Homélie 29/07/2018 : Passez donc à la boulangerie du Bon Dieu, vous en ressortirez comblés !

Passez donc à la boulangerie du Bon Dieu, vous en ressortirez comblés !

Bonne semaine !

Et merci à tous ceux qui ont déjà répondu à mon appel de la semaine dernière !

Roger

 

Vous vous rappelez sans doute de cette émission de télé où Jean-Pierre Elkabach avait invité Georges Marchais. Et, à un certain moment, Elkabach coupe la parole à Marchais en lui disant : « ce n’était pas ma question ! » Et Marchais de répondre avec sa verve habituelle : « oui, mais c’est ma réponse ! Car j’ai bien compris le truc ; vous, vous venez avec vos questions, alors, moi, je viens aussi avec mes réponses ! » Il fallait oser !

 

Eh bien, dans l’Évangile d’aujourd’hui, on a l’impression que c’est presque la même scène qui se rejoue. Voyant la foule qui le suivait, Jésus demande à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient tous de quoi manger ? » Et Philippe répond : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Autrement dit, Jésus cherche à savoir s’il y aurait une boulangerie qui serait capable de fournir du pain à une telle foule … sans que le pain ait été commandé au préalable. Et Philippe, lui, il ne répond pas à cette question puisque sa réponse porte sur les moyens financiers : quand bien même il existerait une boulangerie capable de relever un tel défi, ce n’est pas la peine de la chercher puisque nous n’avons pas l’argent nécessaire ! Autrement dit, pour Philippe, le débat est clos, il n’y a qu’une solution qui tienne la route : renvoyer tous ces gens chez eux. Philippe ne le dit pas ouvertement dans cette version de la multiplication des pains, mais on retrouve cette conclusion logique dans d’autres versions. D’ailleurs André, le frère de Pierre, le frère du chef vient appuyer la conclusion logique de Philippe en disant de manière ironique : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »

 

C’est dommage que Philippe n’ait pas pris au sérieux la question de Jésus : existe-t-il une boulangerie capable de fournir du pain à une telle foule ? On aurait pu comprendre que Philippe dise à Jésus : écoute, on vient si souvent par ici, tu connais donc la région aussi bien que moi, en tout cas, moi, je ne vois pas de boulangerie capable de fournir … mais, peut-être que, toi, tu en connais une ! Et, si Philippe avait répondu de cette manière, je sais exactement ce que Jésus aurait dit : « tu as bien fait de m’interroger, Philippe, parce que, toi, de fait, tu ne la connais encore pas, pourtant elle existe bien cette boulangerie capable de fournir du pain à une telle foule, c’est la boulangerie du Bon Dieu ! »

 

C’est vrai qu’aucune boulangerie humaine, même la plus moderne, ne serait capable de fournir, comme ça, au pied levé, du pain pour une foule d’au moins 40 000 personnes. En effet, le texte dit qu’il y avait 5000 hommes, on peut penser qu’il y avait autant de femmes et, à peu près, 4 enfants par famille ! Pour les hommes, ce n’est pas possible, mais, rien n’est impossible à Dieu ! Et Jésus va le montrer en se servant de la remarque d’André. Il arrivait pour essayer de dissuader Jésus de chercher à nourrir cette foule en disant que l’inventaire des ressources disponible fait apparaître que ce n’est même pas la peine d’y penser : il n’y a que cinq pains d’orge et deux poissons ! En les multipliant, Jésus va donner une grande leçon à ses apôtres. C’est comme s’il leur disait : vous les hommes, vous êtes toujours dans la mesure, alors qu’avec Dieu mon Père, nous, nous sommes dans la démesure !

 

Ce n’est pas le seul passage d’évangile où Jésus le montre. Il y a cet autre épisode où Pierre demande à Jésus : combien de fois faut-il pardonner, chaque jour ? Et, Pierre va jusqu’à proposer une réponse : 7 fois. Il pensait être félicité par Jésus puisque sa réponse était 2 fois plus généreuse que la réponse des maîtres de l’époque qui proposaient de pardonner jusqu’à 3 fois par jour. Mais Jésus ne le félicite pas, il lui dit : Pierre, pas 3 fois, pas 7 fois, mais 70 fois 7 fois, et vous entendez bien, c’est pas le nombre à donner dans toute sa vie, mais chaque jour ! La réponse de Jésus est une autre manière d’affirmer ce que je viens de dire : vous les hommes, vous êtes toujours dans la mesure, alors qu’avec Dieu mon Père, nous, nous sommes dans la démesure !

 

Alors, évidemment, en entendant cela, vous pourriez me dire : oui, mais c’est quand même plus facile d’être dans la démesure quand on est Dieu ou Jésus que quand on est un homme limité, comme nous le sommes tous … y compris les femmes ! C’est vrai ! Mais justement ces deux épisodes sont comme des invitations de Jésus à ne jamais oublier de nous adresser à la boulangerie du Bon Dieu quand nous nous sentons dépassés. Et Dieu sait s’il y a des situations où nous pouvons nous sentir complètement dépassés, tellement dépassés que nous pourrions perdre pieds. Je pense à ces parents qui n’en peuvent plus à cause du comportement ingérable d’un de leurs enfants. Je pense à tant de personnes malades qui s’épuisent à lutter contre la maladie. Je pense à ces bénévoles d’associations caritatives, parfois découragés parce qu’ils ont l’impression que leur travail est aussi efficace que de labourer la mer : ils donnent et se fatiguent pour remplir des paniers percés ! Je pense encore aux prêtres et j’en fais parfois partie qui se demandent à quoi bon tant d’efforts pour les enfants du caté, pour les fiancés, quand on voit les résultats. Vous pourrez compléter cette liste en ajoutant toutes les situations où, vous-même, vous vous trouvez complètement dépassés quand on vous demande bien plus que vous ne pouvez donner.

 

Dans ces moments-là, rappelons-nous de la boulangerie du Bon Dieu qui cuit en permanence le bon pain de l’amour. Quand nous sommes dépassés, quand nos cœurs commencent à devenir rassis allons à la boulangerie du Bon Dieu pour faire le plein de ce bon pain frais de l’amour qu’il ne cesse de pétrir et cuire pour que nous puissions nous en rassasier et le distribuer généreusement puisqu’il ne nous coûte rien ! Voilà, c’est ça un bon chrétien, c’est celui qui, chaque jour, et même plusieurs fois par jour, va chercher une livraison du bon pain frais de l’amour à la boulangerie du Bon Dieu. Mais comme nous avons du mal à être de vrais chrétiens ! Du coup, c’est pour cela que nous sommes trop souvent radins en amour et que nous nous mettons à penser : là, je ne peux plus donner parce que j’ai à peine assez pour moi et les miens !

 

Je me rappelle d’un ami boucher qui me racontait qu’une vieille dame qui n’avait pas grand chose à faire dans la journée venait régulièrement chercher deux tranches de jambon, précisément au moment où il fermait et où il avait tout nettoyé. Ça le mettait hors de lui et on le comprend bien ! Mes amis, le Bon Dieu, lui, il ne nous fera jamais la gueule quand nous viendrons frapper à la porte de sa boulangerie … et pour cause : lui, il ne ferme jamais !

 

Seulement voilà : à quoi ça sert que le Bon Dieu, il se décarcasse si, nous, on n’y va pas dans sa boulangerie ? A quoi ça sert qu’il pétrisse, qu’il cuise sans cesse le bon pain de l’amour, sachant qu’en plus, ce pain, il le distribue gratuitement, si nous, nous préférons le pain trop souvent rassis de nos propres réserves ? Encourageons-nous les uns les autres à fréquenter la boulangerie du Bon Dieu ! Que ceux qui n’ont encore pas osé aller se servir dans cette boulangerie demandent à ceux qui, manifestement, la fréquentent souvent de les accompagner les premières fois. Et que ceux qui ont perdu l’habitude d’y aller se disent que le Bon Dieu ne leur fera aucun reproche s’ils osent à nouveau pousser la porte de sa boulangerie.

 

Père Roger Hébert