HOMÉLIE DE NOËL 2021 C

Le petit Jésus, l’Enfant de la plus grande Espérance

Tout enfant qui vient au monde est à la fois une joie en acte et une semence d’espérance.
On attend de lui qu’il croisse, qu’il soit doté de force, de santé, d’intelligence, qu’il réussisse dans la vie, et que, dans la force de l’âge, il soit le soutien de ses parents vieillissants.
L’ensemble de ces bonnes intentions s’étend sur des décennies d’espérance. Mais quelle qu’en soit la longueur, cette espérance demeure limitée et prend fin avec la mort. C’est une telle espérance que se transmettent les générations les unes aux autres, depuis la création de l’homme. Mais l’histoire connaît un Enfant, un seul, un Enfant d’homme qui, parce qu’il est Fils de Dieu, apporte sur la terre la plus longue espérance qui soit, l’Espérance de la vie éternelle, car il est lui-même immortel. Cet Enfant, c’est Jésus, dont nous fêtons la Nativité aujourd’hui. Si la naissance des enfants qui périssent nous remplit de tant de joie, de combien plus de joie doit nous remplir la Nativité d’un Enfant qui nous mène à l’immortalité en réconciliant l’homme pécheur avec le Dieu saint ? On comprend alors qu’à sa Naissance, le ciel s’unisse à la terre pour chanter : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime.

Ne me dites pas : l’Enfant dont tu parles, nous le connaissons, il est né il y a plus de deux mille ans, il est mort jeune, comme des gens de brève espérance. Oui, il est mort, mais il est ressuscité et c’est pourquoi sa Naissance, sa Mort et sa Résurrection sont encore d’actualité et nous les célébrons toutes ensemble comme une chance unique pour l’humanité. Nous osons employer le terme “humanité”, sachant bien que ce sont les chrétiens qui entendent sa Naissance de cette manière, mais même si dans sa totalité, l’humanité ne le comprend pas ainsi, elle saisira le mystère quand elle sera sauvée par l’Enfant de Bethléem.

L’Enfant dont nous disons tant de bien, si vous examinez de près le profil de son destin, vous vous rendrez compte qu’il ne paraît cependant pas si évident qu’il soit un enfant de la chance pour son père, sa mère et les autorités de son temps.
Les conditions mystérieuses de sa conception compromettent pour son père la chance d’être père et d’avoir une femme, car qui prendrait pour épouse une fiancée enceinte avant tout rapport, et qui accepterait d’être le père de l’enfant ainsi conçu ? Par ailleurs, les mêmes conditions mystérieuses de conception, mettent en péril la chance pour sa mère d’avoir un mari, pour la raison que nous venons d’énoncer. Pire encore, elles mettent en danger la vie de la mère, car selon la loi juive, concevoir un enfant en dehors du mariage ou dans l’adultère apparent, c’est encourir la lapidation.

De plus, l’Enfant, une fois arrivé au monde, se voit attribuer des titres qui ne laissent pas indifférentes les autorités politiques. On l’appelle “le Roi des Juifs”. Hérode, se sentant menacé dans son pouvoir, déclenche une action meurtrière à laquelle l’Enfant ne survit que par la fuite des parents en Egypte, une autre mauvaise chance pour Marie et Joseph.

Il se fait que dès sa conception, la solution qui se propose sérieusement pour la sécurité du père et de la mère, c’est l’avortement. Si Marie l’avait fait sur conseil d’Anne et de Joachim, Joseph ne se serait douté de rien et la chance pour l’un et l’autre de s’épouser aurait été sauvegardée.

Et puis, au déclenchement de la persécution d’Hérode, pour Joseph et Marie, une des solutions pourrait être d’abandonner le bébé et de s’enfuir à Nazareth, au lieu de se trouver sur la route de l’exil en Egypte !

L’Enfant n’est pas avorté, Hérode manque de l’assassiner parmi les Saints Innocents.
Les parents ne l’abandonnent pas dans la rue. Mais une fois que l’Enfant atteint l’âge adulte, il devient une menace pour les intérêts des autorités juives. Le plus éclairé d’entre eux leur donne une brillante idée : vous n’y entendez rien. Vous ne songez même pas qu’il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière (Jn 12,40-50). Après avoir éludé les dangers précédents, Jésus n’échappera pas à la croix des Romains sur instigation des Juifs.

Et maintenant, notre discours est assez mûr pour que nous remettions en question le fait de chercher à résoudre des problèmes de vie humaine par le sacrifice de vies humaines. Il reste cependant vrai que, de toutes les fois que l’humanité a recouru à cette pratique, cela lui a réussi une et une seule fois : c’est quand elle a tué Jésus. Mais si cela a réussi, ce n’est pas parce que c’est objectivement bon, ni parce que le mérite du bon résultat revient à l’homme, mais parce que le Père Eternel a voulu exposer la vie de son Fils à notre rage meurtrière, et ce Fils, animé par l’Esprit d’Amour, a voulu offrir sa vie pour nous sauver, après avoir enseigné qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15,13).

A part ce cas unique, aucun autre ne peut être admissible, parce qu’aucun bénéficiaire de la vie n’a de droit sur sa propre vie, ni sur la vie des autres. Je ne peux porter atteinte à l’embryon humain, pas plus que comme Hérode, je ne peux me permettre, pour menace à mon pouvoir, d’égorger des enfants de moins de deux ans. Je ne puis enfin, pour sauvegarder mon intérêt, faire crucifier un jeune de trente-trois ans, sous le couvert de Ponce Pilate.

Bienvenue dans notre monde, dans ton monde, Petit Jésus, Espérance des Nations. Nous ne chercherons plus à te tuer !