Homélie dimanche 30/10: Je veux demeurer chez toi. Le veux-tu ?

Quand l’évangile rapporte le nom de certaines bourgades, pour plupart des gens ça ne dit pas grand chose ! Les plus curieux sont allés voir sur une carte où se situent Bethléem, Nazareth, Jérusalem bien sûr. Evidemment, pour ceux qui ont eu la chance de faire un pèlerinage en Terre Sainte, ces noms évoquent des souvenirs bien plus précis, des images qui se sont gravées dans leurs mémoires. Je vous souhaite vraiment, à tous, de pouvoir, un jour, effectuer ce pèlerinage. Comme je viens de le dire, on ne lit plus l’évangile de la même manière après, et puis, là-bas aussi, les chrétiens ont besoin de notre soutien. Chaque pèlerinage qui se rend en Terre Sainte permet de faire vivre et travailler des chrétiens et ils en ont bien besoin. Ce qu’ils vivent est loin d’être simple. Pour la plupart, ces chrétiens sont arabes, ils ne sont donc pas bien vus par le gouvernement israélien et ils ne sont pas bien vus non plus par les autres arabes musulmans. Doublement rejetés ou au moins, suspectés, certains craquent et préfèrent l’exil. Ce Qui fait que cette terre, berceau du christianisme pourrait se retrouver un jour vidée de ses populations chrétiennes, ça serait un comble !

L’Évangile d’aujourd’hui, si connu, raconte la rencontre Jésus et Zachée et nous conduit à Jéricho. C’est là que ceux qui connaissent la Terre Sainte ont un avantage sur les autres, ils sont forcément allés à Jéricho et ils ont même vu, à l’entrée de la ville le sycomore sur lequel Zachée aurait grimpé ! En fait de sycomore, l’arbre qu’on nous montre est un mûrier, mais peu importe, ça donne une idée quand même ! Jéricho, c’est une oasis, aux portes du désert qui a la réputation d’être la ville la plus basse au monde. Rassurez-vous, je ne vous fais pas un cours de géographie, mais tous ces détails, vous le verrez, ont leur importance. La ville, qui était une bourgade très vivante, à l’époque de Jésus, se situe donc à – 250 mètres en-dessous du niveau de la mer.

Ainsi donc, Jésus descend à Jéricho, de toutes façons, d’où qu’on vienne, on descend à Jéricho … sauf si on vient de la mer morte toute proche qui est encore plus bas à – 430 mètres. Mais au fait, d’où venait-il Jésus quand il arrive à Jéricho ? Comme vous connaissez tous par cœur ce texte de Zachée et que vous avez déjà entendu des dizaines et des dizaines d’homélies sur le sujet, j’ai choisi d’attirer notre attention sur ce détail et j’avoue que, pour moi, ça a été une découverte. Eh bien, si on remonte suffisamment loin dans l’évangile de Luc, on apprend que Jésus était à Jérusalem. Pour aller à Jéricho, on peut donc dire que Jésus descendait donc de Jérusalem à Jéricho.

Tiens, tiens, mais les lecteurs avertis de l’Évangile, ça leur rappelle quelque chose, ça ! Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Mais oui, c’est ainsi que commence la parabole du bon samaritain. Ça veut sûrement dire que ce qui va se passer à Jéricho dans cette rencontre est fortement lié à ce que Jésus a voulu faire comprendre en racontant l’histoire du bon samaritain dans laquelle tout le monde descend de Jérusalem à Jéricho. C’est sur cette route désertique au paysage quasi-lunaire qu’un homme se fait attaquer et est laissé pour mort au bord de la route. Un prêtre et un lévite qui descendent de Jérusalem font un détour pour ne pas s’approcher de cet homme presque mort, c’est un samaritain qui, lui aussi, vraisemblablement vient de cette même, c’est lui qui va s’arrêter, prendre soin du blessé, le sauver.

Jésus descendait donc de Jérusalem à Jéricho par cette route assez vertigineux qui nous fait passer de 762 mètres au-dessus du niveau de la mer à -240 mètres en-dessous. A la descente, ça va encore, quoique les genoux souffrent toujours à la descente ! Mais, si on doit la monter, c’est autre chose : 1000 mètres de dénivelé sur 25 kilomètres, la pente est raide. D’ailleurs, on pourrait se poser la question : où Jésus se rendra-t-il après Jéricho ? Eh bien à Jérusalem, c’est à dire qu’il va se payer la grimpette !

Puisque nous sommes dans les détails, posons-nous encore une autre question : qu’allait-il faire à Jéricho ? Si on s’en tient à l’Évangile, la réponse est claire : il allait voir Zachée. En effet, juste avant d’arriver, on le voit guérir un aveugle. S’il était venu pour faire du bien, il aurait pu repartir et s’éviter de descendre encore plus bas puisqu’il faudrait tout remonter après. Mais non, il semble qu’il n’était pas venu pour cette guérison. Il l’a faite de bon cœur, mais il continue ensuite la descente parce qu’il avait un objectif. Il marche jusqu’à ce qu’il y ait ce sycomore au bord de la route devant lequel il s’arrête. Il y a ce dialogue puis Jésus va Zachée et on sait ce que cette visite va produire dans la vie de cette crapule de Zachée : une conversion totale et fulgurante. On peut imaginer que Jésus a passé la nuit chez Zachée et que, le lendemain, courageusement, il a repris la route pour Jérusalem. Je dis courageusement à cause de la montée, mais aussi parce que, juste après, dans l’évangile de Luc, c’est les Rameaux, ça signifie donc que c’était la dernière promenade de Jésus, si j’ose utiliser ce terme de promenade pour qualifier cette marche de 50 kilomètres avec 1000 mètres de dénivelé dans un sens et 1000 mètres de dénivelé dans l’autre sens !

J’espère que vous voyez où je veux en venir : Jésus a fait tout ce chemin pour Zachée, c’est pour cette crapule, et rien que pour lui, qu’il s’est payé tout ce chemin et tout ce dénivelé. Je vous avoue que lorsque cette semaine, j’ai réalisé cela, ça m’a donné une grande émotion. Vous comprenez pourquoi je vous ai donné tous ces détails de la géographie, parce que si on ne connaît pas tout ça, la rencontre entre Jésus et Zachée est une belle histoire … comme les autres. Mais quand on prend conscience de tout ça, alors on réalise que la conclusion que Jésus tire lui-même à la fin de l’évangile, ce n’est pas du pipo ! « En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » Oui, on peut dire que c’est bien vrai : il est venu chercher ceux qui étaient perdus et pour les trouver, il n’hésitera pas à faire des kilomètres sur une pente raide en plein soleil. Il est venu pour chercher et sauver ceux qui étaient perdus, on comprend maintenant un peu mieux que rien ne pourra l’arrêter. Et on peut rajouter : il y a mis le prix, il a fait tout ce qu’il pouvait, sans pleurer sa peine.

Alors, mes amis, cette histoire doit nous tenir dans la confiance. En effet, si pour cette crapule de Zachée, Jésus a été capable de faire un tel chemin. Ne craignons rien, nous qui n’avons jamais été aussi mauvais, du moins je pense que c’est la situation de la plupart d’entre nous, il saura aussi venir nous chercher là où nous en sommes. Pour nous aussi, il fera ce qu’il faudra, il y mettra le prix qu’il faut, mais il ne nous laissera pas au bord du chemin.

Après, quand il nous aura trouvé, lui, il aura fait le job, ça sera à nous, à chacun de nous de décider : veux-tu, oui ou non, accepter sa demande : je veux demeurer chez toi ? C’est à dire qu’il ne veut pas que passer quelques minutes avec toi, le temps d’une messe par semaine, ou d’une petite prière vite fait chaque jour, il veut demeurer chez toi. Il souhaite que, toi sans lui, lui sans toi, ça ne soit plus jamais possible. Le veux-tu ? Ah j’oubliais un détail, tu as entendu : c’est avec joie que Zachée a reçu Jésus chez lui. Il ne faudrait pas qu’à la perspective d’accueillir Jésus qui veut demeurer pour toujours chez toi, tu réagisses comme si c’était ta belle-mère qui te disait : je m’installe chez vous ! Je plaisante, je sais qu’il y a de très bonnes belles-mères. En tout cas, si tu veux connaître la joie de Zachée, quand tu iras communier dans quelques instants, tu sais ce qu’il te reste à faire : l’accueillir et ne plus le mettre dehors !

 

Père Roger Hébert