NOEL 2020

Le temps de l’Avent nous a tenus dans l’attente du Messie. En empruntant la voix du prophète, nous avions crié : que les cieux distillent la rosée, que les nuages répandent la justice, que la terre s’entrouvre et que le salut s’épanouisse (Is 45, 8). Or, un désir non comblé représente toujours une
douleur. Mais aujourd’hui, voici le temps de la satisfaction, la promesse est accomplie, le Seigneur est là, nous sommes dans la joie, c’est Noël ! Bonne fête et Joyeux Noël à vous tous et toutes, frères et sœurs.

Avant de nous livrer à cette joie, arrêtons-nous un instant pour nous demander ce qui avait constitué le manque en nous et occasionné la douleur. Le soleil ne brillait-il pas ? La pluie ne tombait- elle pas ? La terre ne donnait-elle pas son fruit ? Nos greniers n’étaient-ils pas pleins ?

En réalité, rien de tout cela ne nous avait manqué, et pourtant nous n’étions pas satisfaits. Et pourquoi ? Pour tout avouer, nos pères ont péché, nous en avons hérité et nous voilà sur une terre qui ne fournit plus qu’épines et chardons. De plus, c’est à la sueur de notre visage que nous mangeons
notre pain (Gn 3, 18-19). Chassés du paradis, nous errions dans le désert de la vie sans trouver de repos. Le prophète a bien prophétisé en disant de nous que tous comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin (Is 53, 6). Dieu nous a rassemblés au Sinaï pour nous
donner sa Loi mais nous n’avons pas été capables de l’observer pour notre bonheur. Alors, Dieu nous a châtiés. Nous avons cherché la joie sans la trouver, du moins, nous n’avons trouvé que celles qui passaient et passaient trop vite pour être saisies.

Et voilà qu’aujourd’hui, c’est le Seigneur même qui lance le cri du salut : dites à la fille de Sion : voici que vient ton salut (Is 62, 11). Dieu est né au milieu de nous, il est avec nous, notre Dieu Emmanuel ! Soyons dans la joie. La joie vient du ciel avec le chant des Anges : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. Le seigneur vient délivrer son peuple !

Mais alors, comment évaluer cette délivrance ? En effet, n’est-il pas vrai que par le passé, le Seigneur avait effectué d’éclatantes délivrances ? N’a-t-il pas délivré Abraham de la coalition des quatre Rois (cf. Gn 14, 12-15) ? N’a-t-il pas épargné Sara de la convoitise de Pharaon (cf. Gn 12, 17- 20) ? Dieu n’a-t-il pas délivré Jacob des mains de Laban puis d’Esaü ? Le même Dieu a délivré David des mains de Goliath puis de Saül, et livré entre les mains de Judith la tête d’Holopherne. Et puis, merveille des merveilles, il a délivré Israël des mains de Pharaon, Roi d’Egypte, en lui faisant traverser à pied sec la Mer Rouge. Et ce peuple, au désert, Dieu l’a sauvé de la mort occasionnée par la faim, la soif et la morsure des serpents brûlants. En terre promise, il fait succéder une série de douze Juges pour sauver le peuple de différentes formes d’oppression. Que de hauts-faits, que de délivrances !
Après tout cela, quelle est la particularité de la délivrance de ce jour ?

La délivrance que Jésus apporte par sa venue, c’est une délivrance définitive, c’est-à-dire que dès que le Christ nous libère, nous n’encourons plus le risque de redevenir esclaves. On s’en souvient, Israël, libéré de l’esclavage d’Egypte, retombe plus tard dans les mains d’autres oppresseurs, entre autres, le roi qui le déporte en exil à Babylone d’où Israël se met à attendre une autre délivrance. Mais la délivrance apportée par le Christ n’est suivie d’aucune autre forme d’esclavage. Elle est définitive.
Mais cette merveilleuse délivrance de Jésus, la bouche peine à trouver des mots pour l’exprimer et le résultat, c’est qu’elle est exprimée en des termes contradictoires.

Dans la première lecture de la messe de la Nuit, Isaïe l’exprime en termes de victoire militaires : comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus… Cette même venue du Seigneur est perçue dans la prédication de Jean-Baptiste comme le moment décisif d’un impitoyable jugement qui s’abattra sur ceux qui, engeance de vipère, ne voudront pas se convertir.
Mais c’est intéressant de voir le contraste que marque le Seigneur lorsqu’il vient en accomplissant des gestes de miséricorde, guérissant des aveugles, faisant entendre des sourds, rendant la parole à des muets, chassant les démons et annonçant le Royaume dans la plus grande sérénité et douceur.

Tous ces modes d’expression montrent la difficulté à exprimer la joie de la venue du Seigneur.

Mais en m’inspirant de la situation de notre monde actuel, je vous donnerais une petite idée de la joie de Noël en recourant à l’image suivante : figurez-vous que par un coup de génie, la science annonce au monde que le vaccin contre le Covid-19 est disponible et efficace à cent pour cent, et qu’est mis au point aussi un protocole de traitement qui assure la guérison au même taux. Imaginez quelle joie cela représenterait pour l’humanité contemporaine ! Et dites-vous que cette joie de la guérison du corps ne serait rien par rapport au salut que le Seigneur apporte à l’homme tout entier et à tout homme !

Je voudrais finir sur une remarque qui porte sur la condition de jouir de la joie de Noël. La joie de Noël n’est pas artificielle, elle n’est pas le fait d’une convention humaine, elle ne se produit pas par des organisations sociales, culturelles ou folkloriques, la joie de Noël est essentiellement joie du salut
de Dieu. Pour y entrer, il faut éprouver en soi le besoin du salut. En effet, qui n’a pas faim n’éprouve pas la joie de manger, et qui n’a pas soif n’éprouve pas la joie de boire ! Si par exemple, tu crois que c’est la science, la technique et l’intelligence humaine qui te libéreront, tu pourras certainement avoir un début de satisfaction avant de te rendre compte que ce dont tu as besoin dépasse leurs offres.

Ressens donc en toi le péril que tu encours, et tu éprouveras la joie de Noël!