L’Évangile est un don gratuit à partager par amour et non par calcul
« L’Amour est réaliste », écrit Mgr Francesco Follo en commentant les lectures de dimanche prochain, 7 juillet 2019 (XIV Dimanche du Temps Ordinaire – Année C – Is 66, 10-14; Ps 65; Gal 6,14-18; Lc 10,1-12.17-20).
« L’Évangile est un don gratuit à partager par amour et non par calcul », ajoute l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco à Paris.
1) Envoyés en mission
Dans le récit évangélique de ce dimanche, saint Luc parle de la mission des disciples d’alors et d’aujourd’hui, mission qui est la même que celle des Douze Apôtres (Lc 9,1ss) et que celle de Jésus. Le Rédempteur nous envoie dans le monde comme des agneaux, témoins de l’Agneau qui remporte la victoire sur le mal du monde par le don miséricordieux de lui-même, mettant trois conditions pour être ses vrais disciples : celles d’être dans la pauvreté, dans la gratuité et l’humilité.
Dans l’humilité, parce que le disciple ne doit pas s’annoncer lui-même et ses propres idées, mais il doit annoncer l’Evangile du Christ, doux et humble de cœur.
Dans la gratuité, parce que l’Évangile est un don gratuit à partager par amour et non par calcul.
Dans la pauvreté parce que c’est seulement dans le détachement de ce que nous sommes et de ce que nous avons que nous pouvons apporter les richesses du Christ, la plénitude salvifique de l’amour et de la vérité. Le Christ nous demande de ne pas porter de sac, de sacoche ou de sandales. Le disciple est invité à ne pas se laisser alourdir de trop de bagages et d’exigences. Un disciple alourdi par un bien-être matériel excessif ne marche plus vers le monde. Il devient sédentaire, conservateur, très habile pour trouver mille raisons de convenance pour considérer qu’il ne peut pas renoncer à la maison dans laquelle il s’est installé. La pauvreté est aussi un signe de crédibilité : elle montre que le missionnaire a confiance en Dieu et non en lui-même.
Sur ce chemin missionnaire vers toute l’humanité, il y a aussi un jugement positif sur le cœur du monde qui attend la vérité libératrice du Rédempteur : « La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux » (Lc 10, 2). La tâche est immense : le monde entier. Mais ce monde est prêt, car la moisson est abondante donc mure. Et s’il y a peu d’ouvriers pour ramasser la moisson, il faut prier le Seigneur de la moisson pour qu’il envoie d’autres missionnaires travailler dans le grand champ du monde.
D’où la nécessité de la prière pour qu’il y ait de plus en plus de missionnaires de l’Evangile de la joie.
2) Le réalisme est le contraire du pessimisme
A qui Jésus confie-t-il le devoir de porter la joyeuse nouvelle de paix au monde qui l’attend? A ceux qui, comme Saint-Pierre, aujourd’hui comme autrefois, Lui disent : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle et nous, nous croyons et savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu » (comme nous le rappelle le passage de l’Evangile du Rite Ambrosien : Jn 6,68-69).
Les êtres humains qui ont une poussée d’attraction vers le bien, vers les choses hautes, vers l’excellence (par exemple dans le travail, dans les études, dans le sport, dans la littérature etc.…) sont notre expérience commune.
Saint-Paul écrivit aux Philippiens : « tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le à votre compte. » (Phil,4,8)
Mais la chose la plus grande à ce que nous, êtres humains, aspirons : c’est l’Amour.
Sainte Mère Teresa de Calcutta était certaine que « la chose la plus haute » pour laquelle nous avons été créé soit l’amour (= c’est à dire aimer et être aimé). Elle devint missionnaire de la charité.
Cette Sainte ne faisait rien d’autre que de proposer à nouveau, avec ses paroles et sa vie, l’invitation du Christ à être des missionnaires de la vérité et de la charité. Heureux parce que notre nom est écrit dans le coeur de Dieu (cfr la phrase finale du passage de l’Evangile proposé aujourd’hui du Rite Romain : Lc 10,20).
Malheureusement, à cette poussée vers le Haut, s’oppose la contre-poussée de notre péché qui nous distingue de la vocation d’être aimé et de porter cet amour vrai à la moisson du monde, qui aspire à se soulever et vivre dans une paix stable, sereine et durable.
Le monde d’aujourd’hui cherche la paix plus que la liberté. Il y a la paix certaine que dans l’amour du Christ. Son joug est doux et suave. A Qui pense que le Christ soit le prophète des faibles, les disciples d’hier et d’aujourd’hui, portent un Evangile qui rend les « piétinés » plus grands que les rois. A qui croit que Sa religion et une religion des malades et des mourants, nous devons montrer que Jésus guérit les infirmes et ressuscite les « dormants ». A qui dit que Lui est contre la vie, nous annonçons que Lui a vaincu la mort. Le Fils de Dieu n’est pas le Dieu de la tristesse. Il exhorte les siens à être heureux et promet un banquet éternel de joie à ses amis.
3) Il faut « savoir» l’ Amour
Le Christ invite à prier pour que le Père envoie les ouvriers à la messe qui est prête, mature.
Et de Jésus, nous pouvons tout dire sauf qu’il ne soit pas réaliste : lui, n’était certainement pas un incrédule, ni un déçu : il regardait le monde de façon divine. Mais pour être un de ses disciples, il ne suffisait pas d’avoir ce regard positif. Pour être un de ses disciples qui vont dans les maisons et dans les périphéries du monde (comme aime souvent répéter le Pape Francesco), il est nécessaire que nous sachions ce qu’est l’Amour, de façon à pouvoir distinguer le vrai du faux Amour. Il est nécessaire de savoir comment chacun de nous sait aimer dans les circonstances de sa propre vie, de sa vie ordinaire et quotidienne.
Naturellement, chaque définition est incomplète lorsque nous parlons de l’Amour. On peut toujours y ajouter quelque chose en plus. Mais comprenons un peu plus l’Amour et apprenons un peu plus lorsque nous le rencontrons.
Mère Teresa de Calcutta, missionnaire de la paix et de la charité, enseigne : « L’Amour n’est pas « parler », l’Amour est « vivre ». On peut parler tous les jours d’Amour et ne pas aimer une seule fois. J’ai eu don de l’avoir rencontrée souvent et, je peux témoigner de son Amour et de son exemple. Une interview lui avait été faite : « Pourriez-vous nous dire ce qu’est l’Amour en vérité? » Mère Teresa répondit : « Aimer, c’est donner. Dieu a tellement aimé le monde pour donner son Fils. Jésus a tellement aimé le monde, t’a tellement aimé, m’a tellement aimé jusqu’ à donner sa vie pour nous. Lui veut que nous nous aimions comme Lui a aimé. De cette façon, nous aussi, nous devons donner jusqu’ à ce que cela fasse mal ».
Je posai une question à une simple soeur de Mère Teresa : « Ma Soeur, est-il vrai que, comme la Mère, vous faites tout par amour? ». Cette sœur tourna, avec simplicité, sa main droite vers le haut pour dire avec un geste humble : « C’est évident! ». Elle ajouta : « C’est naturel » et elle reprit son « apostolat « en épluchant les pommes de terre pour la cantine des pauvres.
Saint Jean Paul II qui- selon moi- est comme un frère spirituel de Mère Teresa, parlait de la « loi du don » inscrite dans notre nature humaine : la réalisation humaine et le bonheur se rejoignent en vivant cette « loi » comme il s’exprima, « être en donnant soi-même ».
C’est un paradoxe inhérent à notre vie, si nous nous adressons à Dieu et aux autres (notre prochain), alors, le fruit est notre réalisation et notre joie. Mais si nous nous focalisons sur notre bonheur et notre réalisation (de façon égoïste, « moi avant tout »), nous n’atteindrons jamais ni le bonheur, ni sa propre réalisation.
Mère Teresa a exprimé tout ceci de façon excellente : « L’Amour est un chemin à sens unique. Eloigne-toi de toi-même vers l’autre. L’Amour est le don final de soi-même à l’autre. Lorsque nous arrêtons de donner, nous arrêtons d’aimer et lorsque nous arrêtons d’aimer, nous arrêtons de grandir. Seulement en grandissant, nous obtenons une réalisation personnelle. Si nous n’aimons pas, nous ne nous ouvrirons jamais pour accueillir la vie de Dieu. C’est avec l’amour que nous rencontrons Dieu. ».
La pratique de la charité (l’activité apostolique, missionnaire) est à la portée de chaque chrétien quel que soit état de vie quel dont il se trouve. C’est la vocation sacerdotale, » pastorale » de chaque chrétien. Chacun de nous a la mission d’être porteur de l’Amour de Dieu. Sainte M. Teresa de Calcutta disait : « Aujourd’hui, Dieu aime tellement le monde qu’il te donne, il me donne pour aimer le monde, pour être son amour, sa compassion ».
C’est une très belle réflexion – et une conviction que toi et moi pouvons être cet amour et cette compassion.
Mère Teresa fit noter que ceux qui ont faim et soif de Dieu et de son amour, et ceux à qui nous devons le plus, sont ceux qui sont plus proches de nous. Comment pouvons-nous aimer Jésus dans le monde d’aujourd’hui? L’aimant à travers mon mari, mon épouse, mes enfants, mes voisins, les pauvres. En fait, ce sont ceux avec lesquels nous vivons qui en ont le plus besoin. Ensuite, le cercle ouvert de notre amour à Dieu et à la famille, accueille tous les autres, que Dieu nous donne comme prochain.
Celles qui vivent, de façon particulière, ce cercle ouvert de l’amour de Dieu, sont les vierges consacrées. Le titre de « vierges » exprime la plénitude du don à Dieu. Elles n’ont rien de personnel. Elles n’ont pas d’enfant dans la chair. Elles n’existent qu’en se donnant et pour se donner. A travers leur vie, elles démontrent qu’il est possible de vivre une vie libérée de la fatalité de l’instinct et deviennent comme la Madonne ostensoirs et tabernacles du Christ.
La vertu de la chasteté n’est pas pour elles une discipline qui rend patron de soi-même. Ce n’est pas seulement une virginité physique, mais aussi une virginité spirituelle qui refuse chaque pensée, souvenir et affection qui ne soit pas lui. Tout notre être se consomme en un acte d’amour qui nous unit à notre époux divin. Non seulement la pureté, non seulement la simplicité, mais aussi l’humilité. En fait, en vivant dans la paix divine, il advient ce qui advient lorsque, à minuit, on veut regarder les étoiles et qu’elles ne se voient plus. C’est ainsi que, dans la lumière de Dieu, je ne me vois plus, je me suis perdu, je ne suis plus rien : Lui, seul est, Lui, seul, l’Aimé!
Cette vertu a un visage, celui du Christ qui, radieux, les illumine et à travers elles, illumine le monde.
Elles sont des évangélisatrices choisies non pas par leur apparence, mais par leur cœur : Dieu ne regarde pas ce que regarde l’homme. L’homme regarde l’apparence, le Seigneur regarde le cœur (1 Sam16,7).
Prions le Seigneur, qu’il nous aide à « savoir » (connaître et savourer) l’amour comme Saint-Bernard de Clairvaux l’enseignait: « La mesure pour aimer Dieu est de l’aimer sans mesures, et ‘augmenter’ l’amour du prochain à la valeur d’une justice parfaite dont la condition est de l’aimer purement en Dieu ».
Lecture Patristique
Texte de Saint Grégoire de Nazianze (IVème Siècle)
dans lequel est montré que tous peuvent suivre le Christ et annoncer ses Évangiles
Discours 45, 23-24; PG 36, 654 C – 655 D.
Nous devenons parties à la Loi d’une manière non pas purement matérielle, mais évangélique, d’une façon complète, à la fois non limitée et imparfaite, sous une forme durable à la fois non précaire et temporaire. Nous choisissons pour capitale adoptive non la Jérusalem terrestre mais la métropole céleste, non pas celle qui est piétinée par les armées, mais celle qui est acclamée par les anges. Nous sacrifions non pas des taureaux ni des agneaux avec des cornes et des ongles, qui appartiennent plus à la mort qu’à la vie, l’intelligence leur faisant défaut. Nous offrons à Dieu un sacrifice de louange sur l’autel céleste accompagné des chœurs des anges. Nous passons derrière le premier voile du temple, nous nous approchons du second et nous pénétrons dans le « Saint des Saints ». Et plus encore, c’est nous-mêmes et toutes nos activités que nous offrons chaque jour à Dieu. Nous faisons ce que les écritures elles-mêmes nous suggèrent. Avec nos souffrances nous imitons les souffrances du Christ, c’est-à-dire sa Passion. C’est de bonne grâce que nous montons sur sa Croix. Doux sont en fait ses clous, même s’ils sont durs. Nous sommes prêts à souffrir avec le Christ et pour le Christ, plutôt que désirer les compagnies légères et mondaines.
Si tu es pareil à Simon de Cyrène, prends la croix et suit le Christ. Si tu es pareil au voleur suspendu à la croix, fait comme le bon voleur et reconnaît ton Dieu avec honnêteté…. Si tu es pareil à Joseph d’Arimathie, réclame le corps à celui qui l’a crucifié, prends ce corps et fait ainsi tienne l’expiation du monde. Si tu es pareil à Nicodème, l’adorateur nocturne de Dieu, enterre son corps et oint-le avec les onguents rituels. Et si tu es pareil à une des Marie, laisse couler le matin tes larmes. Fais que tu sois la première à voir la pierre roulée sur le côté, va à la rencontre des anges et de Jésus lui-même.
Savoir vient du latin sàpere qui signifie connaitre (savoir) et aussi gouter (saveur)
A ce sujet on pense aux couples saint de frères et soeurs dans l’Esprit, par exemple: Saint Benoit de Norcia et Saint Scolastique, Saint Ambroise de Milan et Sainte Marcelline, Saint Pacomius et Saint Mari, Saint François d’Assise et Sainte Claire, Sain Jean de la Croix et Sainte Térèse d’Avila, Saint François de Sales et Saint Jeanne Françoise de Chantal.
FRANCESCO FOLLO