Voilà déjà la deuxième semaine de suite que RCF m’inspire pour mon homélie ! La semaine dernière, c’était un commentaire de la pasteure Nicole Fabre sur le texte de l’annonciation et cette semaine c’est une émission sur les chants Gospel qui s’appelle tout naturellement oh Happy day qui a tout de suite fait tilt en moi. Quand je conduis, j’aime bien tomber sur cette émission qui permet de mieux comprendre et de découvrir de nombreux gospels, ces chants merveilleux que nos frères de l’Église adventiste sont venus interpréter le 8 décembre à St Vincent avec la présence surprise d’un membre éminent du très célèbre Golden Gate Quartet. L’émission portait sur les gospels ayant comme thème principal la Vierge Marie. Et le réalisateur de l’émission en a proposé un assez récent qui interroge Marie en lui demandant : Marie, savais-tu que ton bébé un jour, marcherait sur l’eau ? Savais-tu que ton bébé redonnerait un jour la vue à un aveugle ? Savais-tu que ton bébé apaiserait une tempête de sa main ? Et il y a comme ça beaucoup d’autres questions qui lui sont posées.
Bien sûr que Marie ne savait pas tout ça ! Comme toutes les mamans, quand elle tenait son enfant dans les bras, elle se demandait ce qu’il allait devenir. En présentant Jésus au Temple comme le veulent les prescriptions de la Loi, Marie et Joseph vont rencontrer deux veillards qui vont en dire un peu plus à ces parents sur la mission de leur enfant. Mais vous avouerez que ce qu’ils apprennent de la bouche de Syméon a plutôt de quoi les inquiéter : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, Marie, sa mère, ton âme sera traversée d’un glaive. » Certes, ce que dira Anne ensuite est plus enthousiasmant, quand elle voit l’enfant elle « proclame les louanges de Dieu et parle de lui à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. » Mais on ne peut pas dire que cette révélation de ces deux sages du Temple renseigne vraiment les parents sur la manière dont va se passer la mission de l’enfant que le Seigneur leur a confié.
Ils devront se contenter, l’un et à l’autre, de ce qui leur a été dit par l’ange qui leur a seulement révélé l’identité de cet enfant et sa mission. Il ne leur a rien dit sur les détails de sa vie. Nous savons d’ailleurs que le récit de l’annonciation se termine par cette mention : alors l’ange quitta Marie. Et nous savons que c’est vrai, plus jamais un ange ne sera à leurs côtés pour les prévenir de ce qui va arriver, pour les rassurer en leur disant que ce qui est en train de se passer, même le plus dramatique, ne contrarie pas le plan de Dieu. C’est au fur et à mesure de la vie de Jésus que Marie et Joseph vont tout découvrir et que, dans une foi totale, ils seront invités à faire confiance au Seigneur. C’est sans doute pour cela que les deux lectures nous parlaient d’Abraham et de sa foi si extraordinaire, c’est à cette même foi que sont appelés Marie et Joseph.
Et c’est peut-être pour cela que la sainte famille de Nazareth que nous célébrons aujourd’hui peut nous parler de manière très actuelle. Quand nous pensons à la sainte famille, nous avons toujours une vision très idyllique et nous imaginons que cette famille si particulière ne connaissait aucun des problèmes que nos familles peuvent connaître aujourd’hui. Oui, c’est vrai qu’elle était particulière en raison de ceux qui la composaient : un enfant qui est le Fils du Très Haut, une mère qui a été préservée du péché et un père qualifié de juste ce qui est l’un des plus beaux titre qui puisse être donné dans le judaïsme, la 1° lecture par lait de ce titre donné à Abraham.
C’est vrai, la sainte famille est particulière, néanmoins, elle a de nombreux points communs avec tant de familles d’aujourd’hui. D’abord je l’ai dit, comme toutes les familles, elle ne connaissait pas à l’avance les détails de la vie de leur enfant. Du coup, ils ont dû, plus d’une fois, être complètement désemparés devant la tournure des événements, devant les choix de Jésus. C’est en ce sens qu’elle peut être priée par tous les parents qui se retrouvent si souvent décontenancés, voire dépités par ce que deviennent leurs enfants.
Et puis, si l’on veut aligner toutes les situations compliquées qu’a vécues cette famille, on en a pour un moment.
· Un voyage à faire en fin de grossesse de Marie qui laisse prévoir un accouchement dans des situations compliquées, ce qui sera le cas. Aujourd’hui, combien de familles en situation de grande précarité connaissent la même angoisse. Qu’ils le sachent ou qu’ils ne le sachent pas, la sainte famille se retrouve très proche d’eux.
· Ensuite, Marie, Joseph et l’enfant Jésus vivront la difficile condition qui est le lot de tant de migrants obligés de fuir leur pays pour échapper au tyran qui les gouverne, la sainte famille a connu cela en devant partir en Egypte pour échapper au massacre perpétré par Hérode. Là encore la sainte famille ne peut qu’être proche de tous ces migrants partis pour sauver leur peau.
· Il y aura encore l’épisode de Jésus perdu au Temple de Jérusalem pendant quelques jours. On imagine sans peine l’angoisse de Marie et Joseph qui ressemble à l’angoisse de tant de parents dont les enfants font une fugue ou sont disparus, comment, en ces jours, ne pas évoquer l’angoisse des parents de la petite Maëlys. Là encore la sainte Famille est proche de tous ces parents qui passent tant de nuits sans sommeil.
· Puis il y a ces 30 années de vie cachée où Marie et Joseph ne comprennent peut-être pas pourquoi Jésus ne part plus vite pour commencer la mission qui est la sienne. Ils sont nombreux ceux qui se retrouvent aujourd’hui encore dans la même situation, ne comprenant pas les orientations de vie de leurs enfants. Comment la sainte famille pourrait ne pas partager ces gros soucis des parents.
· Dans le ministère public de Jésus, quand il est enfin parti, il y aura toutes ces attaques qu’il devra subir, ces calomnies alors qu’il ne fait que du bien et ne parle que d’amour. C’est encore le calvaire que vivent des parents qui voient leurs enfants victimes de harcèlement et parfois même trainés dans la boue. C’est sûr que la sainte Famille est tout proche d’eux.
· Et puis, il y aura cette mort beaucoup trop jeune, vécue dans des conditions absolument épouvantables. Au pied de la croix, Marie a dû se rappeler des paroles de Syméon réalisant ce qu’elles voulait dire de manière très concrète qu’un glaive devait transpercer son cœur. Comment imaginer un seul instant que Marie ne se fasse pas proche de toutes les mères, de tous les parents qui souffrent de voir leurs enfants partir à un âge auquel on ne peut envisager de mourir et dans des conditions trop difficiles.
Vous le voyez, parler de la sainte famille, ce n’est pas faire le tableau d’une famille tellement différente qu’elle semble irréelle ! Non, parler de la Sainte Famille, c’est évoquer toutes les situations si compliquées que vivent tant de familles aujourd’hui. Parler de la sainte Famille, c’est réaliser jusqu’où va le mystère de l’Incarnation : en Jésus, Dieu a voulu connaître toutes ces situations pour que personne quand il sera confronté à la rudesse de la vie ne puisse penser qu’il est abandonné de Dieu. Quel grand mystère que ce mystère de l’Incarnation, un mystère dont nous n’aurons jamais fini de découvrir toutes les implications concrètes qui nous permettent de voir à quel point Dieu s’est fait proche pour mieux nous aimer.