32ème Dimanche Du Temps Ordinaire Année B / le 11 novembre 2018
Méditation / Textes : 1R 17, 10-16; Ps 17; Hb 9,24-28; Mc 12, 41- 44
Dans le défilé multicolore des donateurs qui se bousculent autour du tronc des offrandes, une figure se détache : celle d’une veuve. Pauvrement vêtue au milieu des apparats fastueux des opulents, elle avance timidement le front plissé par les nombreuses rides que les dures années de labeur y ont creusées. Et pourtant c’est sur ce visage brillant d’une douce lumière intérieure que se pose le regard du Christ, pour l’immortaliser. Bien des siècles avant elle, au temps de la famine, une autre veuve, celle de Sarepta avait aussi capturé le regard du prophète Elie (1R 17, 10-16) par son humble offrande : une galette faite avec la dernière poignée de farine qui lui restait.
Dans l’anonymat, sous le regard de Dieu
Ce que ces deux femmes ont en commun dans leur geste de générosité, c’est la discrétion, nous ne connaissons même pas leur nom. Il est probable qu’elles ne figurent pas parmi les bienfaiteurs du temple. Illuminées un instant par le regard attentif de l’homme de Dieu, elles retournent dans le silence de l’anonymat. Aux yeux des autres, leur geste est passé inaperçu tant il semblait insignifiant. Il n’avait rien de l’éclat ou du prestige dont les riches aiment entourer leur générosité. Peu importe pour elles qu’elles soient vues ou non, car leur don n’est pas un moyen de leur procurer un peu de gloire et d’honneur.
Et pourtant le geste d’offrande de ces deux veuves est de ceux qui construisent le Royaume, qui font progresser l’humanité dans sa marche vers le salut. Voilà pourquoi Jésus le propose en exemple. Il appelle ses disciples pour qu’ils observent le geste de cette femme. Pauvre d’argent, elle est riche d’humanité, de bonté. Nous avons beaucoup à apprendre des pauvres, car ce sont eux qui nous enseignent le véritable don. Saint Vincent de Paul ne disait-il pas : Heureusement qu’il y a les pauvres pour les pauvres ; eux seuls savent donner. “Donner à la mesure de son cœur”. Par leur geste, ces deux femmes nous apprennent que nul n’est trop pauvre pour donner ; que nul n’est insignifiant pour Dieu. Car aussi pauvre que l’on soit, chacun possède devant Dieu le plus précieux des trésors que lui-même nous a donné : un cœur. Et quand celui-ci devient la mesure de notre don, alors notre pauvreté se transforme en une richesse incommensurable. Ces deux piécettes de la veuve que les préposés au trésor ont peut-être eu honte de comptabiliser dans les caisses du temple sont inscrites en lettres de lumière sur un autre livre, un registre où la quantité n’est plus l’unique mesure et où sont appréciés les trésors que le monde ignore. Là elles rayonnent de la splendeur que confère au plus insignifiant des dons l’unique valeur qui transforme tout : le don de soi-même.
Comprenons-le bien : Jésus ne condamne pas ceux qui donnent leur fortune ; il ne jette pas le discrédit sur leurs grandes largesses comme si elles devaient être suspectes. Il fait tout simplement remarquer qu’en donnant ce qu’elle avait pour vivre (et non le superflu), par amour pour Dieu (et non pour se faire admirer), cette pauvre veuve a touché le cœur de Dieu.
Pour connaître la valeur du don, disait un auteur, on ne devrait pas regarder la quantité donnée mais plutôt ce qui nous reste ; de même pour apprécier une offrande, il faut en examiner les motivations, car :
On peut donner à celui qui réclame, On peut aussi donner à celui qui ne réclame pas.
On peut donner en espérant recevoir. On peut aussi donner sans rien espérer en retour.
On peut donner ce qui nous gêne. On peut aussi donner ce qui nous est utile.
On peut donner ce qui humilie l’autre. On peut aussi donner ce qui l’élève.
On peut donner pour être vu. On peut aussi donner sans être vu.
On peut donner pour s’imposer. On peut aussi donner pour servir.
On peut donner par orgueil, par habitude, par lâcheté. On peut aussi donner par amour.
On peut donner pour le plaisir de donner. On peut aussi tout donner comme les veuves des textes d’aujourd’hui.
Que le message des textes de ce 32ème dimanche nous inspire toujours de savoir se donner soi-même à l’exemple du Christ, comme nous l’a rappelé la Lettre aux Hébreux. AMEN