Sur internet, on peut voir quelques vidéos extrêmement touchantes de très jeunes enfants qui n’ont que quelques mois et qui viennent d’être équipées de lunettes. C’étaient des enfants malvoyants qui vont donc voir pour la première fois de lanière très distincte leur maman et leur papa. Leur réaction est vraiment extraordinaire ! Quand vous voyez le sourire qui illumine leur visage, ça vous arrache quelques larmes de bonheur.
Si vous avez été attentifs à l’évangile que nous venons d’entendre, vous aurez remarqué que ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout la réaction de tous ceux qui sont témoins de ce merveilleux miracle de Jésus qui rend la vue à un homme qui était aveugle de naissance. Dans cet évangile, nous allons voir la réaction de 4 groupes différents, qui auront 4 types de réactions assez différentes. Peut-être que ces réactions nous feront penser à des réaction d’aujourd’hui et parfois même aux nôtres !
Il y a d’abord les apôtres. Eux, c’est vrai, ils interviennent avant le miracle. Mais leur réaction avant le miracle peut vraiment nous questionner. Le texte nous dit qu’ils sortent du Temple avec Jésus, ils viennent donc de passer de prière. Leur cœur devrait donc être tout brûlant de ce temps passé avec le Seigneur, source de tout Amour. Eh bien, quand ils sont devant cet homme si douloureusement marqué par le handicap, leur seule question, c’est : « qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Non seulement ils répètent bêtement les stéréotypes de l’époque, mais en plus, on voit bien que leur cœur n’est pas saisi de compassion pour cet homme. A aucun moment ils ne s’interrogent pour savoir comment cet homme peut se débrouiller avec son handicap ou ce qu’ils pourraient faire pour lui. Il ne leur vient même pas à l’idée de solliciter Jésus pour qu’il mette en œuvre sa puissance pour le guérir. Et peut-être le comble du comble, c’est qu’ils n’adressent même pas la parole à cet homme. Ils parlent de lui, mais sans jamais lui parler directement ! Ne pensez-vous pas que nous ressemblons souvent aux apôtres ? Nous aussi, il nous arrive de parler des pauvres, des petits, il nous arrive même de prier pour eux, mais combien de fois prenons-nous le temps de leur parler, de les visiter ? Il nous arrive aussi de nous interroger pour savoir comment ça se fait qu’il y a de plus en plus de personnes qui se retrouvent marginalisées. Certains sont même des spécialistes de ces analyses, et s’il leur arrive de rencontrer ces personnes, c’est uniquement comme objet d’analyses. Alors, bien sûr qu’il faut analyser pour pouvoir remédier aux mécanismes qui produisent de l’exclusion, mais en attendant que ces analyses aient porté du fruit, il y a des personnes qui souffrent et à côté de qui on ne peut pas passer simplement avec un petit carnet pour noter les éléments qui permettront de publier des statistiques !
2° groupe de personnes, les voisins. Eux, ils le connaissaient bien cet homme aveugle, mais vous aurez remarqué que pas un ne se réjouit de ce qui lui est arrivé ! Il y en a qui essaient de s’en sortir en niant la réalité qui les dérange, du coup, ils affirment que c’est un sosie de l’aveugle Pen tout cas, ce qui est clair, c’est que pas un de ses voisins ne le prend dans ses bras en pleurant de joie pour lui dire : enfin toutes tes galères sont terminées. Rien de tout cela ! Ce qu’ils veulent, c’est rencontrer celui qui a fait ce prétendu miracle, mais pas pour le remercier d’avoir changé la vie de leur voisin handicapé. S’ils veulent le rencontrer, c’est pour qu’il s’explique !
Là encore, il y a des personnes qui pourront se reconnaître, peut-être en faisons-nous partie à certains moments de notre vie. En effet, ces voisins, ils voient bien qu’il s’est passé quelque chose, mais comme ils n’ont pas trop envie d’être dérangés, ils préfèrent, comme on dit, botter en touche ! Nous aussi, il peut nous arriver de voir que certaines personnes reviennent d’une retraite en étant complètement transformées, ou c’est la participation à un groupe ou encore la rencontre d’une personne qui les a changées. Mais de peur de nous engager dans un processus que nous ne maitrisons pas, au lieu de les interroger, d’écouter leur témoignage et de chercher à vivre nous aussi ce qu’elles ont vécu, nous préférons botter en touche, pinailler en posant des questions fumeuses, ce qui nous évite d’avoir à nous convertir pour de bon !
Ensuite, il y a les pharisiens, eux, ils vont intervenir par deux fois. Mais comme le témoignage de cet homme devient de plus en plus explicite concernant Jésus, ils préfèrent classer cet homme dans la catégorie des menteurs : ce n’est pas vrai, tu n’étais pas aveugle donc cet homme Jésus n’a pas pu te guérir parce que Jésus n’est pas l’envoyé de Dieu, il ne peut donc pas faire des miracles ! Eux, ils sont prêts à tordre complètement la réalité, ils sont prêts à utiliser le mensonge qu’ils dénoncent chez cet homme à leur propre service pour ne pas avoir à se convertir ! Alors cette réaction, elle est vraiment fréquente aujourd’hui, pas chez nous bien sûr. Que de mensonges sont dits dans les médias sur l’Église, les chrétiens, la foi. C’est vrai que nous ne sommes pas parfaits mais quand même. Imaginez un seul instant que tous les chrétiens lassés de ces critiques récurrentes jettent l’éponge et se retirent de toutes les organisations caritatives dans les quelles ils oeuvrent, bon nombre fermeraient la porte ! Imaginez que toutes les organisations caritatives chrétiennes cessent leurs activités, que toutes les écoles catholiques décident de ne plus accueillir de jeunes et d’enfants, la société serait dans un chaos indescriptible. Tout le monde le sait, mais ça ne fait rien, on continue à répandre calomnies et mensonges pour discréditer les chrétiens afin de mieux mettre notre Dieu hors-jeu.
Mais la catégorie dont le comportement est le plus terrible est sans doute la dernière, la plus petite en nombre, ce sont les parents de cet homme guéri par Jésus. Eux, quand ils sont convoqués devant les pharisiens, ils ont peur. Alors pour s’en sortir, ils se taisent et disent : « Il est assez grand, interrogez-le ! » S’il y en a qui auraient pu témoigner devant les pharisiens pour démasquer leur mensonge, c’était bien eux ! Mais le texte est très clair, parce qu’ils ont peur des conséquences de leur témoignage, ils ne disent rien ! Oh comme nous pouvons souvent nous reconnaître dans cette catégorie des peureux qui ne disent rien par peur de devoir assumer les conséquences de leur témoignage. Que de fois, il nous arrive d’entendre des calomnies, des mensonges à propos des chrétiens, de l’Église te de faire comme si nous n’avions rien entendu ! Le petit David dont la 1° lecture nous raconte le choix absolument improbable, alors qu’il n’était encore qu’un jeune adolescent osera un jour défier le géant Goliath. Et s’il le fait, ce n’est pas par désir de briller, d’inscrire son nom dans l’histoire, oh non !
S’il le fait, c’est qu’il ne pouvait plus accepter d’entendre chaque jour ce colosse proférer des insanités contre Dieu et contre le peuple qu’il s’était choisi. Bravant tous les risques, acceptant de mettre sa vie en péril, il va défier le géant pour que cessent enfin ces horreurs proférées contre Dieu. Nous aurions du feu à prendre !
Et surtout rappelons-nous de ce que j’ai dit en introduction, cette joie d’un enfant qui peut voit ses parents pour la 1° fois. Il y a tant d’aveugles qui n’ont encore jamais pu voir leur Père du ciel, ne croyez-vous pas que pour nous, les chrétiens, l’urgence est là ? Apporter la joie à notre monde devenu si triste, c’est bien notre mission, mission qui nous est redite en ce 4° dimanche de carême, traditionnellement appelé « dimanche du laetare » dimanche d’invitation à la joie. Maintenant, grâce à cet évangile, nous savons comment nous pouvons le faire : permettre à tous les aveugles de notre monde et Dieu sait s’ils sont nombreux, de voir, de reconnaître leur Père du ciel et choisir de vivre de son amour. Beau programme pour cette fin de carême !
Père Roger Hébert