Homélie dimanche 30/05/2021: LA TRES SAINTE TRINITE 2021

Première lecture : Dt 4, 32-40
Psaume responsorial : 33(32)
Deuxième lecture : Rm 8,14-17
Evangile : Mt 28,16-20.

Au nom du Père et du fils et du Saint-Esprit, Amen !

Frères et sœurs, vous avez certainement constaté qu’il ne m’arrive pas souvent de commencer l’homélie par le signe de la croix. Mais aujourd’hui, c’est à faire ou jamais, car le signe de la croix s’accompagne de l’évocation de la Très Sainte Trinité solennellement célébrée aujourd’hui.

Certainement que l’Eglise, dans sa pédagogie catéchétique et liturgique, place cette célébration après la révélation successive des Personnes divines qui composent la Trinité, c’est-à-dire, après que le Fils a révélé le Père dans sa vie, sa Mort et sa Résurrection, et que le même Fils, en accord avec le Père, nous a fait don de l’Esprit de Pentecôte. Mais moi, je crois que, de par sa signification, la Trinité peut se fêter du 1 er janvier au 31 décembre, car c’est elle qui donne saveur et sens à toute forme de
célébration chrétienne, tellement elle est fondamentale pour la foi et l’agir chrétiens.
A sa façon lapidaire et synthétique, le catéchisme nous enseigne que la Trinité, c’est le Mystère d’un seul Dieu en trois Personnes. La Trinité a donc trait à la nature de Dieu et en cela elle dépasse de loin notre intelligence. Mais notre tendance n’est-elle pas de nous rabattre sur la deuxième Personne de la Trinité comme celle qui, à la différence des autres et en vertu de son Incarnation, fait partie de notre histoire ? Nous pouvons aisément croire à cela sans pour autant exclure les deux autres Personnes de notre histoire.

A propos du Père, la première remarque à faire, c’est qu’Israël n’en vient pas à la
connaissance de Yahvé par le biais d’une réflexion philosophique ou de rêveries poétiques, mais par des rencontres au cœur de l’histoire vécue par le Peuple comme des faits de bénédiction et de délivrance. Après la merveille de la création, Dieu choisit Israël comme peuple et lui fait entendre sa voix, le délivre de l’esclavage d’Egypte, lui donne sa Loi et le conduit en terre promise. En réalité, ce que Dieu vise, ce n’est pas de se laisser apprivoiser par un peuple, mais de faire parvenir son salut à
toutes les nations.

Cela apparaît plus clairement lorsque Dieu entrera dans l’histoire comme un acteur humain enrevêtant de la chair son Verbe Eternel. Pierre résume sa carrière terrestre en témoignant chez Corneille : il a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du

diable (Ac 10,38). L’historicité de sa figure est garantie par sa généalogie, ses enseignements et ses miracles rapportés dans les Evangiles. A travers tout cela, couve sa divinité qui éclate puissamment dans sa Mort et sa Résurrection. Si Jésus choisit de prendre chair pour agir dans l’histoire, il est sûr que ce mode d’action aura cette limite qu’il se confinera dans l’intervalle de la durée d’une vie humaine. Toutefois l’œuvre n’en souffrira pas pour autant à cause de la relève qui sera assurée. Mais
qui peut poursuivre l’œuvre de Dieu sinon Dieu ? Et qu’y a-t-il sur la terre pour continuer cette œuvre si ce ne sont que des hommes ?

Justement, ces hommes qui d’ailleurs n’avaient laissé aucun doute sur leurs limites devront être épaulés par l’Esprit de Dieu. Or, l’Esprit en Dieu apparaît comme celui qui est le plus incompatible avec la matière, mais il fera son entrée dans l’histoire à la Pentecôte comme le continuateur directe de l’œuvre du Christ et pour cela, on le verra agir de différentes manières à travers les disciples. Le Maître leur avait ordonné : allez… de toutes les nations faites des disciples… apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Pour cette mission d’enseignement universelle, l’Esprit de Pentecôte les remplira de courage et de lumière. En outre, par sa Mort et sa Résurrection, le Christ avait effectué le salut de l’homme à travers l’unique sacrifice de la croix. Il reviendra à l’Esprit, à travers le ministère des Apôtres, de perpétuer les fruits de ce salut en prélevant dans le créé des éléments qu’il revêtira d’efficacité sacramentelle : l’eau, l’huile, le pain et le vin.

De ce qui vient d’être dit, il apparaît que la Trinité ne se présentera pas seulement comme un vocabulaire digne des universités catholiques, mais elle s’imposera aussi comme une réalité élevée et humble, céleste et terrestre, au-delà de l’histoire et active dans l’histoire, au-dessus de l’homme et présent dans l’homme. La Trinité, c’est Dieu dans l’homme, et l’homme en Dieu, c’est le plus grand mystère d’Amour entre les Personnes divines, entre celles-ci et les hommes, entre les hommes eux-mêmes, entre le mari et la femme, car dans le couple, l’homme épouse la femme comme Christ épouse l’Eglise, il se donne à la femme comme Christ se donne à son Eglise en se livrant pour elle. Toute forme d’amour humain reproduit le modèle trinitaire. De fait, qui aime sans être le fils de la Trinité Sainte ? On ne s’étonne pas que la Trinité soit omniprésente dans notre croire et dans notre agir, l’alpha et l’oméga de nos prières privées et liturgiques. Elle imbibe notre vie toute entière.

Le modèle de la révélation trinitaire est propre à attirer notre attention sur le déroulement de notre histoire et à considérer celle-ci comme le lieu sacré où se déploie l’action salvifique de Dieu, par-delà ses hauts et ses bas. Il nous faudra développer une sensibilité historique à l’instar du peuple d’Israël pour qui l’histoire est le lieu de la découverte et de la rencontre au quotidien avec Dieu. Nous avons à développer un savoir-faire de foi pour saisir notre histoire, celle de l’humanité et du cosmos comme l’espace temporel qui nous qualifie pour le salut éternel lorsque nous accomplissons avec le Christ sa Pâque en étant baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.