Méditation pour le premier dimanche de l’Avent
Par Francesco Follo
« L’attente chrétienne est une attente pleine de cette espérance sûre que l’Aimé nous aime toujours et d’un amour total », écrit Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, en méditant sur les lectures de dimanche prochain, 1er décembre 2019 (1er Dimanche de l’Avent[1] – Année A – Is 2,1-5; Ps 121; Rm 13,11-14; Mt 24, 37-44).
1) Attente comme attention et voyage du cœur.
Avec ce premier dimanche de l’Avent 2019 le nouveau voyage spirituel de l’année liturgique commence.
L’Avent est un moment de grâce particulière que le Seigneur nous donne chaque année pour nous mettre sur le chemin du Noël de Jésus, Rédempteur de l’homme. Comme tous les chemins, en particulier les chemins spirituels, ils ont un but, une fin à atteindre, non seulement dans l’espace et le temps matériels, mais aussi dans le cœur, l’esprit et l’âme.
Pour nous éduquer à accueillir la venue (l’avènement) du Christ, fin (un mot à comprendre non seulement comme un terme, mais aussi comme un but et un accomplissement) de notre vie comme une réponse à notre question de vie, à nos recherches, cette année aussi, l’Eglise célèbre l’Avent qui n’est une attente passive, mais vigilante.
Au fil des jours, apparemment toujours les mêmes, dans le non-sens de l’ennui et de l’habitude, l’amour de Dieu éclate, inattendu, parfois bouleversant, à première vue destructeur et en réalité cet amour fait débuter une vie renouvelée: mais il faut regarder, voir, être attentifs, ne pas prendre pour acquis le sens de la vie qui est souvent vécue comme une routine, une habitude ennuyée.
L’important est que notre demande de sens, notre recherche de Dieu se transforme en attente de Dieu, un Dieu qui doit toujours naitre, toujours sur son chemin et toujours étranger dans un monde et un cœur distrait. De la distraction, en effet, dérive le principal vice de notre époque: la superficialité. « Comme au temps de Noé, quand ils ne remarquaient rien; ils mangeaient et buvaient, prenaient femme ou mari et ne remarquaient rien. » Il est possible de vivre ainsi, en tant qu’utilisateurs de la vie et non en tant que vivant, sans rêves et sans mystère.
Il est possible de vivre « sans rien remarquer » de ceux qui nous rencontrons dans notre maison, de ceux qui nous parlent, des migrants ou des pauvres à la porte.
Sans voir la Terre, une maison commune pillé par nos modes de vie non durables. Nous pouvons vivre sans voir beaucoup de visages: visages de peuples en guerre; visages de femmes violées, achetées, vendues; des personnes âgées à la recherche d’une caresse et d’une considération; des travailleurs précaires, privés de leur avenir.
Dans divers livres médiévaux, ce dimanche, le premier de la nouvelle année liturgique, s’appelle dimanche « ad Te levavi » (vers Toi j’ai élevé mon âme, en Toi j’espère, que je ne sois pas confus, cf Ps 24, 1), dès les premiers mots de l’Introitus de la messe d’aujourd’hui. Et en ce dimanche, le pape célébrait la messe à Sainte Marie Majeure. De cette façon, il a mis sous la protection de la Vierge Marie l’avent. La célébration de la Messe du 1er dimanche d’Avent en cette très belle basilique qui honore le berceau de Bethléem, et qui est donc appelée dans des anciens documents « Sancta Maria ad Praesepe (Crèche) », affirme que l’Église recommence chaque année le cycle liturgique sous le regard de la Mère de Dieu. Il n’était pas possible de choisir un endroit plus opportun pour saluer l’approche de la Naissance divine, qui doit enfin réjouir le ciel et la terre et montrer le prodige sublime de la fécondité d’une Vierge. Allons spirituellement dans cet auguste temple et écoutons les lectures qui vous ont été lues aujourd’hui et dont je vous présente maintenant un bref commentaire.
2) Vigilance et discernement
Dans le Cantique de Frère Soleil et Sœur Lune[2] (qui est proposé parmi les divers hymnes de la Liturgie des Heures de l’Avent), Saint François d’Assise exprime poétiquement sa contemplation du monde et élève sa louange à Dieu en L’appelant : « Très-Haut, Bon, Seigneur, Sagesse et Amour ». Mais dans le livre de l’Apocalypse, il y a un nom que Dieu se donne et qui répond plus précisément à ce qu’est l’Avent: Dieu est « Celui qui est, qui était et qui vient ».
Il est très important de méditer sur l’aspect de Dieu « qui vient », parce qu’Il s’est communiqué à l’homme et qu’il continue à se transmettre à nous avec amour constant. Nous attendons l’avènement du Seigneur, et nous croyons peut-être que cela n’arrivera qu’à l’heure de notre mort, ou bien à la fin du monde. Or nous devons savoir que Dieu n’a pas d’après : il vient toujours : aujourd’hui, demain, et pour toujours dans l’éternité. C’est pourquoi notre âme doit vivre dans un état permanent de surprise par la rencontre avec le Seigneur.
La première chose qui s’impose à nous est donc une vive attention, une constante attente du Seigneur, une tension persévérante vers Lui, qui est la Vérité amoureuse de notre vie.
Et c’est pourquoi la liturgie « romaine » d’aujourd’hui nous invite à la vigilance, en proposant le passage de l’Evangile de Saint Matthieu où il est rappelé que la rencontre avec le Christ ne peut être programmée par nous : elle doit être attendue en laissant un espace aussi pour sa présence dans notre vie.
La vigilance chrétienne qui est faite avec les yeux ouverts et capables d’étonnement, permet de lire en profondeur les faits pour y découvrir par le discernement la « venue » du Seigneur.
Plus que de rentrer en soi-même, être vigilant consiste à sortir de soi pour rencontrer Dieu qui vient et se donne, oserais-je dire, qui s’abandonne à nous.
Le mot « vigilance » n’indique pas directement quelque chose à faire, mais une manière de vivre et de regarder. On ignore quand le maître reviendra, on ne peut donc programmer ni l’imminence de son retour, ni son retard, si bien qu’il est insensé de faire comme a fait le serviteur infidèle de la parabole d’aujourd’hui ; en effet, celui-ci – qui comptait sur le retard de la venue du Seigneur – commença à « frapper ses compagnons, à boire et à manger avec les ivrognes » (Mt 24,49). Dans ce récit, le manque de vigilance est indiqué sous deux formes: sous une forme dissolue, « faire bonne vie », et en se comportant en maître vis-à-vis des autres hommes. Si nous sommes repus de choses matérielles, nous fermons les yeux dans un état de somnolence qui nous fait perdre le rendez-vous avec Dieu. Si nous dominons les autres, nous devenons esclaves du pouvoir, et même si les yeux sont ouverts, le cœur est fermé. Par contre, si nous sommes sobres et veillons, les yeux sont ouverts, pleins d’étonnement, et neufs, et donc capables de voir le Christ, notre joie qui vient habiter notre cœur.
La joie de l’Avent est la joie de l’attente de la rencontre d’amour avec l’Amour, qui nous a enveloppés de Sa chaleur avant même que nous ne naissions et qui nous a mis au monde, à travers notre maman.
Nous ne sommes pas comme ceux qui sont sans espérance et laissent le temps s’envoler le soir d’un samedi plein de nostalgie, car il ne connaît pas de dimanche. Le chrétien sait que le Dimanche éternel est aux portes. Le chrétien en a le joyeux présage dans la certitude qui jaillit de la participation à la vie surnaturelle et passe par les sacrements, et dans la vie de communion au sein de l’Eglise.
Nous sommes dans la joie, parce que nous sommes sûrs que l’Aimé vient au rendez-vous, voire même qu’il nous précède. L’attente du Christ n’est pas comme l’attente incertaine de l’amant humain. Dans l’amour simplement humain, il y a l’inquiétude de l’attente, car il y a souvent l’angoisse que le bien aimé n’arrive pas, il y a l’inquiétude que l’aimé n’aime plus, qu’il s’est tourné ailleurs, attiré par quelqu’un d’autre.
L’attente chrétienne est une attente pleine de cette espérance sûre que l’Aimé nous aime toujours et d’un amour total.
3) Voir, marcher, illuminer
On attend le Seigneur à force de persévérance et témoignage, en ne rêvassant pas à l’approche du monde. En cela, les Vierges consacrées sont pour nous un exemple à suivre.
Il faut veiller, nous dit Jésus. Il peut arriver de dormir pour les choses de Dieu; les Vierges de la parabole, elles aussi, dormaient toutes et c’est pourquoi notre vie chrétienne est si pauvre, si démunie. Alors, même si Dieu vient, nous ne nous en apercevons pas. Une des choses les plus graves de la vie spirituelle est précisément ceci : être endormi. L’âme doit rester éveillée, attentive, vigilante dans la prière pour reconnaître que le Christ arrive parmi nous. Si nous ouvrons les yeux, purifiés du péché qui nous rend obtus, nous saurons reconnaître le visage bon et amoureux du Destin, même s’il fait encore nuit.
Le mot clef de tout l’Avent est la « vigilance » qui est, à mon avis, l’attitude fondamentale des personnes consacrées. Qui s’endort dans l’attente est fermé en lui-même, ne perçoit pas la réalité en dehors de lui, et même dans ses rêves, celui-ci est incapable de percevoir la réalité, mais uniquement les ombres réfléchies de son esprit. En revanche, si au cri de : « l’Epoux vient ! », elles se réveillent et perçoivent la réalité qui les entoure, elles s’ouvrent à elle, et quittent le bord du chemin, où elles s’étaient assoupies et se mettent en marche sur le Chemin. Et en cela les vierges consacrées sont pour nous un exemple.
Aujourd’hui nous sommes convaincus d’être très « éveillés », plus que ceux qui nous ont précédés dans les siècles car nous connaissons mieux le monde: notre œil rejoint des distances immenses, aussi bien spatiales que temporelles. Et nous sommes capables d’entrer à l’intérieur de la matière, jusqu’à sa dernière particule. L’horizon s’est considérablement élargi, de même que notre possibilité d’agir dans ce monde. Et malgré cela nous devons dire que notre monde, dans un sens plus profond, est endormi. Il est enfermé en lui-même, car il ne voit que ce qu’il peut faire et avoir, et s’arrête à la façade extérieure de la réalité, aux choses matérielles que nous pouvons saisir.
La consécration virginale, surtout, mais aussi celle du simple baptême rend capables de voir la transparence de la lumière divine dans la matière créée, en nous-mêmes.
Grâce à l’Avent, l’Eglise nous fait écouter la parole du Seigneur qui nous dit de nous réveiller, de sortir de cette prison du matériel, de l’éphémère, d’ouvrir les yeux de notre cœur et de commencer à voir la réalité plus grande, le sens de Dieu dans le monde, la présence de Dieu dans le Seigneur Jésus-Christ, dans sa Parole et dans ses sacrements.
Cette invitation conduit à avancer sur le chemin qui est le Christ, en ouvrant les yeux du cœur et en aidant nos amis et ennemis, nos contemporains, parce qu’ils peuvent recommencer à voir la vraie profondeur et grandeur de la réalité.
Voir, c’est aussi se mettre en marche et ainsi, en toute logique, du mot « vigilance » sort une autre parole typique du chemin de l’Avent : « aller à la rencontre du Seigneur », comme ont fait les Vierges de la parabole. La foi n’est pas l’adhésion à une masse d’idées, mais une aventure de la vie ; elle est un chemin vers le Seigneur. Ce chemin extérieur devrait être en même temps et surtout un chemin intérieur, qui permet de sortir de soi pour aller à la rencontre de Dieu, de la vraie réalité, de l’amour et du prochain.
Et voici une troisième action à accomplir pendant l’Avent: illuminer. La Parole de Dieu, appelée Lumière, nous invite à allumer les lampes de notre être pour arriver au Seigneur. Qu’est-ce que cela signifie ? Si nous regardons l’histoire de l’Eglise, celle des saints, nous voyons tant de saintes personnes, comme des « lampes » allumées, qui illuminent le monde, et nous voyons que celles-ci illuminent non seulement ce temps, mais qu’elle seront les décorations et les lumières à la fête éternelle de l’amour de Dieu.
Les vierges consacrées[3] sont vraiment des lampes allumées qui éclairent. Celles-ci montrent qu’il y a de la lumière, que l’homme n’est pas une créature ratée, mais peut ressembler à Dieu, s’il prend le chemin de l’amour, car Dieu est Amour. Et nous ressemblons à Dieu dans la mesure où nous parcourons le chemin de l’amour. Prions le Seigneur qu’Il nous illumine, qu’Il nous permette d’écouter et d’accomplir sa Parole. Ainsi nous serons toujours plus conscients d’être ses fils et ses filles et accomplirons ses œuvres, qui sont des œuvres de sagesse et de charité divine.
Cantique de Frère Soleil et Sœur Lune, de saint François d’Assise
“Très-Haut, tout-puissant et bon Seigneur, à vous appartiennent les louanges, la gloire et toute bénédiction ; on ne les doit qu’à vous, et nul homme n’est digne de vous nommer.
Loué soit Dieu, mon Seigneur, à cause de toutes les créatures, et singulièrement pour notre frère messire le soleil, qui nous donne le jour et la lumière ! Il est beau et rayonnant d’une grande splendeur, et il rend témoignage de vous, ô mon Dieu !
Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre sœur la lune et pour les étoiles ! Vous les avez formées dans les cieux, claires et belles.
Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour mon frère le vent, pour l’air et le nuage, et la sérénité et tous les temps, quels qu’ils soient ! Car c’est par eux que vous soutenez toutes les créatures.
Loué soit mon Seigneur pour notre sœur l’eau, qui est très utile, humble, précieuse et chaste !
Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre frère le feu ! Par lui vous illuminez la nuit. Il est beau et agréable à voir, indomptable et fort.
Loué soit mon Seigneur, pour notre mère la terre, qui nous soutient, nous nourrit et qui produit toutes sortes de fruits, les fleurs diaprées et les herbes !
Loué soyez-vous mon Seigneur, à cause de ceux qui pardonnent pour l’amour de vous, et qui soutiennent patiemment l’infirmité et la tribulation ! Heureux ceux qui persévéreront dans la paix ! Car c’est le Très-Haut qui les couronnera.
Soyez loué, mon Seigneur, à cause de notre sœur la mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper ! Malheur à celui qui meurt en état de péché ! Heureux ceux qui à l’heure de la mort se trouvent conformes à vos très saintes volontés ! Car la seconde mort ne pourra leur nuire.
Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâces, et servez-le avec une grande humilité. »
Traduction de A.F. Ozanam.
Le Verbe de Dieu viendra en nous
Discours 5 sur l’Avent, de Saint Bernard de Clairvaux, abbé
« Nous savons qu’il y a une triple venue du Seigneur. La troisième se situe entre les deux autres. Celles-ci, en effet, sont manifestes, celle-là non. Dans sa première venue, il a paru sur la terre et il a vécu avec les hommes, lorsque – comme lui-même en témoigne – « ils l’ont vu et l’ont pris en haine ». Mais lors de sa dernière venue, « toute chair verra le salut de notre Dieu » (Lc 3, 6), et « ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé ».
La venue intermédiaire, elle, est voilée : les élus seuls la voient au fond d’eux-mêmes, et leur âme est sauvée. Ainsi il est venu d’abord dans la chair et la faiblesse ; puis, dans l’entre-deux, il vient en esprit et en puissance; enfin il viendra dans la gloire et la majesté. Cette venue intermédiaire est vraiment comme la voie par laquelle on passe de la première à la dernière : dans la première, le Christ fut notre rédemption, dans la dernière, il apparaîtra comme notre vie, et entre-temps, il est notre repos et notre consolation.
Mais pour que personne ne risque de penser que ce que nous disons de cette venue intermédiaire est une invention de notre part, écoutez ce que dit le Seigneur lui-même : « Si quelqu’un m’aime, il gardera mes paroles et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui » (Jn 14,23). Ailleurs, j’ai lu en effet : « Qui craint Dieu fera le bien. » (Si 15,1) Mais je perçois qu’ici Jésus exprime quelque chose de plus en disant de celui qui l’aime : « II gardera mes paroles ». Mais où les gardera-t-il ? Dans son cœur, sans aucun doute. Comme le dit le prophète : « Dans mon cœur je conserve tes ordres pour ne point faillir envers toi » (Ps 119,11). Voici comment il te faut garder la parole de Dieu : « Heureux en effet ceux qui la gardent » (Lc 11.28).
Qu’on la fasse donc entrer dans ce qu’on peut appeler les entrailles de l’âme ; qu’elle passe dans les mouvements de ton cœur et dans ta conduite. Consomme ce qui est bien, et ton âme y trouvera avec joie de quoi s’y nourrir largement. N’oublie pas de manger ton pain pour ne pas laisser ton cœur se dessécher ; de bonne et grasse nourriture rassasie ton âme. Si, de la sorte, tu t’es mis à garder en toi la parole de Dieu, nul doute qu’elle ne te garde aussi.
Le Fils viendra à toi avec le Père ; il viendra, le grand prophète, qui rétablira Jérusalem ; c’est lui qui fait toutes choses nouvelles. Voici en effet ce qu’accomplira sa venue « alors, de même que nous sommes à l’image de l’homme pétri de terre, de même, nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co 15,49). Comme le vieil Adam s’est répandu à travers l’homme tout entier et y a pris place, de la même manière, il faut que le Christ occupe toute la place, lui qui a créé l’homme dans sa totalité, qui le rachète intégralement et le glorifie dans son entier.
Du « Commentaire sur les psaumes » de saint Augustin, évêque
(Ps 95, 14. 15; CCL 39, 1351-1353)
N’opposons pas de résistance à la première venue,
Pour ne pas devoir craindre la seconde
« Alors tressailliront les bois des forêts devant la face du Seigneur, parce qu’il vient, parce qu’il vient pour juger la terre » (Ps 95, 12-13). Il est venu une fois, et il doit revenir une seconde fois. Il est venu dans son Eglise, porté sur les nuées. Quelles sont les nuées qui l’ont porté? Les Apôtres qui l’ont annoncé, comme vous l’entendiez par la lecture de saint Paul: « Nous sommes les ambassadeurs du Christ», nous dit-il, « vous conjurant en son nom de nous réconcilier à Dieu».
Telles sont les nuées sur lesquelles est venu le Christ, mais il doit venir une seconde fois pour juger les vivants et les morts. Il est donc venu une première fois sur les nuées. C’est de ce premier avènement que Jésus a dit dans l’Evangile: « Désormais vous verrez le Fils de l’homme venant sur les nuées». Qu’est-ce à dire « désormais? » Le Seigneur ne viendra-t-il point lorsque toutes les tribus de la terre seront dans les pleurs? Il est venu dans ceux qui le prêchent, et il a rempli toute la terre.
Ne résistons pas au premier avènement, afin de ne point redouter le second. Vous avez encore entendu dans l’Evangile: « Malheur aux femmes enceintes ou nourrices; soyez sur vos gardes, parce que vous ne savez quand viendra cette heure». Tout cela est dit en figures. Quelles sont les femmes enceintes et les nourrices? Les femmes enceintes sont les âmes qui ont mis leur espérance dans cette vie; et celles qui ont déjà ce qu’elles espéraient sont désignées par les nourrices. Ainsi, tel homme veut acheter une maison de campagne; il ressemble à une femme enceinte; rien n’est fait encore, mais l’espérance est dans son sein; il l’achète, et le voilà qui a enfanté, qui allaite ce qu’il a acheté.
« Malheur aux femmes enceintes ou qui allaitent »: malheur à ceux qui mettent leur espérance dans cette vie, malheur à ceux qui s’attachent aux biens qu’ils ont acquis par leur espérance mondaine! Que doit donc faire un chrétien? User du monde, mais non servir le monde. Qu’est-ce à dire? C’est avoir comme s’il n’avait pas.
Voici ce que dit saint Paul, ses exhortations à celui qu’il ne veut point laisser surprendre, comme les femmes enceintes ou nourrices, pour ce jour redoutable: « Du reste, mes frères, le temps est court, aussi faut-il que ceux qui ont des femmes soient comme s’ils n’en avaient point; ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient point; ceux qui se réjouissent, comme s’ils ne se réjouissaient pas; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas; ceux qui usent des choses de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas. Car la figure du monde passe; et je veux que vous soyez sans inquiétude » (1Co 7,29-32). L’homme sans inquiétude attend avec calme l’avènement de son Seigneur. Car, est-ce bien aimer Dieu, que craindre qu’il vienne? N’est-ce point une honte pour nous, mes frères? Nous l’aimons et nous craignons qu’il ne vienne? En vérité, l’aimons-nous? Ne lui préférons-nous pas nos péchés? Haïssons donc le péché, aimons Celui qui viendra les punir. Il viendra, bon gré, mal gré. Qu’il ne soit point venu encore, ce n’est pas une raison pour qu’il ne vienne point. Il viendra, et à l’heure que tu ignores; et s’il te trouve prêt, cette ignorance ne te nuira point. « Alors tressailleront tous les arbres des forêts devant la face du Seigneur, parce qu’il est déjà venu ».
Et ensuite? « Parce qu’il vient pour juger la terre; tous les arbres des forêts seront dans l’allégresse ». Il est venu une fois, il viendra une seconde fois juger la terre, et il trouvera dans la joie ceux qui auront cru à soin premier avènement, « parce qu’il est venu ». « Car il viendra juger dans l’équité l’univers entier » (Ps 95, 13). Quelle équité, quelle vérité ? Il rassemblera ses élus pour juger avec lui, et séparera les autres. Il placera les uns à droite, les autres à gauche. Quoi de plus conforme à ta vérité, à la justice, que de réduire à n’attendre du souverain aucune miséricorde, ceux qui n’ont voulu faire aucune miséricorde avant son avènement? Mais ceux qui auront voulu faire miséricorde, seront jugés avec miséricorde. Il sera dit à ceux de droite: « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde » (Mt 25,34).
Et le Sauveur énumère les œuvres de miséricorde: « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire » (Mt 25, 35-40); et le reste. Que doit-il reprocher à ceux de gauche? De n’avoir point voulu faire miséricorde. Et où vont-ils? « Allez au feu éternel » (Mt 25, 41). Cette parole sévère produira un immense gémissement. Mais que nous dit un autre psaume? « La mémoire du juste ne périra point, et il ne craindra point la parole terrible » Ps111, 6-7). Quelle est cette parole terrible? « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges » (Mt 25, 41).
Or, celui qui se réjouira d’entendre la parole de bénédiction, n’aura pas à craindre la parole terrible. Comment se réjouiront-ils de la parole de bénédiction? « Venez, bénis de mon Père ». Quelle parole ne craindront-ils point? « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges ». Voilà la justice, voilà la vérité. « Il jugera l’univers entier dans la justice, et les peuples dans la vérité ». Parce que tu es injuste, le juge ne sera-t-il pas juste? Parce que tu es menteur, la vérité cessera-t-elle d’être vraie? Si tu veux obtenir miséricorde, sois miséricordieux avant son avènement; pardonne si l’on t’a offensé, donne de ton abondance. Et de qui viennent les dons, sinon de lui? Donner ton bien serait une largesse; donner du sien est une restitution.
« Qu’as-tu donc que tu n’aies pas reçu ? » (1 Cor 4,7). Ainsi voilà les hosties agréables à Dieu, la miséricorde, l’humilité, la confession, la paix, la charité. Voilà ce que nous apportons, afin d’attendre en sécurité l’avènement du souverain juge, « qui jugera l’univers entier dans l’équité, et les peuples dans sa vérité » (Ps 95,13). »
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[1] Avent signifie « venue, arrivée » et il est clair que l’arrivée, la venue, que nous attendons est celle du Seigneur Jésus. Comme je le disais précédemment, d’un point de vue liturgique, pour le rite romain l’Avent commence aujourd’hui, et pour le rite ambrosien il a commencé deux dimanches auparavant. Mais n’oublions pas que la toute la vie du chrétien doit être vécue dans la dimension d’attente et d’espérance que la période liturgique de l’avent nous fera vivre « pédagogiquement ». Un temps de conception de Dieu qui vient chaque jour. L’Avent est une période qui révèle notre vocation de pèlerins et d’amis du Seigneur, appelés à une communion d’amour avec Lui qui doit encore se réaliser totalement.
[2] Le cantique de Frère Soleil et Sœur Lune » également connu sous le nom de « Cantique des Créatures » est la première poésie écrite en italien. Son auteur est Saint François d’Assise qui l’a composée en 1226. Ce poème est une louange à Dieu, à la vie et à la nature qui est complète dans toute sa beauté.
[3] Lors de la remise du cierge allumé ou de la lampe à la nouvelle consacrée, l’Evêque lui dit : « Veillez, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure. Conservez avec soin la lumière de l’Evangile, et soyez toujours prêtes à aller à la rencontre de l’Epoux qui vient » (rituel de consécration N°24)
NOVEMBRE 29, 2019 16:33SPIRITUALITÉ, PRIÈRE