Homélie dimanche 10/05/2020: CINQUIEME DIMANCHE DE PAQUE A

Première Lecture : Ac 6, 1-7 ; Psaume : 32 (33) ; Deuxième Lecture : 1 P 2, 4-9 ; Évangile : Jn 14, 1-12

Sans que ce cinquième dimanche de Pâque ne porte, comme le quatrième, le nom de Bon Pasteur, les Lectures toutefois continuent de nous décrire les délicatesses de Jésus envers ses disciples en autant de prévenances qui pourraient nous amener à toujours voir en Lui les traits du Bon Pasteur. 

 

De fait, sentant venir l’heure de la séparation, Jésus entreprend d’y préparer les siens en élevant leur horizon au-delà du présent et de la terre. Jésus, le guide du troupeau, détient le secret du chemin et de la destination finale. Son troupeau n’est pas comme ceux de la terre, qui tournent en rond, c’est-à-dire, partent du bercail le matin, vont au pâturage dans la journée et reviennent le soir au bercail, dans un rythme régulier et monotone. Son troupeau, par contre, tout en étant sur la terre, est en marche vers la maison du Père dans un élan ascensionnel continu. Dans cette maison du Père, Jésus est le Fils Unique, l’Héritier, et il reçoit du Père la mission de faire entrer le troupeau dans sa maison. C’est pour cela que Jésus descend sur la terre pour mener son troupeau dans la céleste maison. 

 

Il va de soi que si je construis ma maison, j’en connais le chemin. D’ailleurs, tracer le chemin est la première œuvre que je réalise. Dans le cas présent, ce n’est pas le troupeau qui construit la maison, voilà pourquoi il ne la connaît pas, pas plus qu’il n’en connaît le chemin. Tout cela contribue à identifier Jésus comme le propriétaire de la maison. La maison est la sienne, c’est la maison de son Père. Elle est grande et spacieuse et Lui, le Fils, en dispose pour les siens.

Jésus qui connaît la maison en connaît aussi le chemin. Ce chemin, il ne se contente pas de nous l’indiquer, il nous y guide et, finalement, le chemin n’est pas autre chose que lui-même car, dit-il, nul ne vient au Père que par moi (Jn 14, 6). C’est donc Jésus le chemin. Il est le seul chemin, et il faut exclure ici le proverbe : tout chemin mène à Rome. Si ce proverbe doit être vrai dans l’absolu, il faut alors dire que la maison du Père n’est pas comme Rome, car c’est une maison où l’on n’accède que par un seul chemin, et ce chemin s’appelle Jésus-Christ. Tout autre chemin est fausse route. Jésus est le vrai chemin, voilà pourquoi il est la Vérité en personne, vrai chemin, chemin de vérité, vérité de chemin, Jésus est le Chemin et la Vérité. 

 

En revenant à la question de la maison, qu’est-ce qui fait que cette maison est la destination finale ? C’est que, en elle, toute la soif du troupeau est étanchée. Or, cette soif, c’est la vie éternelle. Justement dans cette maison, Jésus procure la vie à son troupeau. D’ailleurs qu’est-ce que mener un troupeau paître sinon lui garantir la vie la plus désirée, c’est-à-dire, la vie éternelle ? Pour son troupeau, Jésus assure cette vie par son Corps livré comme nourriture et son Sang versé comme boisson, sur le bois de la croix et dans les Sacrements de l’Église. Dans cette maison, la vie du troupeau, c’est la vie de Jésus donnée, et c’est Jésus même cette Vie. Jésus est Chemin, Vérité et Vie. 

 

Les choses étant ainsi, il demeure quelque chose qui ne se comprend pas : la réticence du troupeau à suivre un tel Pasteur. Cette réticence se manifeste dans les questions successives de Thomas et de Philippe, questions qui dénotent de l’hésitation et même de la difficulté à croire en Jésus. 

À la première édition de sa qualité d’incrédule, Thomas déclare : Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? Il n’y a peut-être pas beaucoup de mauvaise volonté dans la question, mais toujours est-il que nous n’y retrouvons pas cet ardent Thomas qui, quand Jésus veut aller en Judée où l’on cherche à le faire mourir, déclare : allons, nous aussi, pour mourir avec lui (Jn 11, 16). Nous voyons plutôt un Thomas qui ne vole pas très haut au-dessus de l’horizon humain, ce qui le dispose idéalement à la deuxième édition de son incrédulité devant le Ressuscité de Pâque (cf. Jn 20, 25). 

L’intervention de Philippe n’est guère plus glorieuse : Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. Ce n’est pas sûr que se déformerait la pensée de l’Apôtre si, en lisant entre les lignes, on lui faisait dire : “tu nous parles toujours de quelqu’un qu’on ne voit jamais. Montre-le-nous, et fin de discours !” N’y a-t-il pas là manifestation d’agacement ? 

 

Ma question est de savoir si Jésus, après toutes ses prévenances, mérite un tel traitement de la part des siens, à part celui qu’il reçoit par ailleurs des ennemis. Il faut se réjouir du fait qu’il puisse le supporter et surtout qu’en toute sérénité, il donne des réponses si édifiantes et d’une si grande profondeur christologique et trinitaire. À Thomas : je suis le chemin, la vérité et la vie. À Philippe : celui qui m’a vu a vu le Père… Je suis dans le Père et le Père est en moi.

 

Et maintenant, dites-moi si vous vous sentez meilleurs que Thomas et Philippe. Comme Thomas, avez-vous jamais rallié les autres à la cause du Christ pour dire : allons, nous aussi, pour mourir avec lui ? Comme Thomas, êtes-vous si anxieux de connaître le chemin qui mène à la maison du Père ? N’est-ce pas que vous connaissez mieux les chemins qui vous conduisent nuitamment chez vos vendeurs d’illusions ? Et comme Philippe, vous êtes-vous jamais constitués comme médiateurs entre Jésus et les païens (cf. Jn 12, 21-22) ? Autant que Philippe désirez-vous voir le visage du Père ?

 

Ce que je crains le plus, c’est que, un jour, Jésus ne me dise : il y a si longtemps que je suis avec toi, et tu ne me connais pas, Fidèle !

 

Oraison : Seigneur Jésus-Christ, Toi qui as dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », nous T’en prions : ne permets que nous nous écartions de Toi, qui es le Chemin ; ni que nous soyons sceptiques envers Tes promesses, Toi qui es la Vérité ; ni que notre repos ne soit ailleurs qu’en Toi, qui es la Vie. Car Tu nous as appris en Qui croire, que faire et où nous reposer. AMEN !

TEMOIGNAGE

 

« Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous…

Mais que ce soit avec douceur et respect… » » 1 P3,15

 

Dans cette période d’après Pâques, la liturgie nous fait lire, presque en continu, le livre des Actes des Apôtres où l’on découvre les apôtres sont en mission, la Parole a  proclamée, et  l’œuvre de l’Esprit qui fait que  « beaucoup de gens sont venus à la foi. »

Et dans les actes, il y a, entre autres, le très connu récit de « la conversion de St Paul », sur le chemin de Damas. Voilà un homme  énergique et vigoureux  qui , en quelques instants , va être transformé par la rencontre du ressuscité : » Je suis Jésus que tu persécutes…. » Ce zélé défenseur de la loi juive  devient un héraut de la Bonne Nouvelle du Ressuscité

 

Et j’avoue que  j’ai toujours été  interrogé par ce récit : On voit que Paul fait l’expérience spectaculaire , percutante d’une rencontre qui va littéralement le retourner…..

Et parfois , je le reconnais , j’ai été un peu jaloux de Saul , devenu Paul , comme de tous ceux qui ont eu des conversions aussi brutales et immédiates….

Car si je relis ma vie  , je constate que je n’ai jamais eu de révélations , je n’ai pas eu de visions , ou d’apparitions qui m’auraient fait ,d’un coup , toucher du doigt le Ressuscité , comme  Thomas ,lui , l’avait souhaité.
Je n’ai jamais eu de téléphone rouge , me reliant directement au ciel ,  pour m’éclairer ou me guider , pour me donner certitude et assurances ….

 

Non , depuis tout petit ,pour moi , cela  a plus été comme  un long travail de labour , à l’image de ce que je voyais chez mes oncles qui , avec leurs bœufs ou leur cheval  , creusaient un sillon dans la lourde terre de Bresse , pour que germe le grain et que la moisson soit belle.

Oui , la rencontre du ressuscité s’est faite progressivement  dans une famille nombreuse où la foi était vécue joyeusement et simplement. Et même lorsque nous avons connu des drames , j’ai compris , à travers le témoignage de mes proches  , que Dieu était un roc sur lequel s’appuyer  , parce qu’il « ne nous abandonne jamais. »

 

Même si j’ai longtemps été dans des écoles religieuses , et  des séminaires , mon désir de servir le Christ en étant prêtre , s’est affirmé lors de mon service militaire  où j’ai été confronté à des jeunes de mon âge  , souvent très loin de l’Eglise , de la foi ou du Christ. Et là , j’ai découvert que « vivre en frères «  avec eux  , c’était la plus belle parole qui pouvait être dite. Et l’Evangile est bien la révélation d’un Dieu qui en Jésus  se fait notre ami : » Je ne vous appelle plus serviteur , je vous appelle mes amis. »

 

Prêtre depuis 48 ans , j’ai été dans différentes paroisses , dans différents services , auprès des enfants , des jeunes , des adultes , des personnes  en situation de handicaps ; et je crois que  le Christ ressuscité m’a progressivement habité , comme une force  que je recevais  pour poser un regard d ‘espérance et de confiance sur tous ceux que la vie me faisait rencontrer.

 

Avec des blessés de la vie , des personnes en détresse ou en difficultés , j’apprenais l’accueil , l’écoute  ,la patience , le silence aussi , avec la certitude qu’ils ne sont pas « nuls » , inintéressants , mais qu’ils sont bien aussi aimés de Dieu et important à ses yeux.

Dans les rencontres ordinaires , habituelles ,j’apprenais à avoir un regard qui ne juge pas , avec la certitude qu’il y a dans le cœur de chacun une richesse que Dieu connait , et qu’il nous faut faire fleurir.

 

Je me rappelle la rencontre de  Pierre  , que je ne connaissais pas : Il  vient me voir pour demander le baptême . On prend un beau temps de dialogue et à un moment , je lui dis : «  Mais qu’est-ce qui fait que aujourd’hui tu demandes le baptême ? » Et il m’a fait cette réponse que je n’oublierai pas : » L’autre jour , je suis venu ici à des funérailles , et j’ai trouvé  (dans la célébration , et dans l’église)  qu’il y avait beaucoup d’amour …… »

Cette parole résume bien  tout ce qui fait et a fait ma vie de prêtre , témoigner d’un amour sans limites , parce que le Christ est vivant , et il veut la «  vie en abondance pour tous. »

 

Et je n’ai pas creusé ce sillon tout seul : j’ai été aidé , porté , soutenu , éclairé par tous ces croyants , enfants , jeunes ou adultes , qui m’ont appris , par leur présence , leur vie , leurs questions à être prêtre.
Oui , merci à tous ceux : il y a eu beaucoup de laïcs , il y a eu des prêtres , il y a eu aussi des non croyants , comme des croyants d’autres confessions ou religions –  qui m’ont appris  qu’être chrétien , c’est être profondément humain. Et contempler le Christ , c’est contempler  celui qui s’est fait profondément humain parce que pour Dieu : «  Tout être humain a plus de valeur que tout l’or du monde. »

 

Et quand le poids  des difficultés , quand la lassitude pouvaient , certains jours , donner envie de baisser les bras , j’ai toujours trouvé   ce Jésus Christ  vivant  qui  continue de  creuser le sillon dans la terre de ma vie et qui me redit : «  La où il y a de la haine , continue à  semer l’amour

                         là où il y a de la mort et du désespoir continue à  semer des graines de vie. »

 

Me voilà à 75 ans , une autre étape de ma vie …. et le confinement dû au Covid 19 m’a vite mis dans le bain  de ce que doit être une vie de retraité…..

Et le temps de recueillement et de prières que m’offre cette situation  m’amène à rendre grâces , plus que jamais  ,pour tous ceux qui  se mobilisent  pour vivre en actes «  que tout homme est un frère »

comme tous ceux qui inventent de nouvelles formes pour vivre leur foi autrement.

Daniel MARGUERAT , un exégète protestant , écrit : «  Jésus ressuscité , Dieu l’a relevé. Jésus ressuscité est un « ressuscitant » , un Christ qui nous relève .
Des épisodes de notre vie  ont des parfums de résurrection. Ce parfum est la trace du Dieu qui ressuscite et relève. »

 

Des parfums de Résurrection ? Je lisais ces témoignages d’enseignants dans des quartiers difficiles  qui ont tout faits pour que les enfants ne décrochent pas …. contactant des proches , des voisins , quand ils n’arrivaient pas à les joindre , ou parce qu’ils n’avaient pas d’ordinateurs…..toujours  inventifs  pour trouver des moyens de  les soutenir….

 

Un parfum de Résurrection ? Dans un EHPAD où habituellement je célèbre  (et où je ne peux plus aller pour l’instant) , deux personnes (90 et 92 ans)  continuent le vendredi a regrouper ceux et celles qui venaient à la messe : elles lisent les textes , prennent des chants (les deux personnes autrefois animaient les messes à la paroisse) , font une prière universelle…..La vie de l’Eglise continue….

 

En cette période , nous entendons beaucoup de commentaires , d’interventions pour lire les événements que nous vivons .
J’ai entendu Véronique MARGRON , une religieuse théologienne , nous inviter à être  des « réparateurs de brèches » 

 

Que l’on soit en pleine activité,

Que l’on soit en activité réduite, Je crois plus que jamais que Jésus-Christ ressuscité est avec nous. Il nous relève et nous invite à notre tour à ouvrir les « portes des tombeaux » de nos frères qui sont ensevelis sous les drames et les problèmes de la vie , de leur vie et du monde.

Nous témoignerons ainsi de « l’espérance qui est en nous, mais avec douceur et respect. »

 

  1. René CATHERIN

Lectures du 5ème dimanche de Pâques A : il doit être vie par Mgr Francesco Follo

La réalisation des désirs les plus profonds du cœur de l’homme

1) Que rien ne vous trouble [1]

Quatre semaines se sont écoulées depuis la célébration de Pâques. Une Pâques déclinée sur un ton résolument différent, par rapport aux années précédentes. C’est un temps – celui de la période pascale durant la pandémie du Covid-19 – où nous sommes appelés à vivre une opportunité dramatique mais précieuse pour réfléchir sérieusement au sens de la vie et au don de la foi, avec lesquels et pour lesquels chaque expérience reçoit un sens et une signification meilleure.

Durant la Semaine Sainte nous avons contemplé la charité pastorale du Christ, qui s’est manifestée durant la Cène par deux gestes qui expriment le sens de sa vie et de sa mort : le lavement des pieds – signe que l’on met sa vie au service des autres – et la bouchée qu’il donne à Judas, révélant un amour débordant.

Jésus se donne à qui le trahit et se livre à la Croix pour les hommes pécheurs, pour tous, pour chacun de nous. C’est en mourant sur la Croix qu’il nous ouvre le chemin vers notre Père, qu’il nous révèle sa gloire d’amour absolu, donné sans réserve, sans limites.

Le discours de Jésus, proposé dans la liturgie de ce dimanche (Jn 14,1-12) commence par une invitation à surmonter la peur : « Ne soyez donc pas bouleversés ». La peur qui s’est emparée du cœur des Apôtres, au Cénacle, est une peur profonde : celle de la souffrance, de la mort, de l’avenir.  Pour vaincre les nombreuses et profondes peurs qui nous assaillent, il n’y a qu’un seul moyen, suggéré par Jésus : avoir foi en Dieu et foi en Lui : Lui seul suffit, Dieu seul est la roche sur laquelle construire sa vie, Lui seul est un refuge sûr. Les autres sécurités déçoivent. L’amour de Dieu est fidèle et ne nous abandonne jamais : cette grande certitude réconforte le croyant.

A Pâques, celle-ci fera prise sur les Apôtres, y compris sur Saint Thomas, complètement.

Léonard da Vinci, dans son tableau illustrant la Cène du Seigneur, dépeint l’apôtre, disposé à ne croire que ce qu’il voit, le doigt en l’air pointé vers le ciel, car ce doigt a vraiment touché le ciel, il a touché l’amour concret de Dieu qui donne sa vie pour lui. En effet, dans l’Evangile de Jean, Thomas représente le passage de l’incrédulité à la foi comme expérience d’amour à laquelle croire et en laquelle avoir confiance.

Cet apôtre, encore aujourd’hui apeuré et troublé, demande au Messie : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ?  “Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. » (Jn 14. 5-7)

La réponse que Jésus donne à Thomas lui fera comprendre quel est ce chemin, mais pas tout de suite. Thomas ne comprend pas, il comprendra quand – en rencontrant Jésus Ressuscité – il mettra le doigt dans les trous des mains divines transpercées, et verra quel est ce chemin, quelle est la vérité, quelle est la vie et il l’indiquera aux autres, nous compris.

La réponse de Jésus à Thomas est avant tout « Je Suis », qui est le nom que Dieu donne en se révélant à Moïse. Dans l’Évangile de saint Jean c’est ainsi que Jésus parle de lui-même. Il dit « Je-Suis » de manière absolue et « Je suis » en spécifiant. Aujourd’hui il détermine les trois spécifications fondamentales « Le Chemin, la Vérité et la Vie », ailleurs il a dit Je-Suis le Pain, Je-Suis le pasteur, Je-Suis la porte.

 

2) Je-Suis le chemin, la route pour arriver à la maison, à Dieu, au cœur, aux autres

Dimanche dernier nous avons médité sur le Christ disant de lui : « JE SUIS la Porte ; JE SUIS le Pasteur », aujourd’hui Il dit de Lui : « JE SUIS le Chemin, la Vérité et la Vie ».

Tout d’abord le Chemin c’est Lui, Jésus Christ.

Qu’est-ce que le chemin ? Le chemin se réfère presque toujours à son chez soi, la maison : c’est là où tu es en train de partir de chez toi ou en train de revenir chez toi. Jésus est le chemin parce que le Fils, qui était aux côtés du Père, est venu vers nous puis est retourné au Père et nous a montré le chemin de notre maison, c’est-à-dire là où nous sommes chez nous.

Toute l’existence de Jésus sur terre est un cheminement pour retourner au Père, donc Il est le chemin et dans la tradition juive le chemin c’est la loi, qui donne le coup d’envoi à la vie, à la vie de Dieu. Jésus est la nouvelle loi, mais la loi du Fils n’est plus quelque chose ou quelqu’un qui lie, elle est la loi de la liberté : la liberté du Fils, qui est le chemin de vérité qui rend libres, une liberté qui sait donner librement la vie comme offrande de communion.

Seul le Christ est le chemin qui conduit à la réalisation des désirs les plus profonds du cœur de l’homme, et le Christ ne nous sauve pas en dépit de notre humanité, mais à travers elle, en tenant compte aussi de notre peur et de notre trouble. Et tout en reconnaissant que notre vie est un drame, il nous enseigne que celle-ci, la vie, est une lutte pour le bien, pour la vérité, non seulement connue par l’esprit mais rencontrée en Jésus Christ qui nous étreint dans les bras de sa Croix, nous nourrit avec l’Eucharistie, nous pardonne avec la Confession. Il ne dit pas à chacun de nous : « Efforce-toi de chercher le chemin qui conduit à la vérité et à la vie ; non, on ne te dit pas cela. Lève -toi, paresseux, le chemin en personne est venu te trouver. Il te réveille de ton sommeil, si toutefois tu étends sa voix quand il te dit ‘lève -toi et marche’ ! » (Saint Augustin d’Hippone). Il est le chemin de l’amour accompli, le chemin du lavement des pieds, le chemin de la bouchée donnée à Judas, le chemin du don, le chemin du pardon, l’unique chemin, celui de l’amour qui nous fait être avec Lui et comme Lui.

Puis Jésus dit : Je-Suis la vérité. Il est le chemin parce qu’Il est la vérité qui permet de vivre et rend libres. La vérité c’est que Dieu est Père et nous, nous sommes ses enfants dans le Fils. Jésus nous a révélé le Père comme amour et liberté, comme don absolu au Fils, voilà quelle est cette vérité.

Et notre vérité est la vérité même de Dieu qui est Père et m’aime infiniment jusqu’à donner son Fils pour moi. Cela nous fait comprendre notre dignité infinie, donc Jésus est la fois la vérité de Dieu et celle de l’homme, il nous révèle la grande dignité. Et comment nous l’a -t-il révélée cette dignité ? En faisant de Lui notre frère. Et c’est pourquoi il est la vie.

Demandons-nous enfin : « Qu’est-ce que la Vie ? » C’est l’amour entre le Père et le Fils, c’est la vie de Dieu. Demandons-nous aussi qu’est-ce que l’homme vivant ? C’est quelqu’un qui sait aimer et donner la vie. Et Jésus nous a donné la vie, la vie de Dieu, il nous a donné l’amour de Dieu comme notre vie.

Seulement après avoir rencontré le Christ ressuscité, les disciples ont compris qu’Il Est le chemin, que son amour offert est le chemin, que Son amour EST « la vérité incarnée » (Florenski), que Son amour EST la vie.

Mais pourquoi Jésus dit-il ces paroles durant la dernière Cène ? Pour faire comprendre aux disciples qu’ils ne doivent pas se laisser troubler par le fait qu’il s’en va et qu’il s’en va en mourant comme un infâme. C’est justement en s’en allant qu’il devient le chemin, la vérité et la vie, et donne un sens à tout notre cheminement, car nous marchons tous et nous nous en irons, mais notre départ, notre retour à la Maison sera sur le chemin de la vérité et de la vie.

La Vérité qui est en Jésus Christ nous unit à la vie d’Amour de Dieu, qui nous accueille avec le Père miséricordieux.

Un chemin pour suivre le Chemin nous est offert par les Vierges consacrées dans le monde. Ces femmes parcourent le chemin de la sainteté, en tenant leurs yeux fixés sur Jésus et se mettant au service de l’Eglise et du monde comme dans le modèle d’homélie proposé par le Pontificale Romano dans le titre de consécration des vierges. L’évêque exhorte « Rappelez-vous que vous êtes liées au service de l’Eglise et des frères : alors, en exerçant votre apostolat dans l’Eglise et dans le monde, dans l’ordre spirituel et matériel, que votre lumière resplendisse devant les hommes, pour la gloire de votre Père dans les cieux et la réalisation de son dessein de réunir en Jésus Christ toutes les choses » (RCV, n 29).

La consécration virginale développe chez ces femmes une attitude à suivre constamment le Christ, Pasteur et Epoux, et une attitude de confiance envers le monde, envers l’humanité, un style d’écoute par rapport à l’histoire et aux problématiques humaines, qu’elles associent, par habitudes de travail et de vie, à chaque homme et chaque femme, devenant pour eux une compagne de voyage, instrument de communion et témoin d’amour. Même quand, au cours de leur existence, elles traversent la souffrance, la maladie, l’inactivité, elles expérimentent et témoignent de leur union avec le Seigneur. Elles participent à l’œuvre créatrice de Dieu par le travail qui leur permet de pourvoir à leurs besoins et de s’ouvrir au partage des biens.

 

LECTURE THEOLOGIQUE : Extrait du « Commentaire sur Jean »

De saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Eglise (Ch. 14, lect. 2)

Le chemin pour arriver à la vraie vérité

Le chemin, c’est le Christ lui-même, et c’est pourquoi il dit : « Moi, je suis le chemin »Cela se comprend bien, puisque « par lui nous avons accès auprès du Père » Mais parce que ce chemin n’est pas éloigné du terme, parce qu’il y est joint, au contraire, Jésus ajoute La vérité et la vie ; et c’est ainsi que lui-même est à la fois le chemin et le terme. Le chemin en tant qu’homme Moi je suis le chemin ; en tant que Dieu, il ajoute :la vérité et la vie. Ces deux derniers mots désignent parfaitement le terme du chemin. Car le terme de ce chemin, c’est la fin que recherche le désir humain. Or, l’homme désire principalement deux choses : d’abord la connaissance de la vérité, ce qui lui est propre ; ensuite la continuation de son existence, ce qui est commun à tous les êtres. Or, le Christ est le chemin pour parvenir à la connaissance de la vérité, alors pourtant qu’il est lui-même la vérité : « Conduis-moi, Seigneur, dans ta vérité, et j’entrerai sur ton chemin. Et le Christ est le chemin pour parvenir à la vie, alors pourtant qu’il est lui-même la vie Tu m’as fait connaître les chemins de la vie.  C’est pourquoi il a désigné le terme de ce chemin par la vérité et la vie. L’une et l’autre, plus haut, ont été attribuées au Christ. D’abord, il est lui-même la vie : En lui était la vie ; ensuite, il est la vérité, puisqu’il était la lumière des hommes ; or la lumière, c’est la vérité. Si donc tu cherches par où passer, prends le Christ, puisque lui-même est le chemin : C’est le chemin, suivez-le. Et Augustin commente : « Marche en suivant l’homme et tu parviendras à Dieu ». Car il vaut mieux boiter sur le chemin que marcher à grands pas hors du chemin. Car celui qui boite sur le chemin, même s’il n’avance guère, se rapproche du terme ; mais celui qui marche hors du chemin, plus il court vaillamment, plus il s’éloigne du terme. Si tu cherches où aller, sois uni au Christ, parce qu’il est en personne la vérité à laquelle nous désirons parvenir C’est la vérité que ma bouche proclameSi tu cherches où demeurer, sois uni au Christ, parce qu’il est en personne la vie Celui qui me trouvera, trouvera la vie, et il obtiendra du Seigneur le salut. Sois donc uni au Christ, si tu veux être en sûreté : tu ne pourras pas t’égarer puisque lui-même est le chemin. C’est pourquoi ceux qui sont unis à lui ne marchent pas dans un pays sans routes, mais par un chemin droit. En outre, le Christ ne peut pas se tromper, parce qu’il est lui-même la vérité et enseigne toute vérité. Il dit en effet : Je suis né, je suis venu pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Enfin il ne peut être mis en échec, parce que c’est lui-même qui est la vie et qui donne la vie, ainsi qu’il le dit Moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance.

[1] Pensons et récitons souvent cette belle, et profonde prière de Sainte Thérèse de l’Avila: « Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante, Tout passe, Dieu ne change pas. La patience triomphe de tout. Celui qui possède Dieu ne manque de rien : Dieu seul suffit ! Que ton désir soit de voir Dieu, ta crainte, de le perdre, ta douleur, ne pas le posséder ; que ta joie puisse t’amener vers Lui et tu vivras dans une grande paix ».