Homélie 8 avril 2018 : Si vous dites : moi, je suis comme St Thomas … c’est le signe que vous avez une foi courageuse …

Si vous dites : moi, je suis comme St Thomas … c’est le signe que vous avez une foi courageuse … pour autant, nous avons tous à compter sur le St Esprit.

« Moi, je crois que ce que je vois ! » Vous l’avez déjà entendu dimanche dernier ! J’expliquais que ceux qui disent ça rajoutent habituellement : « moi, je suis comme St Thomas, je crois que ce que je vois ! » Je vous expliquais aussi que, en fait, le patron de ceux qui disent : je crois que ce que je vois, ça devrait être St Jean. Parce qu’on l’a vu dans l’évangile de dimanche dernier, lui, ce qu’il a vu, lui a permis de croire. Alors que tous ceux qui disent : moi, je crois que ce que je vois, ils ont beau voir, ils ne croient pas vraiment. En effet, c’est souvent pour justifier la médiocrité de leur foi qu’ils sont sans arrêt en train de dire: moi, je crois que ce que je vois ! Parce qu’il y en a pas mal des signes qui nous sont donnés à voir pour nous aider à croire. Mais je ne veux pas refaire toute mon homélie de dimanche dernier !

Mais alors si St Thomas n’est plus le patron de ceux qui doutent, de ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, de qui est-il le patron ? Eh bien, l’évangile d’aujourd’hui nous en apporte la réponse, mais pour cela, comme d’habitude, il convient que nous lisions attentivement le texte. Avez-vous remarqué que le texte nous explique que cette apparition de Jésus a lieu alors que les portes du lieu où se tenaient les apôtres étaient fermées. Cette indication poursuit un double but : d’abord d’expliquer que le corps de Jésus ressuscité n’est plus tout à fait soumis aux lois de la nature, ce qui nous donne quelques indices pour imaginer ce que seront nos propres corps quand, nous aussi, nous ressusciterons. Mais la mention des portes fermées est aussi là pour souligner que les apôtres avaient peur des juifs, ils avaient peur qu’on leur fasse subir le même sort qu’à Jésus. Ils avaient donc pris comme devise : pour vivre heureux, vivons cachés ! Oui, mais il manquait Thomas, si les autres étaient enfermés par peur, le fait que Thomas ne soit pas avec eux est le signe que, lui, il n’avait pas peur. Vous le voyez, il n’est pas possible d’invoquer St Thomas pour justifier la médiocrité de sa foi en répétant sans cesse : moi, je suis comme St Thomas, je crois que ce que je vois. Il est bien plus judicieux d’offrir St Thomas comme patron de ceux qui veulent avoir une foi audacieuse. Rappelons-nous qu’il est absent parce que, lui, il n’a pas peur !

Pour autant, ce Thomas sur qui, finalement, nous ne savons pas grand chose, n’est pas non plus un homme exceptionnel ! Là, on le voit se démarquer des autres par son courage, mais quelques versets plus loin, on voit bien que tout n’est pas encore en place. Et comment pourrait-il en être autrement puisque, comme les apôtres, il n’a pas encore été revêtu de la puissance de l’Esprit-Saint ? Tant qu’ils n’auront pas reçu, en plénitude, la force du St Esprit à la Pentecôte, leur vie fera un peu le yoyo : des moments de grand enthousiasme où ils montent très haut et des moments de grande déprime, de grand découragement, de grande peur où ils descendront très bas. Soyons attentifs, dans nos propres vies, à ces moments où nous faisons, nous aussi, le yoyo avec des temps où nous sommes tout feu tout flamme et des temps où nous sommes au 36° dessous. Le yoyo doit toujours nous alerter, c’est le signe que, comme les apôtres, nous avons besoin du St Esprit.

Alors, pourquoi je parle du yoyo à propos de Thomas ? Eh bien, nous venons de le voir courageux, lui, il n’est pas enfermé comme les autres. Mais quelques versets plus loin, Pierre a une initiative déroutante. Alors que Jésus vient de leur donner un acompte du St Esprit, nous l’avons entendu, alors qu’il vient de leur confier une mission, Pierre dit : moi je vais à la pêche, est-ce que vous venez avec moi ?

Le 1° qui est cité dans ceux qui répondent : on va avec toi, c’est justement Thomas. De la part de Pierre, ce n’est quand même pas une proposition extraordinaire. Alors qu’il vient de recevoir un acompte du St Esprit et une mission, il retourne à ses premières amours : la pêche. Au lieu de prendre au sérieux le don que Jésus vient de leur faire et de répondre à son invitation à partir en mission, Pierre, le pape si vous préférez part à la pêche et il emmène les autres apôtres avec lui : le pape part à la pêche et il emmène les cardinaux avec lui ! C’est quand même pas très sérieux. Et, Thomas, le courageux, ne dit pas un mot pour rappeler à Pierre sa mission, pour regonfler le groupe des apôtres. Vous voyez, c’est le yoyo ! Un acompte de St Esprit ne suffisait pas, il faudra vraiment un don puissant, celui qui leur sera fait à la Pentecôte, pour qu’ils changent tous et de manière vraiment durable. C’est dans cette même puissance du don de l’Esprit-Saint que nous avons besoin de nous laisser renouveler régulièrement, nous aussi, quand nous constatons que nous faisons le yoyo.

Et je n’oublie pas que, ce dimanche, c’est le dimanche de la divine miséricorde. Cette fête voulue par le Pape Jean-Paul II et rappelons-nous qu’il est parti vers la maison du Père, la veille d’un dimanche de la miséricorde, comme si Dieu avait voulu donner un signe concret de l’importance de cette fête. Alors comment se manifeste la miséricorde du Seigneur dans ce texte d’évangile ? Eh bien, je la vois à l’œuvre de plusieurs manières.

  • Quand Jésus vient rejoindre ses apôtres pour cette 1° apparition, du moins, c’est la 1° apparition dans cet évangile de St Jean, Jésus dit à ses apôtres : la paix soit avec vous ! Quelle belle manifestation de la miséricorde ! Il ne leur dit pas : bon les gars, on va faire les comptes, vous êtes fiers de ce que vous avez fait ? Toux, il y a 48h, vous m’avez abandonné, sauf Jean, mais les autres, bravo et toi, Pierre, alors que je t’avais pourtant prévenu, 3 fois, tu m’as renié et tous, tous, vous m’avez lâché ! Non rien de tout cela, une seule parole : la paix soit avec vous ! Tu parles s’ils en avaient besoin de la paix. Ils ne devaient plus tellement bien dormir à cause de leur culpabilité. Du coup, la joie de la résurrection annoncée par Marie-Madeleine ne pouvait pas s’installer dans leurs cœurs. Quelle miséricorde de la part du Seigneur de prononcer, cette parole si bienfaisante : la paix soit avec vous.
  • Mais c’est pas tout, non seulement il leur donne la paix, mais en leur donnant cet acompte du St Esprit, vous l’avez entendu, il leur donne aussi le pouvoir de pardonner les péchés. Eux les misérables vont devenir les témoins de la miséricorde. Pour parler comme le pape François aime parler, je dirai qu’ils sont miséricordiés pour devenir miséricordieux. C’est comme si Jésus leur disait : que le souvenir de votre misère ne vous ratatine jamais, ne vous déprime jamais, mais que le souvenir de votre misère vous rende à tout jamais miséricordieux.
  • Et à l’égard de Thomas, la miséricorde de Jésus va aussi se manifester d’une manière très forte. Puisque Thomas n’était pas là, il revient juste pour lui, sûrement pour souligner qu’il admire son courage à lui qui n’était pas, comme les autres, enfermé dans la peur. Et, voyez-vous, je suis sûr qu’il ne lui fait pas de reproches quand il lui dit: « Parce que tu m’as vu, tu crois, heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Non, je crois que pour Jésus, c’est évident, il y a besoin de voir pour croire et c’est ce qu’il dit : parce que tu m’as vu, tu crois. La foi a besoin de signes, mais il rajoute qu’il y aura des bienheureux, sûrement pas très nombreux, qui, eux, n’auront pas besoin de voir pour croire. Mais, à Thomas, il donne de voir et propose même de toucher la marque de ses plaies, c’est à dire les signes les plus manifestes de sa grande miséricorde.

Il y a besoin de voir pour croire, c’est par cette conviction que se terminait l’évangile : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. » Nos contemporains ont, eux aussi, besoin de signes pour croire, eh bien, c’est à nous de les leur donner. Nous pouvons nous rappeler cette devise du père Guy Gilbert, l’apôtre des loubards et la faire nôtre : « il me faut vivre de telle manière qu’à ma seule façon de vivre on pense qu’il est impossible que Dieu n’existe pas. »

Bon dimanche, bonne semaine !
Père Roger Hébert