Première lecture : Ac 4,32-35
Psaume responsorial : 118(117)
Deuxième lecture : 1 Jn 5,1-6
Evangile : Jn 20,19-31.
Lorsque vous entendez le collège des Douze, Pierre en tête, soutenir fermement et
courageusement devant tout le peuple que Jésus est mort et ressuscité, vous pouvez être sûr qu’il vient de loin, car il affirme comme témoin, ce qu’il n’avait jamais imaginé.
En effet, quand Jésus lui avait annoncé sa Résurrection, l’Evangile dit que les Douze ne comprenaient pas cette parole et ils craignaient de l’interroger (cf. Mc 9, 32). De fait, sur cette question, ils disciples n’ont pas pu basculer de l’ignorance totale à la claire certitude sans passer par le doute, et l’on relève que, même sur le point d’être enlevé au ciel (Mc 16, 19), Jésus se trouve encore à leur reprocher leur incrédulité
et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité (Mc 16, 14).
Si le doute représente une étape incontournable dans l’évolution des Douze, Thomas se donne seulement la malchance historique de formuler ce doute de façon personnelle et apparemment rationnelle ou rationaliste de tendance : si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas. Là, il faut reconnaître que le doute est exprimé sans l’ombre d’un doute et que cette formulation
porte sur une certitude irréfutable : Jésus a été crucifié et il est mort. Par contre, ce doute qui ne porte pas sur la mort affecte lourdement la Résurrection, et il importe que le Ressuscité en triomphe une bonne fois. Comment va-t-il s’y prendre ?
Pour dissiper le doute, Jésus s’attaquera à une des conséquences du doute telle que l’Evangile l’exprime : les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. De fait, quand tu doutes de toi, de l’autre et de Dieu, il ne te reste plus qu’à vivre entre les quatre murs construits par la peur. Ce sont des murs immatériels que ne peuvent démolir des mains humaines, si ce n’est la puissance du Ressuscité qui vient là et se tient au milieu d’eux. De fait, pour chasser cette peur, il lui suffit que le Christ fasse valoir son titre de naissance, l’Emmanuel, le Dieu avec nous, et le confirme par le charisme de sa victoire sur la mort. Or, la mort, c’est le mur de la vie, et Jésus renverse ce mur et celui de la peur par sa présence. Il le terrasse aussi par sa paix : la paix soit avec vous. En effet sa paix dissipe toute angoisse et rétablit l’équilibre dans toutes les relations de l’homme avec lui- même, avec l’autre et avec Dieu. La paix en question est le fruit de la Miséricorde du Ressuscité. Pour Jésus, c’est faire miséricorde que d’apparaître à cette bande de fuyards et de renieurs, en oubliant leur lâcheté et en partageant avec eux sa gloire de ressuscité. La Miséricorde en question est véhiculée par l’Esprit du Ressuscité : recevez l’Esprit Saint. Ils le reçoivent parce que celui qui le leur donne leur avait pardonné. Avant donc d’aller remettre leurs péchés aux autres, ils reçoivent d’abord la rémission de leurs propres péchés. C’est le pardonné qui pardonne. Pour dissiper le doute encore, le Christ n’apporte pas de preuves, mais il montre des signes.
Oh ! Ses signes ne datent pas du jour de sa Résurrection ! Pour l’annoncer le Père en avait donné. L’un d’eux, c’est celui que le Seigneur donne au roi Achaz, contre son gré : la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel… (Is 7, 14). Jésus lui-même est le Signe du Père, le Verbe immortel et invisible qui vient planter sa tente dans notre chair (Jn 1,14) et marcher sur nos chemins. Son signe aussi, c’est que les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les lépreux sont guéris et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres (cf. Is 61, 1 ; Lc 4,18- 19). Jean présente dans le quatrième Evangile sept signes de Jésus (cf. Jn 2 – 11).
En ce qui concerne la Résurrection, les signes sont là : l’annonce en avait été faite, le tombeau est vide, des Anges en témoignent (cf. Jn 20, 12-13). De plus, le corps ne peut pas être volé pour que le suaire qui avait recouvert sa tête soit roulé à part, dans un endroit (Jn 20, 7). Le plus grand signe : Jésus vint… il leur montra ses mains et son côté (Jn 20, 19-20). Mais Thomas, où es-tu ? Qu’es-tu allé chercher dehors ? Je suis sûr que tu n’es pas sorti parce que tu avais plus de courage que les autres. Tu as aussi la peur au ventre. Tu n’es pas sorti des quatre murs de la peur, tu les as transportés dehors avec toi, car non seulement tu es prisonnier du doute, mais maintenant tu rates l’occasion rêvé de le voir se dissiper. Mais ce n’est pas grave, tu pourrais bien te rattraper en adhérant au témoignage des dix autres. Mais leur témoignage ne te convainc même pas, tu demeures dans le doute. Pour en guérir le Seigneur te donne du temps : huit jours. Ah ! Le voilà, il fait s’écrouler les murs de ton doute et de ta peur. Il te montre les plaies de ses mains et de ses pieds. Il dévoile son côté transpercé par la lance du soldat. Je sais que tu n’oses pas les toucher, car tu ne doutes plus. Vraiment, le doute, c’est un mystère de la foi !
Heureux es-tu, Thomas, car toi aussi, tu crois sans avoir vu (Jn 20, 29). Oui, tu vois un corps, mais tu confesses un Dieu : Mon seigneur et mon Dieu (Jn 20, 28). En tout cela, Bienheureux Thomas, je me sens ton frère. Dans la foi. Oui, je crois. Plus encore ton frère dans le doute. Je doute, et je doute encore. Et pourtant il n’y a pas longtemps que tout semblait si clair pour moi, suite à une grande merveille que le Seigneur a faite pour moi. Mais aujourd’hui, je sombre encore dans le doute…
Et vous qui m’écoutez, que celui qui, dans le doute, ne se sent pas le frère de Thomas lui jette la première pierre !