Homélie de la St Hubert: Comment exercer l’autorité ?

Ce dimanche, c’était la messe de St Hubert à Montanges avec ceux qui sont devenus mes amis, les sonneurs de cors de chasse !

Si vous êtes parfaitement à l’aise dans votre manière d’exercer l’autorité, cette homélie ne vous apportera rien, si ce n’est pas tout à fait le cas ….

Bon dimanche

Roger

Vous avez sûrement entendu parler de cette polémique concernant une croix qui a été enlevée à Ploërmel sur un monument à la mémoire du saint pape Jean-Paul II. Je vous avoue que je suis toujours étonné par ces polémiques, et avec Noël qui se profile, le débat sur les crèches va être relancé, alimentant encore cette polémique. Pourquoi les chrétiens sont-ils si souvent visés ? Notre religion est-elle à ce point gênante dans notre société aujourd’hui ? Est-ce la religion chrétienne qui met en péril l’équilibre républicain ? J’en suis d’autant plus étonné que depuis des dizaines et des dizaines d’années, l’Église est présente et surtout agissante sur tous les grands lieux de fracture de notre société apportant toujours un surcroit d’humanité, s’occupant en priorité de tous ceux qui n’intéressent plus personne. Et puis, avec tout ça, il y a le rayonnement du pape François dont les paroles touchent les cœurs en appelant à la fraternité, à la paix et au partage. Oui, c’est un grand mystère, comment se fait-il que dans un tel contexte, l’Église soit si souvent victime d’une chasse aux sorcières ? Comme si elle était une sorcière semant le malheur partout où elle passe, alors que son ADN c’est d’être une fée du Bonheur, c’est de se faire proche des hommes pour les aider à réussir leur vie, tous ceux qui sont venus à la messe pour la Toussaint ont entendu ce message avec le texte si célèbre des béatitudes. Aujourd’hui, on parle beaucoup d’écologie durable, de développement durable, eh bien le message de Jésus dénonce tous les petits bonheurs jetables pour mieux conduire l’humanité à un Bonheur durable.

Aujourd’hui, les textes que nous avons entendus, sont de la même veine. Ils veulent nous aider à réussir notre vie dans un de ses aspects peut-être les plus difficiles et pourtant si essentiels. Il s’agit de l’exercice de l’autorité. Mais peut-être, qu’en écoutant ces textes, vous avons retenu que la 1° lecture remontait les bretelles aux prêtres et que l’évangile agissait de la même manière vis à vis des pharisiens et vous vous êtes dit : je ne suis ni prêtre, ni pharisien, donc il n’y a rien pour moi ! Au-delà des prêtres et des pharisiens, je crois que Jésus a voulu s’adresser à tous ceux qui exercent une autorité. Et nous avons tous une parcelle, plus ou moins grande d’autorité à exercer dans nos vies. Autorité des parents sur leurs enfants, des profs sur leurs élèves, des chefs sur leurs employés, des élus sur leurs administrés, bref il y a tant de situations que, forcément, nous pouvons nous sentir concernés. Ces textes vont donc nous mettre en garde contre des pièges qui peuvent guetter tous ceux qui doivent exercer l’autorité. Vous voyez la Parole de Dieu n’est jamais loin de nos préoccupations et elle est là pour nous aider à réussir notre vie en nous accompagnant jusque dans tous les aspects de nos vies. Depuis que, en Jésus, Dieu s’est fait homme, c’est toute la vie des hommes qui passionne Dieu qui se met en quatre pour nous aider à réussir nos vies.

Le 1° piège, le 1° risque, il est bien mis en lumière dans la 1° lecture à travers ces paroles vigoureuses adressées aux prêtres. Nous sommes au retour de l’Exil, la grande déportation à Babylone qu’a vécue le peuple juif. Là-bas, comme il n’y avait pas de Temple, il avait fallu adapter la religion à la situation nouvelle. Et les prêtres avaient aidé à cette adaptation nécessaire. Ils avaient appris aux gens que dans la religion, il fallait en prendre et en laisser : prendre ce qu’il était encore possible de pratiquer et laisser sans scrupules ce qui n’était plus possible de pratiquer.

Oui, mais voilà, en retrouvant la Terre Promise, on a continué, toujours avec la bénédiction des prêtres, à en prendre et à en laisser, mais là, on ne prenait que ce qui nous arrangeait et on laissait ce qui nous dérangeait ! C’est cette attitude que dénonce le prophète Malachie. Et il fallait être courageux pour le faire car finalement, ça donnait une bonne cote de popularité aux prêtres qui étaient jugés comme des personnes « cools » : ils sont vraiment bien parce qu’ils n’exigent pas grand chose. Un peu comme des jeunes vont dire : ah le père de ma copine, il est vraiment cool, lui, il la laisse sortir aussi tard qu’elle veut ! Mais tous ceux qui exercent une autorité savent bien que ce genre d’attitude conduit à une impasse, un jour ou l’autre, on paie très cher le fait d’avoir recherché la popularité en voulant toujours passer pour quelqu’un de cool. Comment un entraineur sportif pourrait-il obtenir des résultats sans être exigeant ? Comment un chef de musique pourrait-il avoir une bonne formation sans être exigeant ? Voilà donc le 1° risque : chercher la popularité en renonçant à l’exigence.

Le 2° risque, c’est l’évangile qui le pointe en montant du doigt l’attitude des pharisiens. Eux, ils sont très exigeants, souvent trop même, parce qu’ils n’arrêtent pas de rajouter des prescriptions supplémentaires. Mais ce n’est pas d’abord ça que Jésus leur reproche, il leur reproche le fait d’être exigeants avec les autres sans avoir le même degré d’exigence vis à vis d’eux-mêmes : ils disent et ne font pas ! Or, nous le savons bien, en matière d’autorité, d’éducation, nous le savons bien, l’exemplarité est essentielle. Comment des parents pourraient-ils exiger de leurs enfants qu’ils ne disent pas de gros mots si, eux-mêmes, sont sans arrêt en train d’en dire ? C’est le drame de la politique où, tant de fois, les gouvernants appellent à des efforts auxquels ils ne participent pratiquement pas. En matière d’autorité, l’exemplarité est essentielle. Le pape Paul VI avait eu, en son temps, une belle formule pour le faire comprendre : « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maitres ou s’il écoute les maitres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins. » Si vous voulez que je le dise plus simplement : pas de baratin, des actes !

Seulement voilà, s’il n’y a que ceux qui sont exemplaires qui peuvent exercer des responsabilités, qui sont crédibles pour exercer l’autorité, ça va disqualifier pas mal de monde ! Vous et moi, nous risquons d’être hors-jeu car nous ne sommes pas toujours exemplaires. Du coup, nous n’osons pas toujours être exigeants comme il le faudrait de peur qu’on ne nous lance à la figure que c’est facile d’être exigeant pour les autres quand on ne l’est pas avec soi-même. Alors, comment s’en sortir ? C’est là que la fin de l’évangile est précieuse. Elle nous dit que même les meilleurs maîtres, même les meilleurs pères ont leur faiblesse. Il n’y en a qu’un qui soit parfait, c’est Dieu, le Père du ciel, c’est Jésus, notre maître. Comment exercent-ils l’autorité eux ? Eh bien, comme elle doit être exercée ! Autorité, c’est un mot qui vient du latin « augere » qui signifie « faire grandir ». Quand le Père du ciel nous impose quelque chose, même si c’est très exigeant, c’est jamais pour nous brimer encore moins pour nous punir, c’est toujours pour nous faire grandir. Ainsi donc, plus nous fréquenterons le Père du ciel, et plus ses manières de faire deviendront les nôtres. Ne dit-on pas : tel père, tel fils ? Alors si nous voulons exercer notre autorité comme Dieu, c’est à dire en cherchant toujours à faire grandir ceux qui nous sont confiés, il faut nous rapprocher de lui.

C’est pour cela qu’il est bien dommage que notre société fasse la chasse à tout ce qui pourrait nous rapprocher de Dieu. Il serait tellement beau notre monde si chacun renonçait à se servir des autres pour mieux se grandir et qu’il n’avait plus qu’une seule préoccupation, celle de Dieu : faire grandir tous ceux qui l’entourent, tous ceux qui lui sont confiés, se mettre au service de leur réussite, les guider sur le chemin du bonheur durable.

 

Père Roger Hébert

Maison Paroissiale