Homélie dimanche 17/09/17: Le Seigneur, est plus fort que ce qui est plus fort que toi!

Avant de débrancher l’ordinateur pour le mettre dans la valise, je vous envoie l’homélie de ce dimanche … et demain matin, je m’envole pour le Burundi via le Rwanda (une nuit) pour un mois. Je ne pas pas seul puisque j’emmène avec moi la relique du coeur du curé d’Ars … une aventure ! Espérons que les douaniers ne feront pas trop de zèle même si j’ai toutes les autorisations nécessaires !

Je confie cette mission à votre prière !

J’essaierai d’envoyer quelques nouvelles par mail de ce que je vis là-bas.

Après l’homélie, vous trouverez l’édito que j’ai écrit pour notre journal paroissial expliquant ma mission là-bas.

Homélie

Vous avez peut-être déjà entendu ces enfants gâtés dire à leurs parents qui leur demandent un service : ok je veux bien passer l’aspirateur, mais tu me donnes 2 € ! Et vous avez peut-être aussi entendu la réponse astucieuse que font certains parents : je vais te donner les deux euros, c’est d’accord, mais, toi aussi, tu nous donneras 2 € à chaque fois que nous te rendrons un service et nous allons te faire tout de suite la facture de cette journée : nous t’avons réveillé ce matin pour que tu ne sois pas en retard 2 €, ton petit déjeuner a été préparé 2 €, les affaires que tu mets pour aller à l’école étaient lavées et repassées 2 €, le repas de midi et aussi celui du soir ont été préparés 4 €, la plus grande partie du ménage de la maison était faite quand je t’ai demandé de passer l’aspirateur 2 €, nous allons au travail pour que la famille ne manque de rien, 2 € pour chacun. Si je ne me trompe pas le total est de 16 € et ça sera ainsi chaque jour ! C’est une très bonne méthode pour faire comprendre aux enfants que lorsqu’on se met à compter, on est rarement gagnant !

Eh bien, je crois que c’est cette leçon que Jésus veut donner à Pierre dans l’évangile que nous venons d’entendre. Pierre demande à Jésus : combien de fois doit-on pardonner ? Et comme, c’est un bon gars, il propose un chiffre : 7. Je dis que c’est un bon gars car les maîtres de l’époque disaient qu’il faudrait pardonner au moins 3 fois, par jour bien entendu ! Pierre qui est un bon gars fait plus que doubler quand il propose de pardonner jusqu’à 7 fois. Il s’attendait sûrement à ce que Jésus le félicite puisqu’il proposait une solution très généreuse. Mais pas de félicitations, Jésus lui fait une réponse désarmante en proposant 70 fois 7 fois et, surtout, il raconte une histoire qui, finalement ressemble en bien des points à celle que je viens de raconter à propos des deux euros contre un service.

 A travers cette histoire, Jésus explique à Pierre que, s’il veut se mettre à compter, il sera forcément perdant car si Dieu se mettait aussi à compter, ça ne serait pas très bon pour nous. Allez, je m’arrête quelques secondes pour que chacun de nous se mette à compter combien de fois le Seigneur lui a manifesté sa miséricorde depuis son réveil, surtout n’oubliez rien ! Je vous aide pour commencer : le réveil a sonné, vous avez ralé, vous vous êtes levé sans faire un signe de croix pour saluer le Seigneur en 1°, après votre petit déjeuner et votre toilette, vous n’avez pas pris le temps nécessaire pour prier, vous avez pensé du mal de vos voisins qui ont fait du bruit cette nuit … allez j’arrête, mais vous, vous continuez à repasser votre journée jusqu’à maintenant !  …. Silence ….

Vous voyez, dès qu’on se met à compter, on est sûr d’être perdant ! Mais je crois qu’il y a plus grave que le fait d’être perdant. Compter c’est ne plus vivre dans l’amour d’ailleurs la sagesse populaire le sait bien, elle qui ne cesse de répéter : quand on aime, on ne compte pas ! Vous imaginez un seul instant une maman dire à son petit qui lui tend ses joues potelées pour recevoir des bisous : stop, je t’ai déjà donné ton compte de bisous pour aujourd’hui, si tu en veux d’autres, tu attendras demain ou alors je te les fais tout de suite, mais demain tu n’en auras pas !Parce qu’elle l’aime, la maman craque et le couvre de bisous même si quelques minutes auparavant, il y a eu un incident qui lui a fait hausser la voix et froncer le sourcils !

 L’évangile d’aujourd’hui, on peut donc le résumer assez facilement en mettant sur les lèvres de Jésus cette maxime de la sagesse populaire que je rappelais à Pierre qui lui demande : combien de fois faut-il pardonner si on veut être un bon croyant, Jésus répond : Pierre, quand on aime, on ne compte pas, si tu te mets à compter, tu sors du registre de l’amour et tu finirais par être largement perdant si Dieu agissais avec toi, comme toi, tu veux agir avec les autres !

C’est vrai la leçon est simple … mais elle peut nous rester en travers de la gorge et plonger dans une profonde culpabilité ceux qui ont vécu quelque chose de grave et qui se rendent compte qu’ils n’ont pas pardonné. En plus de la blessure et du poids de ses lourdes conséquences qu’ils doivent porter, voilà qu’ils entendent Jésus qui leur dit : tu ne peux pas être un bon croyant puisque tu ne pardonnes pas ! Essayons d’y voir plus clair parce que je suis sûr que ce n’est pas ce que Jésus leur dit.

Je l’ai déjà évoqué une fois ou l’autre mais il est bon de le rappeler, il y a une grande différence entre ne pas POUVOIR pardonner et ne pas VOULOIR pardonner. Certains qui ont été profondément blessés sentent bien qu’il faudrait avancer et que le pardon serait libérateur. Mais, pour des tas de raisons, ce n’est pas possible. De fait, il faut souvent du temps pour gérer ce genre de situation et ce qui n’est pas possible aujourd’hui, le sera peut-être plus tard. Là encore, la sagesse populaire qui demande de laisser du temps au temps a souvent raison. Mais attention, le temps, en lui-même n’arrange rien. Nous en faisons tous l’expérience, le temps, il fait vieillir les hommes, pourrir les fruits ! Ce qui compte, c’est ce que nous allons faire du temps. Certains vont se faire aider dans un accompagnement spirituel pour ne pas s’enfermer dans une rancune mortifère. D’autres vont demander un accompagnement psychologique – et les deux peuvent très bien se compléter – pour comprendre ce qui s’est passé, pour en gérer plus sereinement les répercussions. Bref, laisser du temps au temps ne suffit pas, il faut s’en occuper. Et puis n’oublions jamais que le pardon ne pourra vraiment être donné que lorsque l’offenseur demandera pardon à l’offensé. En attendant, l’offensé peut toujours décider de ne plus se laisser envahir par la rancune qui pourrit sa vie.

En effet, dans toutes ces histoires de pardon difficile à donner, le plus important, c’est que nous soyons habités par une conviction. Cette conviction, je la formule ainsi : tant que le pardon ne sera pas donné ou au moins tant que la rancune ne sera pas évacuée, nous ne pourrons pas vivre en paix. En effet, cette histoire sera toujours, au minimum comme un grain de sable qui viendra perturber notre vie, mais plus souvent elle sera une pierre, un rocher, en travers de notre chemin nous bloquant, nous empêchant d’avancer. C’est pourquoi il nous est bon d’entendre ce que disait la 1° lecture particulièrement dans le dernier verset : « pense à l’Alliance du Très-Haut et sois indulgent pour qui ne sait pas. » Je lisais un commentaire qui proposait une autre traduction pour ce verset qui devient alors lumineux : « Souviens-toi de l’Alliance du Très-Haut et passe par-dessus l’offense. » Passe par-dessus l’offense. Oui, tu ne pourras jamais oublier, mais pardonner ce n’est pas oublier. Pourtant si tu veux avancer, il faut que tu puisses passer par-dessus l’obstacle qui te barre la route. Cette offense qui t’a blessé et qui te blesse encore, passe par-dessus.

Alors, bien sûr, on va dire : mais Seigneur je n’ai pas la force de passer par-dessus, l’offense a été trop grande, du coup, c’est plus fort que moi, je reviens toujours à des pensées qui me plongent dans la rancune. Ecoutons, alors, le Seigneur nous dire : tu n’en as pas la force, mais est-ce que tu m’as demandé de te la donner cette force de passer par-dessus ? Tu dis que la rancune, c’est plus fort que toi, est-ce que tu crois que moi, le Seigneur, je suis plus fort que ce qui est plus fort que toi ?

Edito Journal paroissial

Départ imminent pour le Burundi … avec le curé d’Ars !

 A l’heure où tout le monde a défait ses valises et préparé cartable et affaires de rentrée, moi, je suis en train de boucler ma valise pour m’envoler vers le Burundi. Rassurez-vous, je n’ai pas décidé de prolonger les vacances en m’offrant un voyage exotique !

Je pars pour un mois de mission dans ce petit pays d’Afrique centrale, juste au Sud du Rwanda. C’est vrai qu’il y aurait bien assez de travail, ici, dans notre pays bellegardien. Alors pourquoi partir ?

C’est la 2° fois,  que je réponds à l’appel de l’archevêque de Bujumbura (capitale) qui me demande de venir prêcher des retraites pour les prêtres. Les liens se sont faits par un prêtre burundais avec qui j’ai vécu un pèlerinage en Terre Sainte.

Il est bon de savoir que le Burundi est un pays qui connaît une situation politique dramatique –hélas, il n’est pas le seul pays d’Afrique à vivre ce genre de situation. Le président s’est représenté pour un 3° mandat alors que la constitution ne lui en donnait pas le droit. Il a donc eu une grande partie de la population contre lui. Pour s’en sortir, il a réveillé la rivalité ethnique Hutus contre Tutsis. Ces noms résonnent tristement à nos oreilles évoquant plutôt le dramatique génocide du Rwanda. Le Burundi, après de nombreux conflits sanglants, avait réussi à installer la paix entre ces ethnies jusqu’à ce que l’antagonisme ne soit réactivé pour mettre en œuvre l’adage bien connu : diviser pour mieux régner. Le pays s’est retrouvé à nouveau à feu et à sang avec une quantité d’opposants, surtout parmi les jeunes qui ont été emprisonnés ou tout simplement éliminés sans procès. Il n’est pas difficile d’imaginer que, dans ce contexte, le moral n’est pas au beau fixe dans la population et dans le clergé.

Or le clergé joue un rôle essentiel dans ce pays à grande majorité catholique. Tout le monde compte sur les prêtres pour soutenir les personnes maltraitées, les familles décimées, aider à discerner les actions justes à mettre en place et transmettre une information impartiale. Mais le clergé est usé par ces luttes fratricides dont ils sont parfois, eux aussi, victimes et peut-être même acteurs.

C’est pour redonner une colonne vertébrale spirituelle et un élan nouveau aux prêtres de ce pays qu’il m’a été demandé de venir prêcher des retraites. Evidemment, je suis bien conscient que la tâche me dépasse complètement c’est pour cela que j’ai proposé à l’archevêque de ne pas venir seul. J’irai là-bas avec la relique du cœur du saint curé d’Ars. Puisqu’il est le patron des curés de l’univers, par sa présence, il saura faire ce que je ne peux faire en raison de mes limites : regonfler cette centaine de prêtres (et plus) que je vais rencontrer pour qu’ils ne se dégonflent pas devant les difficultés.

Père Roger Hébert