Homélie dimanche 02/07/2017: Un évangile sacrément gratiné!

Je ne sais pas comment vous mangez un gratin habituellement ? Le grillé en 1°, en dernier ou tout au long de la dégustation ? En tout cas l’évangile d’aujourd’hui est sacrément gratiné !

Vous risquez de ne plus recevoir d’homélies pendant quelques semaines, je vais être en vacances !

A bientôt quand même, bel été

Roger

Texte du jour : Mt 10, 37-42)

Dans un gratin, ce que je trouve le meilleur, c’est la partie grillée, la partie du dessus et je pense que beaucoup sont comme moi ! Alors une fois qu’on a dit ça, il y a 3 techniques possibles pour manger un gratin. Certains vont manger le grillé tout de suite, puisque c’est le meilleur, ils ne le laissent pas refroidir. D’autres vont le garder pour la fin, puisque c’est le meilleur, ils veulent que ce soit ce goût du grillé qui reste sur leurs papilles quand ils ont fini leur assiette. Enfin, il y a une 3° catégorie, ce sont ceux qui mangent le grillé au fur et à mesure, mélangeant pour chaque fourchette le contenu du plat avec le grillé. Comme ça ils espèrent que chaque fourchette sera relevée par la présence du meilleur ! Je vous avoue que je fais plutôt partie de cette 3° catégorie. Mais comment faites-vous, quand, dans votre assiette, il y a quelque chose que vous n’aimez pas, pour moi, ça serait de la courge ? Là encore, il y a 3 techniques différentes : le manger en 1° pour être débarrassé ou le manger en dernier pour ne pas polluer les papilles ou encore en prendre un peu avec chaque fourchette pour tenter de noyer le goût !

J’ai l’impression que l’évangile d’aujourd’hui fait vraiment partie des textes qu’on pourrait qualifier de gratinés ! Mais attention, pas gratiné parce qu’il serait le dessus si savoureux d’un très bon plat. Non, gratiné parce qu’il accumule un certain nombre de sentences qui nous bousculent tous, vous comme moi. Alors, comme on répartit un met que l’on n’aime pas bien avec d’autres aliments qui passent mieux, on se dit qu’il aurait peut-être mieux valu les insérer dans plusieurs textes pour que ces sentences soient plus digestes. Mais ça n’a pas été le choix de l’évangéliste Matthieu, il les a mises toutes ensemble nous interdisant de les mélanger à d’autres pour que le goût amer ne nous perturbe pas trop. Comme nous avons souvent tendance à édulcorer l’évangile, à l’adoucir pour qu’il soit plus comestible, là, l’évangéliste a servi ces sentences si particulières en un seul plat, pour que nous nous rappelions longtemps de leur goût si particulier ! Hélas le cadre si restreint d’une homélie ne me permettra pas d’expliquer chacune de ces sentences en prenant le temps qu’il faudrait pour bien la comprendre et l’actualiser.

Commençons par le commencement, par la sentence dont le goût est peut-être le plus amer ! « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. » Dans tout le chapitre 10 de l’évangile de Matthieu, Jésus parle pour ses disciples qu’il vient d’instituer et qu’il veut former. Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que datent les séminaires gouvernementaux, Jésus les avait déjà inventés ! C’est donc pour les disciples d’hier qu’il a prononcé ces paroles, du coup, c’est pour les disciples d’aujourd’hui qu’elles sont à méditer, c’est à dire pour vous comme pour moi. Ces paroles nous obligent à une sacrée révision de vie : quelle est la place que j’accorde au Seigneur dans ma vie ? Et il ne s’agit pas de faire de belles déclarations qui n’engagent à rien ! Non, il nous faut regarder comment nous passons nos journées, nos semaines. Quelle place, quel temps nous accordons au Seigneur ? La prière, la messe est-ce seulement quand je n’ai rien d’autre de plus urgent et de plus important à faire ? Comment est-ce que le Seigneur intervient dans mes choix : ce que je vais faire, ce que je vais dire, ce que je vais acheter, ce que je vais donner, qui je vais voir ….

Aux cardinaux réunis jeudi place St Pierre, le Pape disait : Aujourd’hui Jésus regarde chacun de nous dans les yeux et nous demande : « Qui suis-je pour toi ? » Comme pour dire : « Suis-je encore, moi, le Seigneur de ta vie, la direction de ton cœur, la raison de ton espérance, ta confiance indestructible ?  Je crois que nous pouvons entendre cette question du pape comme une question qui s’adresse à chacun de nous. Quand je m’interroge sur le déclin de nos communautés, parce qu’il faut bien appeler un chat un chat, je suis souvent interpelé par les Églises protestantes évangéliques. Ces Eglises, il faut le reconnaître, ont vraiment un grand succès un peu partout dans le monde, eh bien, je suis frappé de voir que les gens qui les fréquentent sont des gens qui, après une vraie conversion ou un vrai retour à Dieu ont choisi de le mettre à la 1° place. C’est sûr que chez eux, il n’est plus la 5° roue du char ! Et je crois que c’est ce qui explique leur succès : leurs membres s’engagent, donnent de leur temps, de leur argent, même quand ils n’en ont pas beaucoup, donnent de leur enthousiasme et n’ont pas peur de témoigner de leur foi, d’inviter leurs connaissances à venir partager un moment de foi. Demain, les seules communautés qui auront un avenir, y compris chez nous, seront les communautés composées de chrétiens ayant fait clairement le choix de mettre Jésus à la 1° place dans leur vie. Les autres chrétiens disparaitront, seront dissous dans la masse à force de devenir insignifiants.

Evidemment, mettre Jésus à la 1° place, pour vous comme pour moi, ce n’est pas simple en tout cas, ça exige des choix et des choix qu’on pourrait qualifier de crucifiants.  C’est vrai que ce n’est pas simple de refuser une invitation le dimanche par exemple en disant : on aimerait bien venir, mais si on vient, on ne pourra pas aller à la messe, or, pour nous, la messe c’est sacré ! Je prends cet exemple, mais il y en aurait tellement d’autres, comme décider de se lever 10 minutes plus tôt le matin pour avoir le temps de prier ou encore décider d’aller faire une visite à une personne qui en aurait tellement besoin plutôt que de passer du temps devant la télé ou sur internet. Je crois que c’est ce que veut dire Jésus en prononçant la sentence suivante : « celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. » Voilà, c’est clair, Jésus nous prévient qu’il y aura des choix crucifiants si nous voulons qu’il soit à la 1° place.

Vous allez me dire : heureusement, le texte se termine sur des sentences un peu moins amères : accueillir un prophète, un homme de Dieu, c’est quand même moins compliqué ! Oui, il faut voir quand même parce que le prophète, dans la Bible, c’est celui qui dérange, il vient parler au nom de Dieu, rappeler les exigences de la foi. Alors quand quelqu’un vous a bien secoué c’est pas si sûr que ça que vous ayez envie de l’accueillir ! Enfin dernière sentence : donner un verre d’eau à un petit, ça, ça nous semble à la portée de tous … oui sûrement, sauf que nous ne le faisons pas ! Nous passons à côté de tant de petits sans nous arrêter, sans poser sur eux un regard d’amitié, sans échanger quelques mots.

Voilà donc un plat bien amer qui nous est servi aujourd’hui ! Mais il ne faudrait pas oublier qu’une fois que l’amertume est dépassée, ces paroles ont des saveurs de bonheur. En effet, si Jésus nous demande tout cela, c’est bien parce qu’il sait que lorsque nous aurons fait ces choix souvent crucifiants, en le mettant à la 1° place, nous nous rapprocherons de lui. Or, il ne peut pas y avoir de plus grand bonheur que de vivre par lui, avec lui et en lui. Que cette Eucharistie nous aide à commencer à le mettre à la 1° place.

 

Père Roger Hébert