Homélie du 10 mai 2018 : pour vous, Ascension rime avec quel mot ?

Pour vous, Ascension rime avec quel mot ?
Pour les apôtres, ascension rime avec question !
Pour Jésus Ascension rime avec mission !

Si je vous proposais un petit jeu qui consiste à trouver des mots qui riment avec le mot Ascension, je ne sais pas ce que vous proposeriez. Beaucoup de français proposeraient sûrement le mot « pont » parce que, pour beaucoup, l’Ascension, c’est l’occasion de faire le pont ! Si on avait proposé ce petit jeu aux apôtres, je pense que, eux, ils auraient fait rimer Ascension avec question !

Oui, le départ de Jésus a dû leur poser bien des questions. Sa mort, quelques jours avant, bien sûr, leur avait posé déjà beaucoup de questions, mais ils étaient dans un tel état de sidération que tout devenait flou dans leur esprit. Et puis, le dimanche, tout avait basculé avec la résurrection, Jésus était à nouveau avec eux. Peut-être avaient-ils pensé que tout allait repartir comme avant et même mieux qu’avant puisque, ressuscité, Jésus pouvait aller là où toutes les portes étaient fermées, il n’avait plus besoin de faire des kilomètres à pieds pour se rendre en tel ou tel lieu. Alors, bien sûr, Jésus, quand il les rejoignait, leur parlait de son départ qui était proche, mais ils refusaient sûrement de se projeter dans l’avenir. Un peu comme nous, quand quelqu’un que nous aimons, sur qui nous comptons, nous parle de son départ ; nous savons que ça finira par arriver, mais puisqu’il ou elle est encore là, nous faisons comme si ça devait durer.

Et voilà qu’en ce matin, Jésus réunit ses apôtres, comme nous l’avons entendu dans la 1° lecture et c’est le moment du départ. Il a choisis de s’élever dans les cieux sous leur regard pour qu’ils réalisent vraiment qu’il ne sera plus présent avec eux comme avant. Certes, le texte nous dit qu’il disparaît dans une nuée or, depuis l’expérience de l’Exode, nous savons que la nué est le signe de la présence discrète de Dieu qui a choisi d’accompagner son peuple dans la traversée du désert. Ainsi donc, en disparaissant dans une nuée, Jésus manifeste qu’il ne les abandonne pas, qu’il restera, discrètement, mais réellement présent, pour les aider à traverser tous les déserts de la vie. N’empêche qu’il n’est plus là comme avant et, cela, les apôtres le réalisent bien, et c’est pour cela qu’ils restent à regarder le ciel. Ils sont comme pétrifiés !

Pour eux, c’est sûr, Ascension rime avec question et c’est une question particulièrement redoutable qui les habite : comment pourront-ils réussir à faire sans Jésus ce qu’ils n’arrivaient pas à faire avec lui ? En le voyant s’élever au ciel, ils ont dû réentendre tous les appels de Jésus à répandre l’évangile dans le monde entier, ce sont les paroles que nous avons entendues dans l’évangile. Pour eux, Ascension rime avec question parce que, pour Jésus, Ascension rime avec mission ! Comment remplir une telle mission sans lui, alors que, lorsqu’il était avec eux, ils avaient si souvent manifesté des signes de faiblesse ? Avec lui, ils n’étaient pas toujours brillants, ils devaient se rappeler cet épisode où ils voulaient faire tomber le feu du ciel sur ceux qui ne les accueillaient pas, et encore ces nombreux épisodes où ils se chamaillaient pour savoir qui était le plus grand. Avec lui, ils n’étaient pas toujours brillants, alors, sans lui, ils ne se faisaient aucune illusion sur leurs capacités à remplir une telle mission d’autant plus qu’ils se rappelaient cette parole que nous avons entendue il y a 15 jours dans l’évangile : sans moi, vous ne pouvez rien faire, rien réussir.

Mais j’oserais presque dire que Jésus a tout prévu, il sait bien que la mission qu’il confie à ses apôtres est bien au-delà de leur force, c’est pourquoi il fait aussi rimer Ascension avec promesse d’un don. Avant de s’élever dans le ciel, il leur a dit : « C’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » On peut d’ailleurs dire que c’est une caractéristique de la foi chrétienne : tout ce que le Seigneur nous demande, il nous donne la force de l’accomplir. St Augustin avait merveilleusement résumé cela par cette formule facile à retenir : Dieu donne ce qu’il ordonne. S’engager aux côtés du Seigneur, ce n’est pas s’engager dans la légion étrangère avec la promesse d’en baver ! Rien ne nous sera jamais demandé sans que, en même temps, nous ne recevions la force de l’accomplir.

Heureusement que nous avons cette certitude parce que, s’il y a une chose de sûre, c’est que le Seigneur demande beaucoup, qu’il met la barre très haute. Nous l’avons entendu dans cette finale de l’évangile : « En mon nom, dit Jésus, vous expulserez les démons ; vous parlerez un langage nouveau ; vous prendrez des serpents dans vos mains et, si vous buvez un poison mortel, il ne vous fera pas de mal ;

vous imposerez les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. » Ces promesses de Jésus, souvent les commentateurs de l’évangile passent dessus ou s’en sortent en disant que c’est une manière de parler. Non ! Il faut s’y arrêter et affirmer que c’est l’œuvre du Saint Esprit. Ceux qui acceptent de répondre à l’appel du Seigneur en s’engageant dans la mission d’évangélisation, parce qu’ils reconnaissent leur pauvreté, ils n’ont pas d’autre issue que de compter sur le Saint Esprit. Et quand on compte sur le Saint Esprit, alors tout devient possible, c’est ce que veut dire Jésus en formulant cette promesse qui semble un peu folle : « en mon nom, vous expulserez les démons ; vous parlerez un langage nouveau ; vous prendrez des serpents dans vos mains et, si vous buvez un poison mortel, il ne vous fera pas de mal ; vous imposerez les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »

Puisque nous avons pris l’habitude de célébrer, en cette fête de l’Ascension, la mémoire de la bienheureuse Sr Rosalie Rendu, cette femme de chez nous, nous pouvons dire que sa vie est une belle illustration de tout ce que je viens de dire. Jeanne-Marie, c’est son prénom de baptême, à l’âge de 16 ans, quitte sa famille pour aller à Paris et rentrer au noviciat des filles de la charité. L’aventure a failli se terminer aussitôt que commencée puisqu’elle va assez vite entrer dans une espèce de dépression qui lui fait perdre toutes ses forces et son dynamisme. Il faut dire qu’elle était trop centrée sur elle-même, obnubilée par une recherche un peu trop orgueilleuse de la sainteté. C’est alors qu’elle va être envoyée dans ce quartier si populaire de la rue Mouffetard. La vie va être dure avec cet air si difficile à respirer tant la pollution est grande dans ce coin de Paris, mais c’est surtout la misère des habitants du quartier qui la prend à la gorge. Désormais, elle ne passera plus son temps à se tâter le pouls sans arrêt pour savoir si elle grandit suffisamment en sainteté, elle se donnera totalement en comptant sur la force du Saint-Esprit. Et c’est ainsi qu’elle deviendra, comme elle l’a dit elle-même « fille de la charité, simplement fille de la charité mais totalement fille de la charité. »

C’est ce qui nous arrivera à nous aussi si nous comptons chaque jour un peu plus sur le Saint Esprit qui a été répandu en nos cœurs. Nous aussi, nous deviendrons, comme Sr Rosalie, fils et fille de l’amour, simplement fils et fille de l’amour, mais totalement fils et fille de l’amour. Alors nous pourrons faire rimer Ascension avec exultation parce que le Seigneur ne cesse de réaliser des merveilles.

Bonne fête de l’Ascension et faites en sorte qu’elle ne rime pas qu’avec pont !

Père Roger Hébert