Hommage au Père Jacques Hamel

En hommage au père Jacques HAMEL, Temps de recueillement et de prière pour la Paix et la Fraternité.
Nous étions à peu près 80 personnes à Bellegarde ce vendredi 29 Juillet 2016.
IL y avait le maire, une délégation de musulmans, la participation aussi de plusieurs protestants.
Voilà ce que j’ai dit, voilà ce qui a été lu :

1/ Accueil du père Roger
Merci d’avoir répondu à notre appel et d’être venus partager ce temps de recueillement et de prière. Depuis mardi, nous sommes tous bien secoués. Il y avait déjà eu bien des drames causés par ces hommes dont la religion est uniquement celle de la haine. Le carnage du 14 juillet à Nice nous avait laissé sans voix, les blessures causées par ce drame étaient loin d’être pansées et voilà qu’on apprend ce drame horrible : un prêtre âgé, le père Hamel, 84 ans, a été égorgé à la fin de la messe qu’il célébrait. On sent qu’un palier a encore été franchi. Alors, nous avons besoin de nous rassembler, de ne pas rester seuls pour ruminer nos idées noires. L’invitation des évêques de France à vivre cette journée de vendredi dans le recueillement, la prière et le jeûne nous donnait l’occasion de proposer cette rencontre.

Nous sommes sûrement d’horizons religieux différents, mais nous avons tenu à venir pour nous serrer les coudes. Je vous remercie Mr le Maire d’avoir répondu à l’invitation pour manifester toute la solidarité de la population bellegardienne à l’égard de l’Église catholique qui est profondément atteinte par cette agression. Je remercie tous ceux qui ne partagent pas la foi d’être chrétiens d’être venus, je salue particulièrement la délégation composée par nos amis musulmans, je remercie aussi les frères chrétiens d’une autre confession d’être venu nous manifester leur fraternité. Il y a ceux qui sont là et ceux qui nous ont adressés des messages. Je comprends tout à fait qu’à cette heure de la journée, certains ne pourront pas rester toute l’heure, que chacun se sente libre !

Entrons dans ce temps de recueillement et de prière en nous laissant porter par cette symphonie si célèbre de Dvorak dite symphonie d’un nouveau monde parce que ce nouveau monde, nous l’appelons de nos vœux, un monde dans lequel la barbarie et les violence de toutes sortes n’auront plus droit de cité. Pendant la musique, nous allons faire sonner le Glas en hommage au père Jacques Hamel et à toutes les victimes du terrorisme chez nous et dans le monde entier.

2/ Musique de recueillement : Dvorak – Glas

3/ Introduction au Testament spirituel du P. de Chergé
En nous retrouvant dans cette église, évidemment, nous avons envie de crier vers le ciel parce que nous ne comprenons pas ce qui se passe. J’aimerais reprendre les premiers mots de l’homélie du Cardinal Vingt-Trois à la messe qui a été célébrée à Notre Dame de Paris. Citant un verset de la 1° lecture du jour, voilà ce qu’il disait :
« Seigneur, serais-tu pour moi un mirage, comme une eau incertaine ? »En ce moment terrible que nous vivons, comment ne ferions-nous pas nôtre ce cri vers Dieu du prophète Jérémie au milieu des attaques dont il était l’objet ? Comment ne pas nous tourner vers Dieu et comment ne pas Lui demander des comptes ? Ce n’est pas manquer à la foi que de crier vers Dieu. C’est, au contraire, continuer de lui parler et de l’invoquer au moment même où les événements semblent remettre en cause sa puissance et son amour. C’est continuer d’affirmer notre foi en Lui, notre confiance dans le visage d’amour et de miséricorde qu’il a manifesté en son Fils Jésus-Christ. »

Depuis la mort du père Hamel, je repense à une réplique du film des hommes et des dieux. Pour en comprendre la portée, je me permets de la replacer dans son contexte. L’heure est grave, les moines sont confrontés à une décision qui engage leur vie : doivent-ils partir pour se mettre en sécurité dans un monastère français ou rester à Tibhirine, au milieu de la population musulmane, pour la soutenir, au risque d’être égorgés ?

Le frère Christophe est empêtré dans un débat intérieur dont il n’arrive pas à sortir, c’est alors que le prieur, le Père Christian de Chergé le rejoint, il lui pose la main sur l’épaule, le regarde dans les yeux et lui dit : “Christophe, ta vie, tu l’as déjà donnée !” On sait ce qu’il adviendra : tous ces moines, sauf un qui a réussi à se cacher vont mourir décapités. Ils étaient unanimement appréciés par la population musulmane de la région qui reconnaissait en eux des hommes qui vivaient une fraternité sans faille à leur égard. Ils sont morts victimes de la barbarie aveugle de ces hommes qui se sont convertis davantage à la violence qu’à Dieu !

Oui, en devenant prêtre, nous avons choisi, librement, de donner notre vie à la suite de Jésus. En devenant prêtre, le père Hamel avait choisi, lui aussi, de donner sa vie. Il l’a fait, au quotidien, en exerçant son ministère, de manière loyale et inlassable, selon la formule du concile, au cours de 58 années de sacerdoce. Il ne pensait sûrement pas avoir à la donner de cette manière aussi radicale, mourant au moment il célébrait l’Eucharistie pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde. Le sacrifice de sa vie nous redit, à nous, tout spécialement les prêtres, que “donner sa vie” ce n’est pas une formule pieuse. Je vous propose de réentendre le testament du père Christian de Chergé qui restera, pour de longues années encore, l’une des pages les plus émouvantes et les plus exigeantes de la littérature chrétienne.

4/ Silence et introduction à l’évangile
Certains diront que ces paroles sont peut-être belles mais qu’elles ne régleront pas le problème et qu’il nous faudra bien apprendre, un jour, à devenir réalistes … sous-entendu qu’il nous faudra bien accepter de combattre avec les armes de ceux qui ont choisi de nous combattre.
Aucun chrétien digne de ce nom ne peut se laisser gagner par ce genre d’idées. Il n’est pas anormal que ces idées nous traversent l’esprit, ça s’appelle une tentation, mais nous ne devons pas nous laisser vaincre par la tentation. Je suis sûr que le père Hamel n’aurait jamais voulu que de telles mesures soient la conséquence de sa mort. Nous savons qu’il était engagé dans le dialogue inter-religieux, et que, à 84 ans, n’avait pas voulu prendre une retraite méritée pour se donner jusqu’au bout. Si la haine et le rejet de l’autre, différent, l’emportaient, ça serait vraiment lui faire injure ! C’est pour cela que je vous propose ce texte d’évangile.

5/ Evangile + commentaire
De l’évangile selon St Luc au chapitre 6
Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara :
« Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés.
Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation !
Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim !
Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes.
Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »