Homélie 1° janvier 2017: Soyons vainqueurs du mal par le bien et arrêtons de jouer à cache-cache avec Dieu !

Traditionnellement, le dimanche après Noël, notre Église nous propose de célébrer la fête de la Sainte Famille, ça ne sera pas le cas cette année ! En effet, le 1° dimanche après Noêl, cette année, c’est aussi le 1° janvier. Ça n’arrive pas très souvent, environ 10 fois par siècle ! Or, le 1° janvier, notre Église aime placer l’année qui démarre sous le regard bienveillant de la Vierge Marie. C’est ce que nous faisons en célébrant Marie, mère de Dieu. En préparant cette homélie, j’ai pensé à nos frères issus de la Réforme, vous savez que je suis très engagé dans l’œcuménisme, ici à Bellegarde mais aussi dans le Doyenné du Pays de Gex. Et je me suis dit qu’il me fallait préparer cette homélie en essayant d’exprimer les choses de manière à ce qu’elles ne blessent pas ces frères avec qui j’aime tant partager.

En effet, c’est l’un des principes essentiels de la recherche œcuménique. Nul ne doit renoncer à ce qu’il croit, autrement on fait un œcuménisme de bas étage, mais chacun doit apprendre à l’exprimer d’une manière qui ne soit pas blessante pour les autres. C’est l’objectif que je me suis fixé même s’il n’y aura peut-être aucun frère issu de la Réforme qui n’entendra ou ne lira cette homélie !

Pourquoi notre Église a-t-elle préféré la fête de Marie à la sainte famille ? Pourquoi le fait de mettre cette année sous le regard bienveillant de Marie est-il plus important que de célébrer la Sainte Famille en ces temps où la famille est pourtant si souvent malmenée ? Il y aurait sûrement bien des manières de répondre, mais avec l’objectif que je me suis fixé, voilà la réponse que j’aimerais apporter aujourd’hui : parce que Marie est, pour nous, un modèle de foi. Et, de fait, il n’y a peut-être rien de plus important, dans l’année qui vient, que vivre dans la foi, mais une vraie foi dont Marie est sans doute le modèle le plus accompli.

Pour parler de Marie, c’est le chemin qu’a choisi le concile Vatican II, il a parlé du « pèlerinage de foi » de Marie. J’aime beaucoup cette expression. Avant le concile, les catholiques, quand ils parlaient de Marie, en parlaient souvent en des termes qui auraient pu laisser penser qu’elle était la 4° personne de la Trinité ! Ces déformations ont irrité les frères issus de la Réforme et les ont un peu plus fermés à toute réflexion sur la place de Marie dans le mystère du Salut. En parlant du « pèlerinage de foi » de Marie, le concile a donné une tout autre orientation à la réflexion des catholiques sur la place de Marie. Et je crois que l’évangile que nous venons d’entendre est une belle illustration de ce qu’a été ce « pèlerinage de foi » de Marie. Luc nous dit que « Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. » C’est une belle manière de dire que Marie ne comprenait pas tout ce qui était en train de se passer, mais elle acceptait de vivre ces événements dans la Foi.

Comment tout comprendre ? Comment comprendre, alors que l’Ange lui annonce qu’elle sera la mère du Fils de Dieu, il faille partir au moment où elle est prête à accoucher ? Dieu n’aurait-il pas pu arranger les affaires autrement ? Il s’agit quand même de la venue au monde de son Fils ! Comment comprendre que ce Fils béni soit obligé de venir au monde dans une étable ? Comment comprendre qu’il n’y ait aucun dignitaire religieux pour venir se prosterner devant lui, mais uniquement des bergers à la réputation sulfureuse ? Oui comment aurait-elle pu tout comprendre ?

Nous savons que le récit de l’Annonciation se termine par cette mention : alors l’Ange la quitta. Et c’est bien vrai, il n’y a plus eu d’ange dans tout le reste de la vie de Marie, elle a dû apprendre à vivre tous les événements dans la foi. Le concile a donc vu juste en qualifiant la vie de Marie de « pèlerinage de foi. »

En proposant de mettre cette nouvelle année sous le regard bienveillant de Marie, c’est donc notre propre pèlerinage de foi que nous lui confions. Nous non plus, nous ne comprenons pas tout ce qui se passe. Par exemple au niveau du terrorisme, du radicalisme islamique, pourquoi Dieu n’intervient-il pas de manière forte pour montrer qu’il ne veut pas être associé à ces actes de barbarie ? Nous ne comprenons pas comment certains peuvent utiliser le nom de Dieu pour semer la mort. Et c’est bien parce que nous ne comprenons pas que nous sommes invités à vivre dans la foi. Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement : vivre dans la foi ? Je vous propose deux pistes, sachant que, vous-mêmes, vous pouvez apporter vos propres réponses.

1/ La 1° piste, elle m’est suggérée par la 1° lecture avec cette formule de bénédiction si belle que je reprendrai à la fin de la messe. « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » Vous aurez remarqué que cette bénédiction est au subjonctif, elle exprime donc un souhait de la part de Dieu : lui, il veut nous bénir et nous garder, faire briller son visage sur nous, nous prendre en grâce, mais nous, est-ce que nous allons l’accepter ? Alors, vivre cette année dans la foi, je vous suggère que ce soit pour nous de prendre l’engagement d’arrêter de jouer à cache-cache avec Dieu. En effet, Dieu nous bénit sans cesse, mais nous, nous sommes libres de ne pas accueillir sa bénédiction. Je lisais un commentaire sur cette lecture qui disait fort justement : « le soleil brille en permanence même quand nous recherchons l’ombre et nous sommes libres de rechercher l’ombre. De la même manière, nous sommes libres d’échapper à l’action bienfaisante de Dieu. Celui ou celle qui se met à l’abri du soleil, perd toute chance de bronzer et ça ne sera pas la faute du soleil ! » Vivre cette année dans la foi, c’est donc arrêter de jouer à cache-cache avec Dieu parce que nous avons besoin de nous laisser baigner par son amour bienfaisant, c’est aussi aider notre monde à arrêter de jouer à cache-cache avec Dieu, lui aussi, il a tant besoin de se laisser baigner par l’amour de Dieu.

2/ La 2° piste que je suggère pour vivre cette année dans la foi, c’est de prendre au sérieux le message délivré par le Pape François pour ce 1° janvier qui est aussi traditionnellement la journée mondiale de prière pour la Paix. J’ai mis un extrait de ce message sur les feuilles, mais j’invite tous ceux qui ont accès à internet à le lire en entier et pour ceux qui n’ont pas internet et qui voudraient le lire, je l’ai photocopié. Le pape nous invite à ne pas répondre à la violence du monde par la violence. Son message est un appel à entrer dans ce qu’on appelle la non-violence active et il propose que nous prenions comme devise cet appel de St Paul dans l’épître aux Romains : « Sois vainqueur du mal par le bien ! » Evidemment, quand nous entendons cela, nous mesurons bien vite que ça dépasse nos forces. Eh bien, justement, vivre cette année dans la foi, ça consistera à avoir l’audace d’aller puiser en Dieu la force et l’amour que nous n’avons pas en nous pour devenir vainqueur du mal par le bien.

Arrêter de jouer à cache-cache avec Dieu pour recevoir ses bénédictions et oser puiser en lui l’amour et la force que nous n’avons pas en nous, voilà deux pistes pour vivre notre pèlerinage de foi tout au long de cette année. Marie, toi qui as si bien accompli ton pèlerinage de foi, ne nous lâche pas la main afin que, quelles que soient les difficultés du chemin, nous puissions garder le cap qui nous est proposé : devenir vainqueur du mal par le bien.