Homélie dimanche 02/05/21: Demeurez en moi…

Première lecture : Ac 9,26-31
Psaume responsorial : 22(21)
Deuxième lecture : 1 Jn 3,18-24
Evangile : Jn 15,1-8.

Pour décrire le rapport entre Jésus et ses proches, les quatre Evangiles s’entendent
pour désigner l’un sous le titre de Maître, et les autres disciples. Le propre du disciple est de suivre le Maître, dans une démarche qui n’implique pas seulement un mouvement spatial, mais aussi une proximité de vie, une adhésion de pensée, une conformité dans le comportement. Un tel rapport se vérifie déjà dès les premiers moments de rencontre où Jésus se réserve l’initiative absolue : suis-moi (Mt 4,19).

Les quatre Evangiles nous conservent ces récits d’appel et nous laissent dans l’étonnement devant la spontanéité avec laquelle chaque appelé répond à un inconnu : aussitôt, laissant les filets, ils le suivirent (Mt 4,20).

Ce style de rapport amplement développé dans les Synoptiques, est aussi présent dans le quatrième Evangile, de façon raffinée et approfondie. Clairement, Jésus dit à Philippe : suis-moi (Jn 1,43). L’autre exemple, c’est le suis-moi adressé à Pierre par Jésus ressuscité, après des incidents dramatiques plus ou moins récents : le triple reniement de Pierre (cf. Mt 26,69-75), sa triple confession d’amour pour le Christ ressuscité et son investiture comme Pasteur du troupeau (cf. Jn 21,15-17).

En d’autres occasions, le suis-moi est implicite, mais se déduit assez facilement de
certaines auto définitions de Jésus. Ne le percevez-vous pas quand Jésus dit : je suis le chemin (Jn 14, 6) ? Que fait-on d’un chemin sinon le suivre ? Ne le percevez-vous pas aussi quand Jésus déclare : je suis le Bon Pasteur (Jn 10,14) ? Que peut bien faire le troupeau sinon suivre le Pasteur, surtout s’il est bon ? Que vous suiviez le chemin ou le pasteur, vous aboutissez à une destination parfaitement connue de Jésus : la maison du Père, qui est aussi la sienne, dont lui seul connait le chemin, où lui seul peut mener les frères acquis par sa Mort et sa Résurrection. Qui s’étonnerait de l’entendre dire : je m’en vais vous y préparer une place (Jn 14,2) ? Et qui ne comprend pas qu’il faille le suivre pour y arriver ?

Toutefois, par-delà ce rapport du disciple suivant le Maître, Jean développe un autre
niveau de rapport, un rapport dont Jésus a, encore une fois, la totale initiative et qui apparaît même comme un privilège qu’il réserve à ses disciples. En effet, ne leur déclare-t-il pas : je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis… (Jn 15,15) ? Dans ce nouveau type de relation, Jésus veut faire du disciple sa demeure : si quelqu’un m’aime,… mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous ferons une demeure chez lui (Jn 14,23). Pareillement, Jésus demande au disciple de demeurer en lui : demeurez en moi comme moi en vous (Jn 15,4).

Comme la question de suivre, celle de demeurer marque les relations de Jésus avec les siens du début jusqu’à la fin. Ainsi, les deux premiers disciples de Jésus, auparavant disciples de Jean-Baptiste, rencontrent-ils Jésus qui leur demande : que cherchez-vous ? Eux de répondre : Rabbi…, où demeures-tu (Jn 1,38) ? Il y a là plus qu’une question d’adresse ! C’est le début du demeurer. En effet, les deux disciples vinrent et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là (Jn 1, 39).

La suite des relations se caractérise par ce demeurer réciproque entre Jésus et les siens, et correspond à un très fort désir d’intimité réciproque entre le Seigneur et les siens. Le Seigneur formule son dessein en disant aux disciples : demeurez en moi comme moi je demeure en vous.

Comment se vit concrètement ce rapport réciproque de demeurer entre le Maître et les disciples ?
Jésus lui-même peine à l’exprimer avec des mots humains. Voilà pourquoi, dans
l’Evangile d’aujourd’hui, il recourt à l’image de la vigne et des sarments. Je me suis fait dire que les sarments, ce sont les branches de la vigne qui portent les grappes de raisin. Entre la vigne et les sarments, le rapport, c’est donc comme entre le tronc et les branches. La sève qui nourrit toute la plante est transmise aux branches par le tronc. Pour la branche, se couper du tronc, c’est se suicider infailliblement. Une image moderne désormais banale, c’est le rechargement de la batterie de mon portable quand je le branche à une prise de courant.

Si comparaison n’est pas raison, l’image de la vigne peut comporter des limites
lorsqu’on la transpose pour exprimer la relation entre Jésus et les siens. Mais puisque le Seigneur lui-même l’adopte, voyons ce qu’on peut en tirer.

La vie des sarments vient de la vigne, mais pas le contraire. De là, il faut comprendre
que le Seigneur dise qu’en dehors de la vigne, le sarment se dessèche et n’est bon qu’à être jeté au feu. Avis au disciple qui s’avise de se détacher du Maître. Le Seigneur insiste : sans moi, vous ne pouvez rien faire. Il faut ajouter que ce qui assure le va et vient entre le Maître et le disciple, c’est que celui-ci demeure dans celui-là à travers la Parole de Dieu à laquelle il doit écoute et obéissance. Il reste à faire remarquer que la Parole en question a pris chair (cf. Jn 1,14), et ce faisant, elle habite en nous et par là nous offre l’occasion de greffer notre chair à la sienne, pour que circule en nous la sève de vie éternelle jaillissant de sa bienheureuse Résurrection.

Tard dans la nuit noire, je passais. Deux fiancés se confiaient l’un à l’autre : ‘je ne
peux pas vivre sans toi’. J’ai cru comprendre que la sève nourrissant la vie de la fiancée jaillissait sans faillir de l’ardeur du fiancé. Ainsi en est-il du Christ et des siens.

Demeurez donc en lui. Demandez-lui dès aujourd’hui : maître, où demeures-tu ? Il vous invitera à le suivre, vous verrez où il demeure, vous demeurerez avec lui et vous porterez beaucoup de fruits. La vigne du Seigneur ressuscité se dresse pour vous, prête à porter les sarments que vous êtes, pour la vie éternelle.