Homélie dimanche 1/03/2020 : dans la conversion, tout l’être humain se tourne complètement vers Dieu

« Le moyen le plus sûr pour participer au Carême »

Mgr Follo

 

« Dans la conversion,  tout l’être humain, avec le cœur et l’esprit, se tourne complètement vers Dieu », écrit Mgr Francesco Follo dans sa méditation sur les lectures de dimanche 1er mars 2020 (Ier Dimanche de Carême – Année A – Gn 2, 7-9; 3, 1-7; Ps 50; Rm 5, 12-19; Mt 4, 1-11).

Pour l’observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco à Paris, « le moyen le plus sûr pour participer au Carême est… de rappeler et de revivre ce que furent pour le Christ les 40 jours de jeûne et de prière passés dans le désert ».

 

  • Un Carême pour se convertir à un rapport d’amour.

Quelques jours se sont écoulés depuis le mercredi des Cendres, pendant lequel il nous a été rappelé que nous sommes poussière et que sommes appelés à la conversion, c’est-à-dire à l’amour.

En ce premier dimanche de Carême, l’Église nous fait prier ainsi : « Dieu, Père Tout-Puissant, avec la célébration de ce Carême, signe sacramentel de notre conversion, accorde-nous, tes fidèles, de grandir dans l’intelligence du mystère de l’amour du Christ et de le témoigner avec une vie digne » (Oraison de la Messe d’aujourd’hui). En effet, la charité fait entrer dans la vérité de Dieu-Amour. Elle est conversion, car elle fait que tout notre cœur et notre esprit se tournent vers Dieu et que nous fassions de bonnes œuvres. La conversion, donc, ne consiste pas seulement en de bonnes choses à faire, elle est une relation avec le Christ. Elle est un changement qui révèle la vérité ultime de nous-mêmes, êtres de relation faits à image et ressemblance de Dieu.

Dans la conversion,  tout l’être humain, avec le cœur et l’esprit, se tourne complètement vers Dieu. En disant « Convertissez-vous », Jésus veut dire que notre être, le centre de l’être doit se tourner vers Dieu, et pas seulement la volonté, pas seulement l’intelligence. Pour se convertir, il n’est pas suffisant faire de la théologie et il n’est même pas suffisant s’engager seulement dans la vertu.

« Conversion » signifie se retourner, donc elle implique un nouveau sens (à comprendre non seulement comme direction mais aussi comme signification) de la vie. Et qu’est-ce que cela signifie? C’est vivre en nous, dans notre nature humaine, ce que vivent les trois Personnes de la Trinité: une relation d’amour pur. Notre conversion est un tournant de notre être tout entier vers Dieu, nous ne vivons pas sans amour: pour chaque être humain vivre signifie aimer. Mais attention, nous ne devons pas aimer que nous-mêmes, notre corps, notre orgueil, nous pouvons même aimer le mal, mais nous devons aimer Dieu.

La conversion est l’amour tourné vers Dieu et en Lui vers notre prochain. Donc, vivons le Carême comme un chemin où nous nous tournons définitivement vers Dieu. La conversion à laquelle nous sommes appelés, consiste donc en une relation: «Vous vous tournez vers Celui qui vous appelle, vous rencontrez Celui qui vous parle; vous le voyez, vous vous tournez vers lui et vous vous ouvrez à l’amour » (Divo Barsotti).

2) Carême, 40 jours d’exode pour aller vers la Terre Promise: le Royaume de Dieu.

Le moyen le plus sûr pour participer au Carême est, comme le suggère la liturgie d’aujourd’hui, premier Dimanche de Carême, de rappeler et de revivre ce que furent pour le Christ les 40 jours de jeûne et de prière passés dans le désert qui se terminèrent par la réussite de trois épreuves.

La manière de vivre la conversion de l’amour en cette période de Carême est celle de se souvenir et de revivre avec le Christ les 40 jours de jeûne et de prière qu’il a passés dans le désert et qui se sont terminés par trois tentations. Les trois tentations diaboliques que le Christ surmonte aujourd’hui résument les trois côtés faibles de la vie de l’homme, qui l’empêchent d’aimer en vérité: 1 -la possession et l’accumulation disproportionnée de biens matériels (les pierres à transformer en pain); 2 – la recherche d’un pouvoir égoïste et oppressif (possession des royaumes de la terre); 3 – le désir de toute-puissance (refus d’adorer Dieu). Pour surmonter ces épreuves, l’homme a un outil infaillible: la Parole de Dieu. À cet égard, nous rappelons la phrase de saint Augustin d’Hippone: « Quand vous êtes pris de la faim – et je me permets d’ajouter aussi la tentation – que la Parole de Dieu devienne votre pain de vie ».

Dans le récit que Jésus lui-même fait à ses disciples, les trois tentations, qui résument ce moment d’épreuve, font assez clairement comprendre que, dans un combat qui préfigurait son agonie, Il a choisi l’amour du Père et la charité pour nous, et qu’il commença à boire le calice de la Nouvelle Alliance, qu’il aurait scellée en se livrant sur la Croix.

Cet amour offert est refusé, il nous est présenté dès la première lecture, prise dans le livre de la Genèse, nous montre que l’homme est de la poussière modelée par les « mains créatrices » de Dieu et animée par son Souffle de vie et de charité. Quelques lignes plus loin, le livre de la Genèse illustre le drame des mauvais choix face au bien et au mal, un mal qui provient du cœur de l’homme, de ses choix, de son obstination à suivre ses propres critères, au lieu de suivre ceux de Dieu. Il nous est demandé de réfléchir à la gravité du refus de s’insérer dans le plan de Dieu, prétendant une autonomie absolue pour décider ce qui est bien et ce qui est mal. Prétention d’être à égalité avec Dieu, d’être Dieu pour nous-mêmes et pour les autres.

Puis, dans la deuxième lecture, extraite de la Lettre aux Romains, nous voyons que saint Paul se réfère au récit de la Genèse et fait la comparaison entre le comportement d’Adam et celui du Christ et entre les résultats de leur action. La rébellion et la désobéissance du premier ont causé la séparation de Dieu et la mort de tous les hommes, l’obéissance parfaite du Christ, au contraire, a fait que tout le monde a reçu pleinement la grâce et la vie. Adam et Eve font l’expérience de la vanité qui les éloigne l’un de l’autre, les éloigne de la création et de Dieu. Jésus, au contraire, recoud cette déchirure et annule cet écart.

Enfin, la page de l’Evangile de Matthieu qui nous est offerte aujourd’hui en troisième lecture, propose à nouveau la même tentation d’Adam et Eve, mais montre que Jésus en est sorti victorieux, et nous indique les chemins à suivre pour réaliser une existence fidèle à Dieu, une vie libérée du mal profond qui nous menace.

Le diable met en doute la filiation divine de Jésus (« Si tu es le Fils de Dieu … ») affirmée au moment du baptême sur les rives du fleuve Jourdain. En effet, la tentation ne concerne ni le pain, ni les choses, qui sont ce qu’ils sont, mais notre manière de vivre par rapport à ces choses, par rapport aux personnes, par rapport à Dieu. Nous pouvons vivre en fils de Dieu, comme Jésus, ou bien refuser la paternité amoureuse de Dieu qui offre une relation stable, vivante et vivifiante avec Lui.

Dieu offre une alliance entre deux libertés: la sienne, qui est une initiative d’amour infini, et la nôtre, qui est appelée à fleurir de et pour cette liberté amoureuse de Dieu.

Si avec la grâce nous surmontons la tentation, Dieu dilate notre cœur,  qui peut alors Le recevoir en don, le recevoir Lui qui est Amour et nous donne la possibilité de bien œuvrer pour transformer toute nôtre vie en une louange pour Lui.

            3) Faim et désert.

L’Evangile d’aujourd’hui nous dit que Jésus est tenté par Satan au bout de quarante jours et nuits de jeûne et donc que Jésus a faim. Un élément qui n’est pas secondaire.

Mais il n’est pas seulement question de faim du corps, comme tout être humain Jésus a trois faims:

de vie, qui tente l’homme à la possession et l’accumulation excessive de biens matériels (les pierres à transformer en pain),

de relations humaines qui peuvent être des relations d’amitié ou de pouvoir, symbolisée par l’offre de pouvoir,

de toute puissance, qui pousse à étouffer le désir de Dieu, c’est-à-dire la soif d’infini et de liberté sans limites, incitant à la tentation de projeter sa propre existence selon les critères humains de la facilité, du succès, du pouvoir, de l’apparence, de l’image, soit la tentation d’adorer le Menteur (le diable) au lieu d’adorer le Vrai Amour salutaire.

Mais Jésus choisit un autre critère, celui de la fidélité au projet de Dieu, auquel il adhère pleinement et dont il est la Parole faite chair pour nous racheter en assumant notre condition, marquée par la pauvreté et la souffrance, en choisissant avec courage de devenir notre serviteur à tous.

Pour vaincre ces épreuves, cette faim de vie, de relations et de Dieu, l’homme dispose d’un outil infaillible: la Parole de Dieu. Réécrivons alors une phrase de Saint Augustin: Quand les crampes de la faim s’emparent de toi – et nous pouvons ajouter aussi celles de la tentation – laisse que la Parole de Dieu devienne ton pain de vie, laisse que le Christ soit ton Pain de Vie.

A ce stade, je pense qu’il est juste de se demander pourquoi pour jeûner Jésus est-il allé dans le désert.

Dans la tradition biblique le désert représentait l’endroit de la préparation à une mission divine. Il en fut ainsi pour Moïse, qui eut la révélation de Jahvé (Exode 3,1 et ss), pour le peuple sorti de l’esclavage qui vécut l’expérience des difficultés à être libre. Il en fut ainsi pour Elie, qui y écouta la parole divine (1a Rois 19,18). Donc Jésus aussi resta dans la solitude du désert pendant quarante jours, avant de commencer son ministère public.

Jésus l’a fait pour nous enseigner à vivre la vie comme un exode dans le désert, comme ce fut le cas pour le peuple juif et comme ça doit l’être pour l’Eglise, pèlerine vers le Ciel. Cela signifie ne pas pouvoir programmer sa vie, ne pas pouvoir en disposer, devoir s’abandonner à une Parole de promesse. Dieu nous dit à nous aussi: « Tu ne manqueras de rien, mais tu devras tout attendre de moi ». C’est cela que veut dire avoir la foi : pas seulement adhérer à un corps de doctrines mais se fier à un amour, croire à l’amour : à cet amour qui a commencé sans toi (la sortie de l‘Egypte comme pour nous la sortie du ventre de notre mère), mais qui ne saurait se poursuivre sans notre adhésion.

Il nous est demandé de traduire notre comportement quotidien, le « soin » que nous portons à nous-mêmes en cet Autre comportement qui nous a libérés.

La plupart d’entre nous sont appelés à exister demain non pas dans la situation d’urgence du désert, mais dans la situation de normalité d’une terre à cultiver et à habiter. Toutefois, tous nous sommes appelés à y mettre la même attitude de fond: vivre sur cette terre mais avec un cœur de désert.

Ce cœur est demandé tout particulièrement aux Vierges consacrées qui, dans la solitude physique, sont appelées à un face à face avec Dieu : parler au cœur.

Le désert, la solitude virginale, est l’endroit privilégié, l’endroit où l’on est en face à face avec Dieu.  L’Epoux ne peut obliger l’épouse à L’aimer. Mais le Seigneur a un moyen infaillible, comme le décrit par exemple le prophète Osée.  Au début, au chap. 2, Osée parle de cet adultère terrifiant, recommencer à adorer les idoles que les vieux pères ont adoré; le Seigneur,  peiné, angoissé, intervient et dit qu’il a un moyen et le mettra en œuvre, ramènera le peuple dans le désert, lui indiquera encore une fois les vieux chemins à suivre, parlera de nouveau à son cœur, dans le désert,  soit donc quand les pensées maléfiques, les lunettes opaques seront tombés ; alors le cœur de l’homme, c’est à dire son intelligence, et le cœur de Dieu, c’est à dire la sagesse divine sont face à face et la rencontre est immédiate, possible et féconde.(cf rituel de consécration des vierges : n° 24, traduction littérale de l’auteur à partir du texte latin :

“Dieu qui habites de façon bienveillante les corps chastes,

Dieu qui aimes les âmes non corrompues,

Dieu qui répares la substance humaine blessée par la tromperie diabolique chez les premiers êtres humains, ainsi en ton Verbe par qui tout a été fait, ainsi, non seulement tu refais l’innocence des premières origines, mais tu conduis encore à l’expérience de certains biens qui sont à avoir dans le monde nouveau ; et tu élèves déjà à la ressemblance des anges ceux qui sont encore dans la condition mortelle.”

Les Vierges consacrées vivent le « désert » de leur vocation et de la disponibilité totale. Leur spiritualité est une spiritualité de la disponibilité généreuse envers autrui, une disponibilité envers le Seigneur dont elles attendent tout.

Par la prière, l’aumône et le jeûne, apprenons tous cette disponibilité à marcher unis dans le « désert » du carême, et de la vie, ainsi la faim se transformera en un saint désir de Dieu et nous serons la Tente où Emmanuel, Dieu toujours avec nous, établira sa demeure.

 

 

Lecture Patristique

Saint Bernard de Clairvaux

IV Sermon pour le Carême: La prière et le jeûne

 

 

  1. Puisque l’époque du jeûne quadragésimal, que j’engage vos charités à pratiquer avec dévotion, est arrivée, je crois bon de vous exposer comment il faut jeûner, et les fruits qu’on doit retirer du jeûne. En premier lieu, en nous privant de l’usage des choses même permises nous méritons le pardon des choses défendues que nous avons faites auparavant. Or, qu’est-ce à dire, nous obtenons le pardon du mal que nous avons fait, sinon que, par un jeûne de courte durée, nous rachetons des jeûnes éternels? En effet, nous avons mérité l’enfer, or, il n’y a là ni aliment, ni consolation, ni fin. Le mauvais riche y demande une goutte d’eau, et ne peut l’obtenir (Luc. XVI, 94). Il est donc une chose bonne et salutaire que le jeûne, puisque par là on se rachète de jeûnes et de supplices éternels, en même temps qu’on se purifie de ses péchés. Non seulement le jeûne efface nos péchés, mais il déracine nos vices, non seulement il nous fait obtenir notre pardon, mais il nous fait acquérir des grâces; non seulement, dis-je, il nous purifie de nos péchés passés, mais encore il éloigne ceux que nous pourrions commettre encore.
  2. Je vais plus loin, et j’avance une chose que vous avez bien souvent éprouvée vous-mêmes, si je ne me trompe; c’est que le jeûne nous fait prier avec plus de piété et de confiance. Aussi, voyez comme le jeûne et la prière vont bien ensemble, c’est, pour parler avec l’Écriture, « Comme deux frères dont l’un vient en aidé à l’autre et qui se consolent mutuellement (Prov. XVIII, 19). » La prière obtient la force de jeûner, et le jeûne mérite la grâce de prier. Le jeûne fortifie la prière, et la prière sanctifie le jeûne, en même temps qu’elle l’offre à Dieu. A quoi nous servirait, en effet, notre jeûne, s’il restait sur la terre ? Dieu nous préserve qu’il en soit ainsi ! qu’il s’élève donc de terre sur l’aile de la prière. Mais ce n’est point assez d’une aile, il faut lui en donner une seconde. L’Écriture a dit : « La prière du juste pénètre les cieux (Eccl. XXXV, 20 ). » Que notre jeûne, s’il veut s’élever sans peine vers les cieux, s’appuie sur les deux ailes de la prière et de la justice. Or, qu’est-ce que la justice, sinon une vertu qui consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient. Cessez donc de ne faire attention qu’à Dieu. Vous avez des devoirs à remplir envers vos supérieurs et envers vos frères, et Dieu ne veut pas que vous ne teniez que peu de compte de ceux qu’il estime beaucoup lui-même. Ce n’est pas sans raison crue l’Apôtre a dit : «Ayez soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes (Rom. XII, I, 7. » Peut-être vous diriez-vous j’ai fait assez, si Dieu est content de ce que je fais, qu’ai-je à me mettre en peine de ce que pensent les hommes? Or, soyez bien certains qu’il ne saurait avoir pour agréable tout ce que vous ferez au scandale de ses enfants, et contre la volonté de celui à qui vous deviez obéir comme à son représentant. Le Prophète a dit : « Ordonnez un jeûne saint, et convoquez une assemblée (Joël. II, 15). » Or, que veulent dire ces mots: convoquez une assemblée ? N’est-ce point : conservez l’union, chérissez la paix, et aimez vos frères. L’orgueilleux Pharisien observait bien le jeûne, il faisait un jeûne saint, il jeûnait même deux fois la semaine, et rendait grâces à Dieu : mais il ne convoquait point d’assemblée, car il disait au contraire : « de ne suis point Comme je reste des hommes (Luc. XVIII, 11). » Aussi, son jeûne, ne s’appuyant que sur une aile, ne put monter jusqu’aux cieux. Pour. Vous, mes frères, lavez donc vos mains dans le sang du pécheur; et ayez bien soin que votre jeûne ait ses deux ailes, je veux dire la pureté et la paix, sans quoi nul ne saurait voir Dieu. «Sanctifiez votre jeûne, » si vous voulez que la pureté d’intention et une prière pieuse le portent aux pieds de la majesté de Dieu. «Convoquez une assemblée, » c’est-à-dire qu’il soit favorable à l’union. « Louez Dieu avec le tambour et la flûte (Psal. CL, 4) » c’est-à-dire que la mortification de la chair et la concorde marchent de front.
  3. Puisque j’ai dit quelques mots du jeûne et de la justice, il convient que je vous parle un peu aussi de la prière. Or, plus la prière peut être efficace, si elle est faite comme il faut; plus aussi l’ennemi du salut est habile à en paralyser les effets. En effet, il arrive souvent que l’efficacité de la prière est détruite par la pusillanimité de l’esprit, et par une crainte excessive. C’est ce qui a lieu quand on est tellement préoccupé de sa propre indignité, qu’on ne peut tourner les yeux vers la bonté de Dieu. « En effet, l’abîme appelle l’abîme Ps. XLI, 8). » Un abîme de fange appelle un abîme de ténèbres; mais un abîme de miséricorde appelle un abîme de misère. Le cœur de l’homme est lui-même un abîme, et un abîme insondable. Mais si mon iniquité est grande, votre charité, ô mon Dieu, l’est bien davantage. Aussi, quand, se repliant sur elle-même, mon âme se sent troublée, pour moi je me rappelle la multitude de vos miséricordes, et je respire à ce souvenir, et lorsque je descends au fond de mes impuissantes (a) je ne veux me rappeler que votre justice.
  4. Mais de même, que c’est un danger pour la prière d’être trop défiante, ainsi eu est-ce un non moindre, peut-être même plus grand, d’être trop confiante. Écoutez ce que le Seigneur dit à son Prophète, au sujet de ceux qui prient avec cet excès de confiance. « Criez sans cesse, et faites retentir votre voix comme une trompette (Is. LVIII, 1), etc.» « Comme une trompette, » dit-il, parce que ceux qui prient avec un excès de confiance, doivent être repris avec une grande véhémence. En effet, il n’y a que ceux qui ne se sont point encore trouvés eux-mêmes, qui me cherchent. Ce que je dis là ce n’est point pour ôter aux pécheurs la confiance de la prière, mais je veux qu’ils prient comme un peuple qui a commis l’iniquité, non pas comme un peuple dont toutes les œuvres sont justes. Qu’ils prient pour obtenir le pardon de leurs péchés, avec un cœur contrit et humilié comme ce Publicain qui s’écriait : « Seigneur ayez pitié de moi pauvre pécheur (Luc. XVIII,13).» Or pour moi, il y a excès de confiance lorsque, avec une conscience où règne encore le péché, où le vice domine, on a de grandes et orgueilleuses pensées de soi et peu d’inquiétude de l’état dangereux de son âme. Le troisième défaut de la prière est la tiédeur, c’est lorsqu’elle ne procède pas d’une vive affection. La prière trop défiante ne peut pénétrer le ciel, parce qu’une crainte excessive paralyse l’âme, en sorte que sa, prière, non seulement ne peut monter aux cieux, mais ne peut même sortir de ses lèvres. La prière tiède monte, mais avec langueur et avec défaillance, parce qu’elle manque de vigueur. Quant à la prière trop confiante, elle ne monte que pour tomber; elle trouve de la résistance au ciel, non seulement elle n’obtient point grâce, mais même elle offense Dieu; au contraire, une prière pleine de foi, d’humilité et de ferveur ne saurait manquer de pénétrer le ciel, d’où elle ne peut descendre les mains vides.