Homélie dimanche 14/02/2021: Jésus étendit la main, le toucha…

SIXIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE B

Première lecture : Lv 13, 1-46 ; Psaume responsorial : 102(101)
Deuxième lecture : 1 Co 10, 31 – 11, 1 ; Evangile : Mc 1, 40-45.

Jésus étendit la main, le toucha…

Si jamais vous pensiez que les mesures préconisées par le Livre du Lévitique au regard du lépreux et de la lèpre relèvent d’une société archaïque, peu développée, ignorant des vaccins et des antibiotiques, je vous renverrais à la société contemporaine pour que vous voyiez si le Covid ne se gère pas également avec des mesures analogues, c’est-à-dire, port de masques, lavage répété des mains, distanciation, confinement et quarantaine. Mais alors, ce constat ne laisse-t-il pas entendre que la solution de la maladie réside dans un au-delà de la science ? Je me sens d’autant plus fondé pour le dire que sur cinq figures déterminantes dans le devenir historique des lépreux et de la lèpre, un seul est véritablement homme de science : Gerhard Armauer Hansen, médecin bactériologiste et dermatologue norvégien (1841 – 1912) qui découvre en 1873 l’agent pathogène de la lèpre justement appelé bacille de Hansen. Quoi qu’il en soit de ce grand tournant dans la recherche menant au traitement de la maladie, vaine serait l’œuvre du Dr Hansen et de ses semblables sans les apports des autres personnes loin d’être médecins ou chercheurs.

La première c’est François d’Assise (1182 – 1226). Le jour où le fils de Bernardone domine sa répugnance invincible à la seule vue du lépreux pour baiser la main d’un malade, ce jour-là, c’est plutôt lui, François, que le lépreux guérit de la lèpre de son cœur. Ce miracle constitue un grand tournant dans sa marche vers la sainteté et le stimule par la suite à faire tout le bien qu’il peut pour les lépreux.
La seconde, c’est le Père Damien (1840 – 1889). D’origine flamande, le missionnaire dans les Iles Hawaï choisit comme paroisse un territoire exclusivement peuplé de lépreux. Il se dépense pour eux corps et âme. Il ne reçoit pas, à l’instar de François d’Assise, les stigmates du Christ, mais il enregistre dans son corps la marque de la lèpre qui le configure à ses chers paroissiens, comme Christ s’identifie à nous par son Incarnation.

La troisième, c’est Raoul Follereau (1903 – 1977), avocat français, écrivain, puis journaliste. Providentiellement acquis à la cause des lépreux, il la plaide en mille deux cents conférences données de par le monde, contribuant ainsi à éveiller la conscience de la terre entière (jeunesse, Etats, Chefs d’Etats, grandes Puissances, institutions). Entre indifférence, sourde oreille des Puissants, demi-échecs, réussites mitigées et indéracinable conviction chrétienne, il laisse au devenir des lépreux une espérance indéniable et curative.

La dernière figure à considérer, c’est Jésus. L’évangile de ce jour nous le montre aux prises avec un anonyme frappé de lèpre. A part celui-ci, Jésus, au témoignage de Luc (cf. Lc 17, 11-19), en guérit dix autres. Matériellement, on peut dire que Jésus en aura fait relativement peu pour les lépreux.

Mais on découvre l’extraordinaire richesse de son œuvre quand on comprend que les faits et gestes de Jésus ont une portée symbolique.

Quand par exemple, l’évangile d’aujourd’hui rapporte de Jésus qu’il étendit la main, le toucha le lépreux, il le met évidemment en opposition avec la loi. Mais, sachant que l’eau savonnée ne peut me rendre propre sans qu’elle ne serve à me frotter la peau, je commence à comprendre le bien-fondé de ce contact prohibé. Je me dis aussi que si Jésus vient manifester à tous les hommes l’amour du Père qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants (Mt 5, 45), quelle loi lui imposera logiquement de pouvoir toucher les uns et de devoir éviter les autres ? Par-delà cette nécessité de contact, il faut aussi dire que l’incarnation du Verbe de Dieu lui donne l’occasion d’un tendre corps à corps avec l’homme, avec tout homme, avec ce lépreux, avec toi, avec moi. Et ce que nous y gagnons tous, c’est que, à travers ce contact, Jésus nous guérit de la lèpre du péché, du mépris, de l’égoïsme, de l’indifférence et de la haine qui se trouve tapie dans nos cœurs, et il entend faire resplendir en nous, comme dans les héros que je viens de citer, l’amour pour les petits, les pauvres et les exclus.

Par ailleurs, le geste de Jésus comporte cette heureuse conséquence qu’il sort le lépreux de son isolement et le réconcilie avec la société qu’il peut désormais réintégrer sous le contrôle des prêtres.

C’est dire que Jésus opère la réconciliation de l’homme avec l’homme en tuant en sa personne la Haine (Ep 2, 16). Or, cette réconciliation s’opère en même temps que celle de l’homme avec Dieu, sous l’effet rédempteur du Mystère pascal. C’est pourquoi le geste de Jésus n’est pas à situer seulement au plan de contact superficiel occasionnant une simple guérison, mais aussi du salut de l’homme tout entier et de tout homme. Ainsi Jésus répond-il au sens de son nom : il fait plus que guérir, il sauve.

Mais comment sauve-t-il ? Il ne sauve pas en arrachant la victime au danger, ni en écrasant son ennemi, il prend la place du faible dans le danger et subit les coups qui devraient tomber sur lui. C’est le phénomène que nous décrit l’évangile de ce jour : le miraculé, purifié, réintègre la société des hommes, pendant que, à cause du tapage fait par le même ex-malade autour de sa guérison, c’est autour de Jésus de ne plus pouvoir entrer ouvertement dans une ville, cédant ainsi sa place à l’ex-lépreux
dans la société, prenant la sienne dans la marginalisation.

A celui dont l’Ecriture dit : ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé (Is 53, 4), ou encore : par ses souffrances, nous sommes guéris (cf. 1 P 2, 24), à notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, Honneur, Gloire et Action de grâces pour les siècles des siècles, Amen !