HOMELIE IIème DIMANCHE DE L’AVENT C

IIème DIMANCHE DE L’AVENT C
Première lecture : Ba 5,1-9 ; Psaume responsorial : Ps 126(125)
Deuxième lecture : Ph 1,4-11 ; Evangile : Lc 3,1-6

Préparez la route au Seigneur.
Dans l’Evangile de ce deuxième dimanche de l’Avent surgit la figure de Jean-Baptiste. Son identité justifie son apparition : pendant que nous attendons l’avènement du Messie, Jean, en tant que Précurseur, vient nous dire que le Sauveur est proche et nous indique ce que nous devons faire : préparer la route au Seigneur.

Il faut se presser de dire que la notion de route à préparer introduite ici par Jean, ne renvoie pas à l’expertise d’ingénieurs des ponts et chaussées. Elle est employée non seulement dans un sens figuré, mais aussi spirituel, et ce sens s’éclaire d’une grande lumière si nous nous avisons de chercher la richesse du terme “route” dans les expériences respectives d’Abraham et du peuple d’Israël d’une part, de Jésus et du Nouvel Israël d’autre part.

Abraham ne commence à devenir une grande figure que quand Dieu lui dit : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays qui je t’indiquerai (Gn 12,1). Son obéissance à cette parole fait de lui l’homme en route et l’homme de la route. Si par la suite nous le tenons pour notre père dans la foi, n’est-ce pas que nous ne pouvons pas vivre de foi dans l’immobilité ? Le croyant se présente alors comme l’homme toujours en route, c’est-à-dire, à la recherche de son Dieu, dans l’écoute de sa parole et l’exécution de ses Volontés. Dieu n’est jamais une possession définitive, maisune conquête continuelle. La route du croyant, pas plus que celle d’Abraham, n’est pas toujours indiquée clairement, mais il faut la suivre dans la confiance.

Dans ces conditions, Abraham ne peut qu’engendrer un peuple en route, et ce peuple le reconnaît d’ailleurs lorsqu’il professe dans son credo : mon père était un araméen errant… (Dt 26,5).
La descendance d’Abraham sera un peuple en marche, et c’est pendant la marche que le Seigneur son
Dieu accomplira pour lui les plus grandes merveilles. Dans ce sens, la merveille des merveilles, c’est
la traversée de la Mer Rouge à pied sec (cf. Ex 14,29). Après quoi, le peuple entre en terre promise et se sédentarise, mais il doit bientôt prendre la route pour accomplir l’aller et retour de l’exil à Babylone.
Les deux événements marquent profondément la spiritualité du peuple. La route tracée dans le lit de la Mer Rouge ; la route du désert où le peuple est mis à l’épreuve (cf. Dt 8,3) avant d’entrer en terre promise ; la route suivie par lui pour aller en exil à Babylone dans l’amertume ; l’exultation de joie qui marque la route du retour, autant de routes parcourues par l’Ancien Israël, dans son cheminement de foi au Dieu de ses pères.

Si Jean-Baptiste parle de route, voilà ce qu’il indique, la route qui ouvre le cœur de l’homme à l’obéissance à Dieu et à ses merveilles dans la vie du croyant. C’est la route que nous parcourons pour aller à la rencontre du Dieu qui vient, la route de notre liberté, c’est aussi la route que le Seigneur parcourt pour venir jusqu’à nous.
Et dans ce sens, Jésus parcourt la plus longue qui soit, celle qui le fait partir de son éternité de Verbe de Dieu pour naître parmi nous comme Fils d’homme, c’est la route de son Incarnation. Il parcourt toute cette distance pour nous apprendre à parcourir nous aussi la route de Dieu. Son exemple consiste à parcourir la route en question en faisant de la Volonté de son Père sa nourriture (cf. Jn 4, 34) et en l’accomplissant jusqu’à la dernière goutte de son sang.

Dépassant de loin l’invitation de son Précurseur, Jésus fait plus que préparer la route au Seigneur, il se fait lui-même la route et se définit telle : je suis le chemin… (Jn 14,6). Nous n’avons donc pas besoin de construire de route, la route est venue jusqu’à nous. Elle demande seulement que nous l’empruntions, car nul ne peut aller au Père sans passer par elle (Jn 14,6). Entre le Père et nous, Jésus se tient, non pas comme un écran, mais comme un canal : la route qui mène au Père. C’est cela qui donne à Jésus l’autorité de dire à tout disciple : suis-moi (Mt 4,19 ; Jn 1,43). L’extraordinaire occasion qu’il nous donne de le suivre nous déloge de chez nous : quitte ton pays… quitte ton moi égoïste, abandonne tes richesses, laisse de côté tes peurs, tes soucis, et suis la route de l’Eglise. Oui, l’Eglise est la route de Dieu, la route qui te conduit à Jésus pour qu’à son tour, il te conduise au Père.
Comme route, l’Eglise est aussi un peuple en marche, héritière du charisme d’Abraham, l’homme toujours en marche vers Dieu.

Faut-il l’oublier, Jésus est fils d’Abraham (Lc 3,34). Rien d’étonnant qu’à son tour, Jésus, après avoir parcouru la route de son Incarnation, entreprenne la longue marche de la Croix qui le conduira à opérer le passage de la Mort pour hériter de la vie qui ne finit pas. Au bout du chemin, il prend la tête d’un peuple en marche, le Nouvel Israël, l’Eglise de Dieu, le peuple de sa Pâque, c’est-àdire, de son Passage, le peuple de la Résurrection, en marche vers le Père.

Abraham n’était pas la route, mais il devait suivre une route dont il s’est écarté parfois (cf. Gn 16). Ses  escendants aussi devaient suivre la route de l’Alliance au Sinaï, mais souvent, ils ont dévié de cette route en suivant des idoles. Les prophètes se sont mobilisés au long des siècles pour les ramener sur la route de Dieu.

Nous ne sommes pas la route, mais souvent, nous traçons nos propres routes en suivant nos tendances égoïstes et la faiblesse de notre chair. Aujourd’hui, Jean nous demande de préparer la route au Seigneur, et au besoin, de changer de route pour emprunter celle du Seigneur qui s’est fait le chemin. C’est ce que Jean entend par son appel à la conversion.
Convertissez-vous donc !