Homélie 08/01: Astronome ou astronaute, that is the question !

 Vous savez peut-être que chez nous, l’épiphanie se célèbre toujours un dimanche et plus précisément le 2° dimanche après Noël. Ce n’est pas le cas dans tous les pays, certains ont fait le choix de célébrer cette fête à date fixe, le 6 janvier. C’est le cas de l’Italie, par exemple, et c’est très intéressant qu’il en soit ainsi, parce que, comme ça, nous avons pu avoir l’homélie qu’a prononcée le pape François à la basilique St Pierre. Vous avez bien compris que j’aime beaucoup ce que dit ce pape. Chaque semaine, sur les feuilles de messes, je mets l’extrait d’une de ses homélies, c’est toujours très simple, imagé et percutant.

J’ai donc lu l’homélie que le Pape a faite pour l’Épiphanie, je vous en ai mis un extrait sur les feuilles, mais ne le lisez pas pendant que je vous parle ! Rassurez-vous je ne vais pas vous resservir l’homélie du pape arrangée à ma sauce ! Mais elle m’a permis de me poser une question que je ne m’étais jamais posée et, du coup, ça me permettra de me renouveler. Parce que vous savez, l’épiphanie, c’est compliqué, comme Noël d’ailleurs ou la Toussaint ou le 15 août : ces fêtes reviennent chaque année et chaque année, c’est le même texte d’évangile. Les journalistes appellent ces événements « des marronniers », ils reviennent chaque année, au même moment et il faut dire quelque chose de nouveau, à chaque fois. Merci donc au pape François qui m’aura permis de me renouveler !

 La question que je ne m’étais jamais posé, c’est la suivante : comment ça se fait qu’il n’y ait eu que les mages qui soient venus à la crèche ? En effet, cette étoile qui est apparue dans le ciel de façon bien mystérieuse, ou au moins bien étonnante, elle brillait pour tous. Le pape dit : « Ce n’était pas une étoile qui a brillé de façon exclusive pour eux et ils n’avaient pas non plus un ADN spécial pour la découvrir. » Elle brillait pour tous, mais il n’y a eu que ces mages qui se sont mis en route, comment ça se fait D’ailleurs, si on s’en tient à l’évangile, on ne sait pas combien ils étaient et l’évangile ne dit pas non plus qu’ils étaient rois. Dans la 1° lecture d’Isaïe, nous avons entendu ce verset : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore », c’est en raison de ce verset qu’on a assimilé les mages à des rois. Et on les a représentés dans la diversité des races connues à l’époque, donc on en a mis trois ! Le texte d’évangile, lui, il ne parle que de mages, utilisant un mot dont la signification est complexe. La Tradition parle d’astronomes qui avaient l’habitude de scruter le ciel. Accueillons ce que nous dit la Tradition de l’Église et le bon sens : puisqu’ils ont vu une étoile, c’est qu’ils avaient l’habitude de scruter le ciel, donc ce sont des astronomes.

Mais des astronomes, dans tout l’Orient, il devait y en avoir un certain nombre, pourquoi il n’y a que ceux-là qui se sont déplacés ? Le pape donne son avis, comme je ne veux pas le copier, je vais aussi donner le mien. Les autres astronomes qui ont vu l’étoile ont dû faire des tas de calculs pour comprendre. On peut imaginer que certains se sont extasiés devant l’apparition de cette nouvelle étoile, d’autres ont peut-être nié la réalité, selon leurs calculs ce n’était pas possible de voir cette étoile dans le ciel à ce moment-là. Tout est possible ! Mais eux, ils ne se sont pas contentés de calculs, ils ont voulu voir de leurs propres yeux ce qui se passait parce qu’ils ont eu l’intuition que quelque chose d’inouï était en train de se produire.

Le père Cantalamessa, prédicateur de la maison pontificale aime développer une idée intéressante. Il parle de la différence qu’il peut y avoir entre des astronomes et des astronautes. Il explique qu’un astronome est quelqu’un de très intelligent puisqu’il sait à peu près tout ce qu’il est possible de savoir sur le ciel. Mais quand il en parle, c’est forcément de manière théorique et abstraite. Un astronaute, lui, il connaît moins de choses sur le ciel, les étoiles, les planètes, mais quand il parle, c’est à partir de son expérience, lui, le ciel il y est allé et ça change tout.

Peut-être bien que ces mages-astronomes, ils en avaient assez de leurs calculs, ils en avaient assez de parler du ciel de manière théorique. Mais, évidemment, à l’époque, il n’était pas question de voyage spatial, ils ne pouvaient même pas rêver de devenir des astronautes. Mais, parce qu’ils avaient envie de vivre quelque chose de fort et d’unique, le ciel leur a fait un beau cadeau. Puisque, eux, ne pouvaient pas aller dans le ciel, c’est le ciel qui est venu à eux. Mais quelle surprise pour eux ! Ces mages, parce qu’ils avaient l’habitude de contempler la majesté du ciel, quand ils ont l’intuition que le ciel est descendu sur terre, ils vont dans le plus grand des palais, celui du roi Hérode. Et ils expliquent leur démarche, mais très vite, ils doivent se rendre à l’évidence, ce n’est pas dans ce palais que le ciel est venu sur terre. Aidés par les spécialistes des Ecritures et par l’étoile qui brille à nouveau pour eux, ils sont conduits à Bethléem, un petit village, et, dans ce village, ils sont conduits à une étable : c’est là que le ciel est descendu sur terre : quelle surprise ! Le texte nous dit qu’ils repartiront par un autre chemin, certes, c’est pour déjouer le piège d’Hérode, mais c’est aussi parce que cette expérience les aura complètement transformés. Pour eux, plus rien ne peut être comme avant.

Vous voyez aujourd’hui encore il y a beaucoup d’astronomes qui parlent du ciel. Je veux parler de tous ceux qui parlent de Dieu, souvent de manière extrêmement savante, mais toujours très théorique. Parmi ces astronomes, certains se décident à vivre l’aventure des mages, ils décident de ne plus se fier uniquement à leurs connaissances, à leur savoir, à leurs livres, ils veulent devenir des astronautes. Il n’y a pas de doute, quand on les entend parler, on entend vite la différence ! On repère vite ceux qui sont restés des astronomes et ceux qui sont devenus des astronautes. Je crois qu’il y a trop d’astronomes et pas assez d’astronautes. Si le monde semble s’éloigner de Dieu c’est parce qu’il y a trop de personnes qui parlent de Dieu de manière abstraite, théorique et bien compliquée alors que les hommes de ce temps attendent des témoins qui puissent, comme disait le pape Paul VI, « lui parler d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible. » Puisque ce dimanche de l’épiphanie est aussi dimanche de prière pour les missions, mes amis, pour devenir missionnaires, engageons-nous à faire le chemin des mages qui nous conduira à ne plus parler de Dieu de manière théorique mais par expérience. Je ne dis pas que la réflexion théorique n’a aucune valeur, mais je pense qu’elle ne peut avoir d’impact que si elle est sous-tendue par une véritable expérience spirituelle. C’est encore Paul VI qui disait fort justement : le monde contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maitres ou s’il écoute les maitres c’est parce qu’ils sont aussi des témoins. Remplacez maitres par astronomes et témoins par astronautes et vous aurez le résumé de mon homélie. Vous aurez aussi la feuille de route pour la mission de chacun : arrêter de parler de Dieu de manière abstraite et compliquée, mais en parler avec la chaleur et l’enthousiasme de celui qui s’est laissé transformer par son amour.

 

Père Roger Hébert