Homélie Pâques 2018 : « Moi, je ne crois que ce que je vois …»
St Jean: il vit et il crut …mais qu’est-ce qu’il a donc vu pour croire aussi vite ?

« Moi, je crois que ce que je vois ! » et tous ceux qui disent ça se réclament de St Thomas … nous aurons l’occasion de reparler de St Thomas un de ces prochains dimanches. Evidemment, tous ceux qui disent : « Moi, je crois que ce que je vois ! » le disent pour expliquer pourquoi ils ont du mal à croire à la Résurrection de Jésus et, peut-être, y a-t-il, parmi nous, un certain nombre de personnes qui, lorsqu’elles ont entendu : « Moi, je crois que ce que je vois ! » se sont dit : ça c’est moi ! Eh bien, à toutes ces personnes, je proposerai un nouveau saint patron, non plus St Thomas, mais St Jean. En effet, c’est surtout lui qui ne croit que ce qu’il voit. Et il a bien raison car pour croire, on a besoin de voir ! Tout l’évangile de Jean associe ces deux verbes.

Avez-vous remarqué dans l’évangile que c’est exactement ce qui nous est dit ? Mais reprenons d’abord le fil des événements pour ceux qui auraient écouté un peu distraitement le texte ! Marie-Madeleine, cette femme que Jésus avait libéré de ses vieux démons, est tellement reconnaissante à l’égard de Jésus qu’elle ne peut supporter son absence. Même mort, et dans le tombeau, il faut qu’elle aille voir Jésus. En effet, elle lui doit tout, elle lui doit cette vie nouvelle dans laquelle son corps n’est plus une marchandise dont les hommes viennent profiter sans se soucier de son cœur un peu plus blessé à chaque fois. Donc, juste au lever du soleil, devançant la fin du sabbat, elle court au tombeau. Elle ne se soucie pas de savoir comment elle pourra entrer puisqu’une lourde pierre est roulée pour séparer le monde des morts et celui des vivants. Elle a besoin d’y aller, elle ne peut pas faire autrement. Il faut dire qu’elle a tellement souffert en voyant souffrir Jésus dans sa passion, elle a tellement souffert de rien pouvoir faire pour lui alors que lui avait tout fait pour elle. Elle a tellement souffert de ne pas pouvoir le réconforter à cause des gardes qui empêchaient toute personne d’approcher et de soulager Jésus. Et quand on l’a descendu de la croix, le sabbat allait commencer, il fallait faire vite pour le mettre au tombeau. Alors les soins qu’elle n’a pas pu lui faire ni de son vivant, au cours de sa passion, ni juste à sa mort, elle veut venir les lui prodiguer le plus vite possible. Elle va donc au tombeau et là, stupeur, elle voit que la pierre a été roulée. Elle court donc vers les apôtres et leur dit : c’est un drame, on a enlevé Jésus, je ne sais pas où il est !

Retenez bien ça : elle dit qu’on a enlevé Jésus. Immédiatement, elle doit penser que c’est un coup de ceux qui ont fait mourir Jésus, que ce sont les responsables religieux du peuple juif qui, non contents de l’avoir injustement condamné, de l’avoir fait souffrir de manière si terrible, ont voulu le faire disparaître pour effacer toute trace de sa vie, pour empêcher que ses amis ne viennent se recueillir sur sa tombe. Jésus les a dérangé tout au long de sa vie, ils ne veulent pas qu’il continue à les déranger après sa mort donc ils ont fait disparaître son corps. On peut imaginer que c’est le scénario qu’elle est en train d’échafauder et que c’est pour cela qu’elle court trouver les apôtres. Elle veut les prévenir vite parce qu’il doit être encore temps de retrouver son corps.

C’est ainsi que Pierre et Jean partent ; eux aussi, ils se mettent à courir. Jean court plus vite, c’est normal, il est plus jeune que Pierre et surtout, il n’a pas à trainer le poids de culpabilité qui accable Pierre. Jean n’a pas renié et il a suivi Jésus jusqu’au bout. Mais quand ils arrivent, il attend Pierre et le laisse entrer en premier. Quel beau geste de la part de Jean !

Jean aurait pu se dire : le vieux n’arrive plus à courir, et puis avec ce qu’il a fait, il s’est complètement discrédité, je prends la place et pour le montrer, j’entre en premier et je prends les affaires en mains ! Non, il attend que Pierre arrive, enfin, il jette quand même un coup d’œil et ce qu’il voit l’interroge sûrement pas mal mais il n’entre pas pour vérifier, il attend et il laisse Pierre entrer en premier. Pierre voit la même chose que Jean, mais apparemment, ça ne déclenche rien chez lui. Alors qu’il nous est dit que Jean, quand il entre et qu’il voit, il croit tout de suite. C’est pour cela que je dis que, en fait, c’est St Jean qui est le patron de ceux qui disent : « Moi, je crois que ce que je vois ! » C’est ce qu’il a vu qui l’a obligé à croire.

Alors, ça vaut le coup de s’interroger : mais qu’est-ce qu’il a vu pour que, immédiatement, ça déclenche la foi, chez lui ? Eh bien l’évangile nous dit ce qu’il a vu : « les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. » Vous pourriez légitimement me dire : eh bien, moi, je ne vois pas en quoi ça constitue une preuve de la résurrection ! Si vous pensez cela, vous n’êtes pas un mécréant, vous êtes comme Pierre, ce qu’il a vu n’a pas non plus constitué une preuve pour lui, il lui faudra attendre la 1° apparition. Mais je vous l’ai dit, Pierre, il est un peu dans le brouillard avec ce qui lui est arrivé dans les dernières 36 heures ! Jean, lui, il n’est pas dans le brouillard, alors il voit et il croit. Et sûrement qu’en rentrant pour expliquer aux autres … et à Pierre, il a commencé par dire : vous savez, moi, je crois que ce que je vois, mais là, je peux vous dire que ce que j’ai vu m’a largement suffi pour croire !

Vous n’en pouvez plus du suspens ! En quoi ces linges disposés à la place du corps de Jésus sont-ils une preuve de la résurrection ? Oh, c’est tout simple ! Marie-Madeleine, pour expliquer le tombeau vide, dit qu’on a enlevé son corps. Et je vous l’ai dit, il n’y avait que les responsables religieux juifs pour faire un tel coup. Mais, chez les juifs, manipuler un cadavre, c’était vraiment quelque chose qu’on ne faisait que lorsqu’on ne pouvait pas faire autrement. Alors vous imaginez bien que s’ils avaient enlevé le cadavre de Jésus, ils l’auraient bien laissé dans son linceul et ils l’auraient encore recouvert d’autres linges. Et puis s’ils voulaient faire disparaître toute trace de Jésus, ils n’allaient pas laisser ces reliques, si précieuses, ils ne sont quand même pas idiots ! Non, si les linges sont là en place, ce n’est pas parce qu’on a enlevé son corps, c’est parce qu’il est ressuscité. Pour Jean qui n’est pas dans le brouillard, comme Pierre, c’est lumineux : il voit et il croit que ce n’est pas un enlèvement ! Subitement, tout devient clair, les promesses de l’Ecriture, les annonces de Jésus. Lui qui, comme nous ne croit que ce qu’il voit, il voit et il croit !

Mes amis, quand nous avons de la peine à croire, c’est peut-être le signe que, nous aussi, comme Pierre, nous sommes dans le brouillard. Le brouillard, chez Pierre, il a été provoqué par sa médiocrité à l’égard de Jésus. Nous pouvons nous interroger : sommes-nous toujours loyal vis à vis de Jésus ? Ne le laissons-nous pas tomber régulièrement, un peu comme Pierre, oh sans le renier ouvertement, mais en nous passant très bien de lui ? En tout cas, quelles que soient les raisons qui nous plongent dans le brouillard, le fait est là, nous sommes dans le brouillard et, la caractéristique du brouillard, c’est de nous empêcher de voir … du moins de voir distinctement !

Parce qu’aujourd’hui encore, ce qui nous est donné à voir pourrait nous aider à croire. Savez-vous que, cette nuit, en France, 4.258 adultes ont été baptisés ? Il y en avait 4 à Bellegarde ! Et si on rajoute les 3 jeunes qui vont être baptisés dans un instant et tous les autres jeunes qui sont baptisés aujourd’hui, parce que souvent pour les jeunes le jour de Pâques et plus pratique que la nuit, ça fait beaucoup plus. Bon, quand on baptise des bébés, on peut dire, c’est la tradition, les parents ne croient pas forcément, mais ils voulaient une occasion de faire la fête ! Mais là, vous croyez que les 4.258 adultes qui ont été baptisés cette nuit et qui se sont préparés pendant deux ans au baptême, vous croyez qu’ils ont fait ça sans réfléchir ? Vous croyez que les jeunes qui vont être baptisés tout à l’heure, c’est par caprice qu’ils ont demandé le Baptême ? Si la foi, ce n’était que du vent, je peux vous dire que cette nuit et aujourd’hui, il n’y aurait eu aucun baptême ! Et si la foi n’était que du vent, de toutes façons, j’aurais pas choisi d’être curé en faisant 8 ans d’études pour être payé 1.000 € par mois, travailler jusqu’à 75 ans, souvent 7 jours sur 7 et plus de 12h par jour !

Et je pourrais continuer encore longtemps à vous donner ce qui ne sera jamais des preuves, mais des signes qu’être croyant, contrairement à ce que certains pensent, c’est être vraiment clairvoyant, au sens étymologique du mot. Chers amis, demandons vraiment que la lumière de Pâques puisse dissiper le brouillard de nos cœurs, pour que, nous qui aimons tant dire : je ne crois que ce que je vois, nous puissions enfin croire parce que ce qui est à voir est tellement clair ! Et la vie est tellement, tellement plus belle quand on croit !

Père Roger Hébert