Homélie fête de l’Assomption: Attention à l’asphyxie !

Belle fête de l”Assomption !

Roger

 

Vous connaissez tous l’histoire, quand Jean-Marie Vianney arrive à Ars, il y a un épais brouillard, il se perd un peu, entend les cloches d’un troupeau et se dit : s’il y a un troupeau, c’est qu’il y a un berger, je vais donc pouvoir lui demander de m’aider à m’orienter. C’est ce qu’il fait ! Et au berger qui l’a mis sur le bon chemin, il dit : « Tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du ciel ! » C’était il y a exactement 200 ans en février 1818. Eh bien, je crois que cette fête de l’Assomption que nous célébrons contient cette même promesse dont chacun de nous se trouve destinataire, mais cette fois, c’est la Vierge Marie qui nous l’adresse. Puisqu’elle est parvenue au ciel avec son corps, c’est le dogme de l’Assomption, elle nous dit : « écoute-moi, je veux te montrer le chemin du ciel, parce qu’il n’y a rien de plus désirable que de connaître ce chemin. »

 

Quand je dis ça, est-ce que ça nous parle vraiment ? Est-ce nous sommes convaincus qu’il n’y a rien de plus désirable que de connaître le chemin du ciel et le parcourir ? Peut-être que, pour nous qui sommes là, cette promesse nous parle, peut-être aussi qu’il faudrait vérifier de plus près si nous désirons vraiment le connaître ce chemin du ciel et le parcourir. Mais ce qui semble plus assuré, c’est qu’une majeure partie de nos contemporains ne semble pas préoccupé par ce chemin puisqu’ils ont évacué Dieu de leur vie, ils ont évacué Dieu de nos sociétés, soi-disant, pour être plus libres. Il y a quelques temps, je lisais ce petit texte sur Facebook qui donne à réfléchir, c’est la réaction de la fille d’un prédicateur évangéliste américain. Alors évidemment, il faut remettre les choses dans leur contexte et accepter que, chez nous, nous soyons dans un contexte de laïcité qui, forcément rend certaines demandes de cette fille impossibles. Soit dit en passant, j’ai étudié cette loi dite de laïcité quand je suis devenu aumônier de prison et il est clair qu’elle ne vise pas la suppression de la religion mais la possibilité, pour chacun de pratiquer sa religion sans entrave ni des autorités, ni des autres personnes, ni des autres religions.

 

Voilà donc ce que disait cette fille, encore une fois, il faut en prendre et en laisser pour tenir compte de notre situation, mais le fond de sa déclaration a de quoi nous faire réfléchir en ce jour où Marie veut nous montrer le chemin du ciel et où nous nous interrogeons pour savoir si ça intéresse encore nos contemporains. Elle a été interviewée après une terrible tuerie dans un campus. L’animatrice lui demande : « Comment Dieu a-t-il pu laisser une telle horreur se produire ? Voilà sa réponse : « Je crois que Dieu a été profondément attristé par tout ça, au moins autant que nous, mais depuis des années nous lui disons de sortir de nos écoles, de sortir de nos gouvernements et de sortir de nos vies. En tant que “‘gentleman”, Il s’est calmement retiré. Comment pouvons-nous espérer que Dieu nous donnera sa bénédiction et sa protection si nous insistons pour qu’il nous laisse seuls ? Quelqu’un a commencé à se plaindre de la prière faite dans les écoles et a demandé que ça s’arrête et nous avons dit OUI. Puis un autre a dit que nous ne devrions pas lire la Bible à l’école, la même Bible qui enseigne “Tu ne tueras point, tu ne voleras point, et tu aimeras ton prochain comme toi-même” et, nous avons dit OUI. C’est étonnant de voir à quel point il est simple pour les gens de rejeter Dieu et de se demander ensuite pourquoi leur monde devient un enfer, à quel point nous croyons tout ce que les journaux disent et remettons en question tout ce que la Bible dit. »

 

Je crois me faire l’interprète fidèle de cette femme en disant qu’il ne s’agit surtout pas de croire que c’est Dieu qui nous punirait parce que nous l’avons éjecté. Non ! C’est l’absence de Dieu qui rend le monde invivable. Bien sûr, chacun a le droit de croire ou de ne pas croire, il ne me viendrait pas à l’idée de remettre en cause ce droit fondamental ! Mais, autant dans le passé, il y a eu des croisades pour imposer la foi chrétienne, autant, aujourd’hui, le principe de ces croisades s’est inversé, ceux qui les mènent veulent éradiquer la foi chrétienne et certains s’y emploient vraiment. L’histoire récente devrait pourtant nous mettre en garde sur les conséquences de tels actes. Les Etats qui ont voulu, « manu militari » éjecter Dieu et interdire la foi n’ont pas tenu leurs promesses d’instaurer des sociétés fraternelles, c’est le moins qu’on puisse dire ! Pourtant, je suis sûr que ces croisades anti-chrétiennes, menées souvent de manière souterraine, ne sont rien à côté de la croisade matérialiste qui commet encore plus de dégâts en laissant croire que le Bonheur est dans la consommation et qu’il n’y a rien d’autre à espérer que de profiter de la vie autant qu’on le peut, même si, pour satisfaire notre soif d’avoir toujours plus, nous devons ruiner l’avenir de notre planète et laisser ceux qui viennent se débrouiller !

 

De la réponse de cette femme, ne discutons pas sur chaque détail dont certains sont discutables, mais retenons le problème de fond qu’elle soulève : C’est étonnant de voir à quel point il est simple pour les gens de rejeter Dieu et de se demander ensuite pourquoi leur monde devient un enfer. Et si vous trouvez que, dire que le monde est un enfer, c’est un diagnostic trop négatif, vous pouvez au moins reconnaître que le monde est angoissé. Et je crois que cette angoisse, pour une grande part s’explique par le fait que le chemin du ciel n’intéresse plus. Si vous n’avez pas été convaincus par la déclaration de la fille de ce prédicateur, peut-être serez-vous plus sensibles à ce qu’écrit un philosophe contemporain qui revendique son athéisme et qui a écrit ces quelques lignes étonnantes pour un athée : « Je vous préviens si vous ne faites pas un trou dans le plafond, vous allez asphyxier. Peu importe ce que vous y mettez, ce qui compte, c’est la bouche d’air. Vous n’échapperez pas à la verticale. »

 

Il a raison Régis Debray, s’il n’y a plus de ciel ouvert, accessible, alors nous sommes comme enfermés dans un monde qui ressemble à une grande boite de laquelle il n’y a aucun échappatoire. Quand nous sommes enfermés, tous, nous devenons plus ou moins claustrophobes ! Et c’est, au moins en partie, une explication à l’angoisse du monde. Cette fête de l’Assomption est donc une bonne nouvelle, une vraie bonne nouvelle, Marie veut nous montrer le chemin du ciel, elle nous dit que le ciel est ouvert, prêt à nous accueillir et que si on suit son chemin, nous parviendrons, nous aussi au ciel. Et le chemin que Marie nous indique pour parvenir au ciel, Marie, il est balisé dans son Magnificat. Tous les mots qu’elle prononce quand elle parle d’humilité, de pauvreté, d’amour, de respect de Dieu sont autant de balises qui nous indiquent avec assurance ce chemin du ciel. Soutenus par la grâce de Dieu, si nous marchons résolument sur ce chemin du ciel, nous connaîtrons déjà sur cette terre quelque chose du bonheur du ciel. C’est ce qu’avait promis la Vierge à Marie à Bernadette. Hélas, longtemps ce que dit Marie à Bernadette en patois béarnais a été très mal rendu en français.

 

C’est un prêtre, spécialiste de ce patois qui a expliqué que, si on traduite plus finement, Marie ne lui dit pas : je ne te promets pas le bonheur sur cette terre mais au ciel, elle lui dit : je te promets déjà sur cette terre le bonheur du ciel. C’est quand même beaucoup mieux! Et c’est ce qu’elle nous promet, à nous aussi, si nous marchons sur ce chemin qu’elle nous montre et qui conduit au ciel. Puissions-nous montrer ce chemin à tous ceux qui sont en train d’asphyxier parce qu’il n’y a plus d’ouverture vers le haut, vers Dieu dans leur vie.

 

Père Roger Hébert