Homélie dimanche 09/10: Avant de blâmer, commençons par admirer !

Charles Blondin était un célèbre funambule français vivant aux États Unis à la fin du 19ème siècle. Il avait l’habitude de traverser les chutes du Niagara sur une corde de 400 mètres de long. Il lui est arrivé de le faire avec une brouette ou en vélo. Un jour, il a demandé à la foule : Est-ce que vous croyez que je suis capable de transporter quelqu’un, sur mon fil, dans une brouette? La foule lui a répondu : bien sûr, tu fais tellement de choses extraordinaires ! Très bien, a-t-il dit, alors qui est volontaire pour monter dans la brouette ? Vous imaginez facilement que la proposition n’a pas soulevé un enthousiasme délirant ! Finalement, c’est une vieille dame qui s’est proposée pour monter dans la brouette. Les spectateurs n’en revenaient pas de son audace. Il l’installe dans la brouette et commence la traversée, quand ils reviennent et retrouvent la terre ferme, tout le monde est allé féliciter la vieille dame. Et elle, elle leur a répondu qu’elle n’avait aucun mérite car le funambule était son fils, comment aurait-elle pu ne pas avoir confiance en lui ?

Mes amis, je crois que les 10 lépreux ont eu exactement la même audace que la vieille dame qui a relevé le défi de Charles Blondin et pour les mêmes raisons. Du coup, avant de critiquer les 9 lépreux qui ne sont pas revenus pour remercier Jésus, il me semble qu’il faut d’abord admirer la foi de ces 10 hommes en situation pourtant si difficile. Je crois, en effet, que ce texte nous parle d’abord de la foi et que ce n’est pas un hasard s’il vient tout de suite après l’évangile de la semaine dernière qui nous parlait précisément de la foi à partir de la demande des apôtres qui, s’adressant à Jésus, lui disaient : Augmente en nous la foi.

La foi des ces 10 hommes lépreux, je la vois se manifester de trois manières différentes mais aussi extraordinaires les unes que les autres.

  • Tout d’abord ils osent aller vers Jésus alors que normalement, ils ne devaient pas fréquenter les lieux où il y avait du monde. A cause leur maladie si contagieuse, ils vivaient dans une quarantaine perpétuelle. Mais, voilà qu’ils bravent tous les interdits parce qu’ils croient que Jésus peut faire quelque chose pour eux. Les bien-portants, les responsables, ceux qui ont édicté les lois qui mettent les lépreux à l’écart, pour la plupart, quand ils rencontrent Jésus, c’est pour polémiquer avec lui. Eux, les lépreux, ils cherchent à rencontrer Jésus parce qu’ils savent que lui seul peut faire quelque chose pour eux, ce qui est le signe qu’ils ont compris que Jésus était bien plus qu’un homme. Quelle foi !

  • En plus, quand ils abordent Jésus, ce n’est pas pour l’accuser d’être responsable de leurs problèmes. Ils auraient pu l’agresser en lui disant : pourquoi Dieu nous a-t-il rejeté ? En effet, à cette époque, la lèpre était considérée comme une punition de Dieu. Et s’il fallait se protéger des lépreux, c’était autant à cause de la contagion qu’à cause de cette image qui leur collait à la peau : ils étaient maudits de Dieu, punis par lui à cause de leur péché. Ces 10 hommes lépreux auraient donc pu se rebeller contre Jésus, le rendant responsable de leurs problèmes, puisqu’ils avaient compris qu’il était le Fils de Dieu. Mais ils ne le font pas parce qu’ils savent que tout ce qui se dit sur eux, sur leur prétendu péché qui serait l’explication de leur maladie, cela ne peut pas venir de Dieu.

 Il n’y a que des hommes et des hommes à l’esprit particulièrement tordu pour    inventer de telles choses. Ces 10 hommes refusent de rendre Jésus responsable       car, eux, ils savent que Dieu, lui, il ne veut que le bien pour nous, pour tous les  hommes. Tomber sur Dieu, l’accuser le rejeter, c’est un peu comme si on rendait le médecin qui peut nous guérir de la maladie qui nous ronge et que, par esprit de vengeance, on refusait de le consulter ! Oui, quelle foi chez ces 10 lépreux.

  • Et puis troisième manière, pour eux de manifester leur foi, et c’est peut-être la plus extraordinaire. Jésus leur dit d’aller se montrer aux prêtres, en effet, seuls les prêtres pouvaient réintégrer dans la communauté une personne qui en avait été exclue. Les lépreux étaient exclus à cause de leur maladie, pour qu’ils puissent être réintégrés, il fallait constater leur guérison et cela, seuls les prêtres pouvaient le faire et donc accepter leur réintégration. Vous avez bien entendu le texte, quand ils partent, ils ne sont encore pas guéris puisque c’est « en cours de route » qu’ils ont été purifiés. Ils auraient pu dire à Jésus : fais d’abord le miracle et on t’obéira ensuite. Mais non, avec Jésus, c’est précisément l’inverse qui est nécessaire : pour que le miracle puisse avoir lieu, il faut d’abord l’obéissance de la foi. Ces 10 hommes lépreux, comme ils n’ont pas douté un seul instant de la puissance de Jésus, ils lui font une confiance absolue. Oh vraiment quelle foi chez ces hommes

Vous comprenez donc qu’avant de blâmer 90% d’entre eux parce qu’ils ne sont pas revenus vers Jésus, il convient d’abord d’admirer la foi de 100% d’entre eux ! Le jour où, comme eux, nous serons capables de croire que 1/ finalement, pour ce qu’il y a de plus essentiel dans notre vie, seul Jésus a la réponse, 2/ que Jésus n’est jamais responsable du mal qui peut nous arriver et qu’il est plutôt le médecin envoyé pour nous guérir et que 3/ nous pouvons lui faire une confiance aveugle, ce jour-là nous serons de vrais croyants.

Alors, c’est sûr, il y a le problème évoqué dans la 2° partie du texte : un seul est revenu vers Jésus. Mais est-il aussi sûr que cela que Jésus blâme les 9 autres ? J’ai plutôt l’impression qu’il s’émerveille devant l’attitude du 10°. Parce que les 9 autres, je ne peux pas imaginer un seul instant qu’il n’ait pas rendu gloire à Dieu, qu’il n’ait pas remercié Dieu pour leur guérison. Je pense vraiment qu’après avoir vu les prêtres, ils sont sûrement allés au Temple offrir un sacrifice d’action de grâce. Je crois donc que ce qui émerveille Jésus, c’est que le 10°, lui, pour rendre Gloire à Dieu, il soit revenu vers lui. Lui, il a fait un pas supplémentaire dans la Foi, d’ailleurs c’est bien ce que Jésus souligne à la fin du texte. Il avait déjà, comme les 9 autres une foi exceptionnelle, je l’ai déjà souligné, mais lui il a compris quelque chose que les autres n’ont pas compris. En allant vers les prêtres et, ensuite, au Temple, ils ont finalement repris le cours de leur religion traditionnelle. Certes, ils ont rencontré Jésus qui a fait pour eux quelque chose d’extraordinaire en leur accordant cette guérison qui leur permet une réintégration dans la communauté des hommes, mais après tout redevient comme avant !

Tandis que lui, le 10°, il faut aussi dire qu’en tant que samaritain, il était moins attiré par le temple, il ne veut pas qu’après sa rencontre avec Jésus tout redevienne comme avant. Désormais, il a compris que la religion, ce n’était pas une loi à observer et un lieu à vénérer, la religion, c’était un homme, Fils de Dieu, à ne plus quitter. Oh mes amis, nous qui allons encore une fois rencontrer Jésus, puissions-nous faire ce même chemin de foi, puissions-nous faire en sorte qu’après cette rencontre avec Jésus que nous allons vivre au cours de cette messe, rien ne soit plus jamais comme avant !

 

Père Roger Hébert