciser que, si le déclic qui a été à l’origine des grandes œuvres fondées par St Vincent a bien eu lieu à Chatillon, Vincent Depaul avait déjà vécu ce que l’on pourrait appeler une conversion dans son poste précédent à Folleville en Picardie. Lui qui, jusque là, fréquentait plutôt le beau monde de la cour, c’est là, à Folleville, qu’il va rencontrer la grande misère spirituelle du peuple des campagnes. C’est de cette rencontre que naîtra son désir, selon ses propres mots, « de s’employer tout entier à l’instruction et au service des pauvres de la campagne ». C’est ainsi qu’il acceptera de devenir curé de Châtillon en août 1617.

Sans Vincent de Paul, il n’y aurait pas eu les Filles de la Charité, il n’y aurait donc pas eu Sœur Rosalie ou en tout cas, elle aurait été complètement différente. Vincent Depaul n’avait sûrement jamais imaginé qu’il deviendrait fondateur de tant d’œuvres de charité. Et, vraisemblablement, tous ceux qui l’avaient connu à la cour ont été étonnés de son parcours. Mais, à l’image de Jésus, le bon pasteur, il avait les yeux et les oreilles directement reliés à son cœur. On le constate souvent dans l’évangile, c’est parce qu’il voit les foules que Jésus est ému aux entrailles, c’est parce qu’il entend ceux qui crient leur misère qu’il va déployer sa puissance en opérant des miracles. Le drame aujourd’hui, et le pape François ne cesse de le dénoncer, c’est que trop de gens ont les yeux et les oreilles directement reliés à leur portefeuille  ou à leur confort ! Leurs yeux sont hypnotisés par ce qui leur manque, alors qu’ils ont déjà tant ou par les cours de la bourse ou par leurs relevés de banque, leurs oreilles ne sont vraiment attentives que lorsqu’on leur parle de pouvoir accroitre leurs gains !

En ayant fréquenté les grands de ce monde, il est possible que Vincent Depaul ait été tenté par la recherche des bonnes places, celles qui payaient bien. Mais, quand la misère est venue le percuter, il laissera tout cela pour donner le meilleur de lui-même à l’organisation de la charité. Il aura même cette merveilleuse parole : La charité est inventive à l’infini. Il l’a prouvé en fondant toutes ces œuvres qui voulaient répondre à toutes les situations de misère de son époque. Et ceux qui continuent son œuvre le prouvent encore en soulageant toute forme de misère. C’est ce qu’a fait Sœur Rosalie dans le quartier de la rue Moufetard à Paris, c’est ce que continuent à faire des disciples de Vincent Depaul comme le père Pedro à Madagascar dont nous avons découvert l’œuvre magnifique au cours d’un des mercredi de carême.

Mais me direz-vous, quel rapport entre ces belles histoires et l’Ascension que nous fêtons ? Dans l’évangile que nous venons d’entendre, s’il n’y avait qu’une phrase à retenir, c’est la dernière, l’extraordinaire promesse que fait Jésus : Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Il y en a qui ont du mal à croire en cette promesse, ce sont tous les pauvres, les exclus ; eux, ils se disent : si Jésus était vraiment là, je ne traverserai pas tant de galère. Toutefois, ceux qui croisent des disciples de Vincent Depaul  ou d’autres personnes qui ont, comme Jésus, les yeux et les oreilles directement reliés au cœur, ceux-là se mettent à espérer à nouveau et certains même à croire à nouveau. Quand ils constatent que des personnes font tout ce qu’elles peuvent pour les aider à reconquérir leur dignité et que ces personnes sont croyantes, alors ils ne doutent plus que Jésus soit encore présent et agissant à travers ces personnes qui rendent l’amour inventif à l’infini. Et ceux qui se donnent tant pour les autres savent très bien, eux aussi, que si Jésus n’était pas présent et agissant en eux, ils ne pourraient pas rendre l’amour inventif à l’infini.

Si la foi se perd un peu c’est peut-être parce qu’il manque de chrétiens dont les yeux et les oreilles soient directement et constamment reliés au cœur, à la suite de Jésus, de Vincent Depaul, de Sœur Rosalie. Là où l’amour se rend inventif à l’infini, là Jésus est présent et les merveilles qui sont accomplies en son Nom et par sa puissance finissent par porter des fruits.

Père Roger Hébert