Homélie dimanche 18:04: La résurrection du Christ sur fond du péché de l’homme.

TROISIEME DIMANCHE DE PAQUE B.
L1 : Ac 3,13-10 ; Ps (4) ; L2 : 1 Jn 2,1-5 ; Evangile : Lc 24,35-48.

La résurrection du Christ sur fond du péché de l’homme.

Tout se passe, à mon sens, comme si les trois lectures de ce jour s’étaient entendues pour présenter la Résurrection du Christ sur fond du péché de l’homme.

La première lecture dénonce ce qu’on peut appeler le péché le plus ignoble de l’histoire : livrer le Serviteur de Dieu, Jésus, le rejeter et le crucifier. L’Apôtre Pierre attribue le fait non pas à un peuple, mais à ses responsables du moment. Pour la dénonciation, Pierre n’épouse pas le ton de l’accusation, puisqu’aux uns et aux autres, il trouve des circonstances atténuantes : aux chefs du peuple, l’ignorance ; à Pilate, la bonne volonté de relâcher Jésus. Il révèle à tous une chance : la rémission des péchés au nom de Jésus, par la conversion.

C’est dans le sens de la conversion que s’oriente Jean dans la deuxième lecture quand il souhaite que les siens évitent le péché. Il ne faudrait peut-être pas entendre péché ici au sens moraliste du terme, mais au sens biblique où il signifie manquer un objectif ou une cible ou, en d’autres termes, manquer la vie dans son projet. Quelque allure que prenne le péché, il perd désormais son caractère fatal, car Jésus se présente comme un victorieux paraclet. Curieusement, ici, Jean prête à Jésus le titre
que Jésus même donne ailleurs à l’Esprit Saint comme son lieutenant après son départ, donc le défenseur et le consolateur des disciples (cf. Jn 14,16-18). Il ne s’agit pas de confusion dans le principe d’identité, mais d’interchangeabilité dans les rôles : Jésus, comme l’Esprit, peut corriger une déviation, et appeler à la conversion pour le pardon des péchés.

Cette chance du pardon donnée à toutes les nations constitue le contenu de la proclamation de l’Eglise, basée sur la Mort et la Résurrection du Christ, et c’est justement cette Résurrection qui est massivement affirmée comme un fait indéniable dans l’Evangile de ce jour. Celui-ci est au carrefour d’une série d’apparitions du Ressuscité : deux des disciples se rendant à Emmaüs ont eu à faire route avec un compagnon étrange jailli de nulle part, qui leur a réchauffé le cœur en leur expliquant les Ecritures et qu’ils ont, à la fracture du pain et avant sa disparition, identifié comme Jésus ressuscité ; animés de cette découverte, ils se replient sur Jérusalem pour en porter l’annonce aux autres disciples qui, à leur tour, avaient leur histoire à raconter : Jésus ressuscité était apparu à Simon ; les deux voyageurs d’Emmaüs parlaient encore, Jésus lui-même était là au milieu d’eux… Dans ce vingt-quatrième chapitre de l’Evangile selon saint Luc, c’est le cas de parler de convergence de témoignages sur le même sujet : la Résurrection du Christ, telle que la certitude en est parvenue aux uns en cours de route puis en salle d’auberge, et aux autres en confinement à Jérusalem.

Mais à quoi rime cette vérité de la Résurrection du Christ par rapport à la révélation du péché relevée plus haut dans les lectures de ce jour ?
Si les péchés ne sont pas remis, les hommes ne sont pas sauvés et si Christ n’est pas ressuscité, les péchés ne sont pas remis. Tout cela se comprend quand on sait que c’est par le péché que la mort est entrée dans le monde (Rm 5,12). Si, par sa Résurrection, Christ triomphe de la mort, il détruit ipso facto le règne du péché. Il n’est donc pas étonnant que la proclamation de la Résurrection soit aussi la proclamation de la rémission des péchés. C’est dans cette logique que, dans la première lecture, Pierre appelle Jésus le chef des vivants et l’indique comme celui vers qui il faut se tourner pour avoir le pardon des péchés. Et si Jean, dans la deuxième lecture, le présente dans son charisme de paraclet, c’est aussi par rapport à sa Mort faite pour expier le péché du monde et aussi à sa Résurrection d’entre les morts.

Les faits de la Mort et de la Résurrection du Christ renvoient à des événements définitifs et permanents. En effet, en ressuscitant des morts, Jésus acquiert une vie sur laquelle la mort n’a plus de pouvoir, c’est-à-dire une vie indestructible. Et même les événements de sa Passion représentent quelque chose de permanent. C’est ce que nous laisse entendre le fait que Jésus ressuscité, guéri de la mort, le mal absolu, voie subsister ses blessures contingentes. C’est pour nous dire qu’il nous sauve en permanence par sa Passion éternelle et que les effets de celle-ci restent disponibles pour tout homme et en tout temps.

Et maintenant, pour être réalistes, osons constater que le péché fait son cours dans le monde de façon imperturbable et se donne d’autant plus d’impact que les hommes deviennent de plus en plus nombreux sur la planète bleue, comme disent les anciens : ubi multitudo ibi peccati, plus on est nombreux, plus se multiplient les péchés. Et tout cela se vérifie sous formes de ratés, de déficiences, d’offenses au niveau et à l’égard des personnes individuelles, des familles, des nations, des institutions et de l’histoire. On constate d’ailleurs que les médias se complaisent de façon presque morbide à
rapporter les images et les crimes les plus scabreux perpétrés par les hommes, au point qu’on en arrive à se poser des questions : la haine ne l’emportera-t-elle pas sur l’amour, les ténèbres sur la lumière et le mensonge sur la vérité ?

Si vous traitez ces questions en vous fondant sur la foi en la Résurrection du Christ, alors vous verrez que la vie l’emportera sur la mort, que Christ vérité l’emportera sur le mensonge, que Christ Lumière l’emportera sur les ténèbres, que Christ Amour du Père l’emportera sur la haine. Alors qu’attendons-nous pour être plus optimistes que les païens, plus rassurés que les philosophes et plus sereins que les prophètes de malheur ?