Homélie messe des Familles: Tout au long de cette semaine, de qui décides-tu de te faire complice ?

 Régulièrement, quand il y a un drame, une personne assassinée par exemple, on entend l’entourage crier sa soif de vengeance. Et, il faut souvent protéger la sortie du tribunal pour les personnes qui se sont rendues coupables de ces actes odieux, autrement elles risqueraient d’être lynchées sur place. Evidemment, on comprend très bien que cet appel à la vengeance traduit d’abord la souffrance de l’entourage. Mais on sait bien, en même temps, que la vengeance ne règle rien, au contraire. Tous ceux qui se laissent emporter par elle, montent d’un cran dans la spirale de la violence. Et pour punir une personne qui a commis un meurtre, ils sont prêts à devenir eux-mêmes des meurtriers. La violence qui habite le cœur de l’entourage d’une victime peut devenir bonne si elle est bien dirigée. Laissons à la justice le soin de régler le sort de la personne coupable et la violence, au lieu de la diriger vers une personne, dirigeons-la plutôt en prenant comme cible le mal et tout ce qui peut conduire au mal, à passer à l’acte.

Vous voyez, je suis de plus en plus choqué par les contradictions de notre société. Quand un acte de pédophilie est commis, tout le monde se déchaine. Et on a raison de punir sévèrement ceux qui commettent ces actes odieux et de les écarter de la société pour qu’ils ne brisent pas d’autres vies innocentes. Mais, dans le même temps, tous les sites pornographiques qui mettent en scène toutes les perversions possibles sont en consultation libre ! Punissons les coupables quand il y a des actes odieux qui sont commis, surtout quand ils le sont par des personnes qui devraient, à priori, inspirer le respect comme les prêtres, les religieux, mais aussi les professeurs, les éducateurs. Oui, la sanction doit être claire, mais ensuite, ne dirigeons pas la violence suscitée par de tels actes contre les personnes coupables, la justice s’occupe d’eux. Par contre, utilisons notre violence pour éradiquer la pornographie qui est en train de faire tant et tant de victimes chez les jeunes et même chez les très jeunes et chez les personnes fragiles. Je suis en train de lire un livre qui traite de ce sujet, vraiment ça fait froid dans le dos. Il faudra bientôt que cette lutte contre la pornographie devienne une grande cause nationale. J’ai l’impression que, celui que les chrétiens nomment le Malin, a vraiment trouvé dans la pornographie, un moyen extraordinairement efficace pour pervertir les cœurs de manière dramatique. Ne pas réagir va finir par nous rendre complices.

Je suis, par contre, toujours très admiratif quand j’entends que des parents, par exemple, qui ont perdu un enfant, tué par un chauffard sous l’emprise de l’alcool, décident de créer une association pour lutter contre les méfaits de l’alcool. Voilà une soif de vengeance qui est bien dirigée.

 Si je vous raconte tout ça, c’est parce qu’au milieu de la 1° lecture, ce si beau texte d’Isaïe qui annonce tant de promesses réjouissantes, il y a une phrase qui peut être particulièrement choquante pour les oreilles qui n’écoutent pas distraitement ! Je cite : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. » Comment Dieu pourrait-il être habité par le désir de vengeance ? Comment pourrait-il avoir soif de revanche ?

Eh bien, c’est tout simple ! Des parents qui ont perdu l’enfant qu’ils aimaient sentent monter en eux une soif de vengeance et cette soif est donc bien un signe d’amour. Dieu aussi, en voyant ses enfants qu’il aime comme un père ne pas arriver à se sortir de la misère est habité par cette même soif de vengeance. Mais évidemment, sa soif de vengeance ne sera jamais dirigée contre des personnes, mais elle va combattre le Mal et ce qui conduit au mal. Un peu à l’image de ces parents qui créent une association pour lutter contre les méfaits de l’alcool. Dieu aime les pécheurs et il se met en 4 ou plutôt en 3, Père, Fils et Saint-Esprit, pour lutter contre le péché et tout ce qui conduit au péché avec le l’immense désir d’éradiquer le Mal pour qu’il ne commette plus des ravages dans le cœur des hommes. Isaïe disait : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. » Mais il ajoutait : « Il vient lui-même et va vous sauver. » Voilà comment Dieu se venge, voilà comment il prend sa revanche sur le mal, c’est en donnant le Salut, en déployant encore plus d’amour en faveur des hommes pour que le mal n’ait pas le dernier mot.

Evidemment, tout cela ne reste pas pour Dieu de belles paroles, il a tenu promesse en envoyant son Fils sur terre. Jésus est venu accomplir le Salut promis, il a donné sa vie pour cela et tout au long de sa vie il a mené un combat sans répit contre le mal. C’est bien le sens des paroles qu’il donne pour rassurer Jean-Baptiste qui, du fond de sa prison, s’inquiète que le Messie tant espéré ne fasse pas plus de coups d’éclat ! « Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. » Et ce n’est pas un hasard si tous ces mots sont, en fait, tirés du prophète Isaïe, oui Jésus veut montrer qu’il est venu accomplir les promesses de Dieu : la revanche est en train de se prendre, j’oserais dire que le Mal est mal en point.

 En entendant cela, vous êtes peut-être en train de vous dire qu’il a la peau dure le Mal parce que Jésus est loin de l’avoir mis K.O. C’est vrai, il a la peau dure mais uniquement parce qu’il trouve des complices parmi les hommes ! Mais en même temps, il faut aussi dire qu’il n’y a pas que des complices du Mal, heureusement Jésus a aussi beaucoup de complices. C’est Julien, le journaliste de la Tribune qui a été capable de fédérer toute une équipe de personnes pour sortir Costica de la rue, lui qui a été victime d’un passeur sans foi ni loi. Aujourd’hui, grâce à Julien, grâce à ceux qui ont entendu son appel, Costica vit avec moi, à la maison paroissiale et, désormais, beaucoup de gens qui le rencontrent lui parlent et l’aident dans la mesure de leurs moyens. En effet, Costica, avant de retourner dans son pays le 22 décembre, ne peut faire autrement que de mendier pour aider sa femme et ses 6 enfants qui doivent être dans une situation de détresse sans nom. Les complices de Jésus, ce sont encore ces frères de l’Église adventiste qui se sont mobilisés pour accueillir une autre famille irakienne. La sœur de notre ami Faris est arrivée ce samedi et a trouvé un logement et tout ce qu’il faut pour démarrer une nouvelle vie après avoir connu l’enfer de Daesh.

Mes amis, la question nous est posée : de qui veux-tu te faire le complice cette semaine ? Il n’y a pas une quantité de choix, il n’y en a que deux : par tes paroles, par tes actes, par tes regards, par tes pensées, seras-tu le complice du Malin ou le complice de Jésus ? Et dis-toi bien que ne rien faire c’est, à terme, devenir complice du Malin.

Permettez-moi, pour terminer, de vous raconter à nouveau cette histoire : « Un vieil homme disait à son petit-fils : En chacun de nous, il y a un combat intérieur. C’est un combat jusqu’à la mort et il se tient entre deux loups. Le premier est ténébreux. Il est la colère, l’envie, le chagrin, le regret, l’avidité, l’arrogance, l’apitoiement sur soi-même, la culpabilité, le ressentiment, l’infériorité, la supériorité, les mensonges, la fausse fierté et l’égo. Le second est lumineux. Il est la joie, la paix, l’amour, l’espoir, la sérénité, l’humilité, la gentillesse, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi. Le petit réfléchit pendant un long moment et demande à son grand-père : Quel est le loup qui gagne ? Le vieil homme sourit et lui répond : Celui que tu as décidé de nourrir ! »

Père Roger Hébert