Homélie dimanche 04/09/2016: Le Seigneur veut que nous soyons ses disciples! !

Vous connaissez sans doute des gens avec qui il est difficile de discuter parce que, dans la conversation, ils passent sans cesse du coq à l’âne ! Un mot leur fait penser à une autre idée sur laquelle, ils se jettent en abandonnant la première et, invariablement, au bout d’un moment, ils finissent par vous dire : je ne sais même plus pourquoi je te racontais tout ça ! Et, comme ils nous ont complètement perdu avec tous leurs détours, nous sommes bien incapables de les aider à renouer avec le fil de leur pensée.

Une lecture un peu rapide de l’Évangile pourrait nous laisser croire que Jésus, lui aussi, passe du coq à l’âne. Il commence par nous parler des conditions pour devenir disciple puis il raconte deux petites histoires à propos desquelles on serait tenté de penser qu’elles sont hors-sujet et enfin, il revient à son propos initial en affirmant un principe qui lui paraît incontournable pour ceux qui veulent devenir ses disciples.

Essayons de regarder de plus près ces deux petites histoires pour tenter de comprendre le lien qu’elles ont avec ce qui précède et qui suit.

  • La 1° histoire nous parle d’un homme qui veut bâtir une tour. Il ne s’agit pas d’un homme fortuné qui voudrait commencer un château, non, c’est en se retournant et en voyant la foule qui le suit que Jésus raconte cette histoire. On sait bien que la foule qui suivait Jésus n’était pas composée des notables les plus en vue, c’est donc à une personne lambda, tout à fait ordinaire, que Jésus s’adresse. Or, ni vous, ni moi nous n’avons chaque semaine le projet de construire une tour ! C’est donc d’un projet ambitieux que Jésus parle, un projet qui dépasse complètement la capacité de celui qui le fait.
  • La 2° histoire ne concerne plus directement les auditeurs de Jésus puisqu’elle parle d’un roi qui veut partir en guerre. Mais elle a au moins un point commun avec la précédente, c’est que le projet dépasse complètement la capacité de celui qui le fait. Le roi qui veut partir en guerre n’a que 10 000 soldats alors que celui qu’il a décidé d’attaquer en a 20 000. C’est mal parti !

Ainsi donc, dans les deux cas, Jésus parle de projets qui dépassent totalement ceux qui les font. Le bon sens voudrait que, dans les deux cas, on attende encore un peu pour mettre suffisamment d’argent de côté pour la tour ou qu’on ait le temps de recruter des soldats pour faire une guerre qui ne soit pas perdue d’avance. Il faut donc attendre pour que les projets puissent connaître une issue favorable. Puisque ces deux histoires ont été insérées pour transmettre une leçon à ceux qui le suivent et qui veulent devenir disciples, on s’attend à ce que Jésus tire une leçon semblable : avant de me suivre, vérifiez si vous avez assez de qualités pour devenir mes disciples. Et si ce n’est pas le cas, patientez pour les acquérir et alors, quand vous les aurez acquises, vous viendrez me voir.

Mais vous aurez remarqué que ce n’est pas du tout la leçon que tire Jésus, il dit : « Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. » Il ne s’agit donc pas de chercher à acquérir, il s’agit plutôt d’accepter de se dépouiller de tout.

Où est la cohérence dans les propos de Jésus ? Pourquoi a-t-il raconté ces deux histoires ? Oh je crois que, finalement, ce n’est pas si compliqué que ça. Dans les histoires, il explique clairement qu’avant de se lancer dans une grande aventure, il faut évaluer ses capacités pour ne pas courir à l’échec. Eh bien, dit Jésus, si vous réfléchissez un peu aux qualités qu’il faut pour devenir disciples, vous allez vite en conclure que jamais vous n’y arriverez. Conclusion, renoncez à acquérir ces qualités par vous-même, dépouillez-vous de tout pour ne compter que sur Dieu.

En effet, les qualités nécessaires, Jésus les a énumérées dans la 1° partie et elles ont de quoi nous effrayer : Il faut le préférer, lui donner la 1° place par rapport à tous ceux qu’on aime et même le préférer à sa propre vie. Et il faut également être prêt à porter sa croix. Qui oserait dire que, pour lui, aucune de ces conditions ne font problème, qu’il vit cela chaque jour, à chaque instant ? Nous savons bien que dans l’échelle de nos préférences, il y a des jours ou plutôt des heures quand ce ne sont pas de minutes où Jésus a la 1° place, mais il y a tant d’autres moments où ce n’est pas le cas. Quand nous préférons dépenser de l’argent dans une consommation aussi inutile que néfaste ; quand nous cherchons à briller préférant la reconnaissance au service humble et quotidien ; quand le souci de nous-mêmes prend toute la place dans nos vies ; bref, je pourrais continuer encore longtemps cette liste de nos préférences désordonnées, ces idoles que nous soignons avec tant de soins qui ne nous permettent pas de donner la 1° place à Jésus. Et Jésus nous invite même à vérifier si les membres de nos familles, les plus proches, ne deviennent pas des idoles, si nous n’attendons pas d’eux ce que nous ne devrions attendre que de Dieu ?

Et quand il parle de « porter sa croix », le niveau d’exigence est encore très grand, mais attention au contre-sens. Jésus ne nous invite pas à chercher comment souffrir un peu plus ! Il nous invite à aimer en toute circonstances. Si vous voulez bien comprendre ce qu’il entend par le mot croix, il faut remplacer le r de croix par un h : porter sa croix, c’est faire des choix, c’est choisir l’amour en toutes circonstances. La croix, dans la vie de Jésus, elle est venue car il a choisi l’amour de Dieu et des autres en toutes circonstances. Parler de croix, c’est toujours évoquer le choix de l’amour.

Ainsi donc, voilà les deux grandes décisions à prendre pour celui veut devenir disciple : préférer Jésus à tout et à tous et choisir l’amour en toutes circonstances.  Nous en sommes bien incapables et, normalement, plus nous avançons dans la vie et plus nous avons conscience de nos faiblesses. Pour autant, nous restons désireux d’être les disciples de Jésus parce que, comme Pierre le dira : Seigneur à qui irions-nous, toi seul a les paroles de la vie éternelle. Je crois donc que cet évangile, bien loin de nous décourager, est au contraire un encouragement. C’est comme si Jésus, voyant les foules qui le suivent, disait : vous voulez continuer à me suivre et vous avez bien raison car, finalement, vous avez bien compris que ce n’est pas en courant derrière l’argent, la gloire, la beauté que vous serez heureux. Mais attention, le chemin que je vous propose dépasse vos capacités, alors apprenez à ne compter que sur Dieu si vous voulez rester mes disciples. C’est bien le témoignage qu’aura donné mère Térésa qui est canonisée ce dimanche, elle s’est dépouillée de tout et n’a compté que sur Dieu qui lui a permis de devenir authentiquement disciple de Jésus avec un rayonnement si extraordinaire Qu’elle intercède pour nous qui, bien plus modestement, voulons aussi, à notre manière, vivre en disciples.

Père Roger Hébert