Homélie dimanche 18/12: Devenons des justes à la suite de Joseph !

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler du père Caffarel. Cet homme aura presque traversé la totalité du 20° siècle ! Il est né à Lyon, mais vivra l’essentiel de sa vie à Paris et dans la religion parisienne. Il est surtout connu car c’est lui qui a fondé les Equipes Notre Dame, les END, comme on dit habituellement. C’est un très beau mouvement de spiritualité conjugale. J’accompagne des équipes depuis 25 ans environ et j’aimerais tellement qu’il puisse y en avoir une qui démarre sur nos paroisses. Je vous parle de lui, aujourd’hui, parce qu’il a eu une manière très originale et tellement juste de lire l’évangile que nous venons d’entendre.

 Le père Caffarel était choqué quand il lisait : « Parce que Joseph était un homme juste, il ne voulut pas dénoncer Marie publiquement, il décida donc de la renvoyer en secret. » Et il était encore plus choqué quand il entendait les commentaires qui étaient faits sur ce verset de l’Évangile. C’est vrai qu’à cette époque, une femme qui se retrouvait enceinte, sans être mariée devait être lapidée. Hélas, ça continue aujourd’hui encore dans un certain nombre de lieux, particulièrement là où un Islam intransigeant est au pouvoir. Habituellement, en commentant ce verset de l’évangile, on souligne donc que Joseph, connaissant bien ces coutumes barbares, avait résolu de renvoyer Marie secrètement pour qu’elle ne finisse pas lapidée. Cette explication ne convenait pas du tout au père Caffarel. En effet, lui qui a œuvré toute sa vie pour que les couples vivent un amour conjugal de grande qualité, n’arrivait pas à accepter le fait que Joseph ait pu avoir l’idée de renvoyer Marie. Le père Caffarel estimait, à juste titre, que s’il avait voulu protéger Marie, il ne devait pas la renvoyer parce que partout où elle irait, le risque serait le même. Alors, comment comprendre que Joseph, qui était un homme juste, ait pu décider de renvoyer Marie tout en connaissant les risques de ce renvoi ?

C’est là que le père Caffarel, éclairé par le Saint Esprit, a eu une lecture lumineuse de ces versets. Il explique que Joseph a tout de suite compris que Marie ne l’avait pas trompé, pas un seul instant, il n’a imaginé ce scénario. Donc Joseph a eu l’intuition qu’il se passait quelque chose entre Marie et Dieu, que Dieu avait choisi Marie. Du coup, Joseph décide de se retirer de cette histoire, il ne veut pas être une entrave dans ce que Dieu a décidé pour Marie. C’est pourquoi, il décide de redonner à Marie sa liberté, de la délier de la promesse de mariage pour que, lui, il ne devienne pas, par sa présence, un obstacle au projet de Dieu sur Marie. Vous voyez comme elle est belle cette interprétation et, finalement, on n’est pas étonné qu’elle vienne de ce prêtre qui avait une connaissance si fine de la spiritualité conjugale. Le père Caffarel explique donc que, si on donne à Joseph le titre de juste, ce n’est pas pour son désir de répudier Marie en secret, mais c’est parce qu’il avait décidé de se retirer de cette histoire qui le dépassait et dans laquelle il pensait qu’il pourrait devenir un obstacle.

 Mais voilà, que Joseph se retire de cette histoire sur la pointe des pieds, ce n’est pas le projet de Dieu. C’est pourquoi un ange vient le voir. Dans l’Évangile de Luc, ‘ange vient voir Marie pour lui annoncer ce qui va se passer, dans l’évangile de Matthieu, c’est Joseph qui a une annonciation. Et l’ange va expliquer à Joseph qu’il a sa place dans cette histoire entre Dieu et Marie. Evidemment, pas la place de prince charmant, pas la place de futur papa d’une famille nombreuse, places dont il rêvait en demandant Marie en mariage ! Mais il y avait une place pour lui dans cette histoire et pas un strapontin ! En effet, ce n’est pas pour rien que le pape François a demandé que dans toutes les prières eucharistiques, on mentionne St Joseph. Il voulait qu’au moment où l’on faisait mémoire de l’histoire du Salut, c’est bien ça l’Eucharistie, on mentionne Joseph, car, dans l’histoire du Salut, il a tenu sa place. Encore une fois, pas la place dont il rêvait, mais la place que Dieu lui a donnée.

 Et finalement, c’est en cela que Joseph est juste. C’est parce qu’il a accepté la place que Dieu lui donnait que Joseph mérite le titre de juste. Attention, quand je dis qu’il a accepté la place que Dieu lui donnait, je ne dis pas que Joseph s’est résigné, qu’il a décidé de faire contre mauvaise fortune, bon cœur ! Non, il a accepté de laisser tomber ses projets pour se laisser ajuster au projet de Dieu. Voilà ce qu’est une personne juste dans la Bible. Ce n’est pas celui qui est parfait, qui ne fait que des choses justes, c’est celui qui se laisse ajuster à Dieu. Et c’est en cela que Joseph peut devenir un modèle pour nous aujourd’hui, en tout cas, en le priant, on peut lui demander, pour nous, cette grâce de nous laisser ajuster au projet de Dieu.

En français, il y a un très beau verbe pour évoquer cette attitude spirituelle, c’est le verbe consentir. Il nous faut apprendre à consentir à ce que Dieu nous montre, à ce qu’il nous propose. Attention, cette attitude n’a rien à voir avec une attitude fataliste qu’on retrouve largement répandue dans l’Islam et qui est introduite de manière habituelle par ce mot : Mektoube ! Remarquez, il y a beaucoup trop de chrétiens qui ont cette même attitude fataliste. Mektoube, ça signifie : c’est écrit, c’est le destin et chacun doit se soumettre à son destin. Mais ça ce n’est pas chrétien ! D’abord, Dieu n’écrit rien sans nous et en plus, il ne nous demande aucune soumission. Non, consentir, ça ne signifie pas s’écraser, c’est plutôt hisser sa volonté au niveau de celle de Dieu, du moins de ce qu’on a perçu, après discernement de ce que pouvait être la volonté de Dieu sur nous. Pour dire les choses plus simplement, je ne choisis pas toujours ce qui m’arrive dans la vie, mais je peux toujours choisir la manière dont je vais les vivre. Consentir, c’est accepter la réalité telle qu’elle se présente et choisir de vivre en toutes circonstances dans l’amour.

C’est ce que Joseph a fait et c’est pour cela qu’il est le modèle des justes, de ceux qui se sont laissés ajuster par Dieu. Qu’il intercède pour nous tous !

 

Père Roger Hébert