LA SAINTE FAMILLE 2021 C.
Première lecture : 1 S 1,20-28
Psaume responsorial : Ps 84(83)
Deuxième lecture : 1 Jn 3,1-24
Evangile : Lc 2,41-52.
Nous célébrons aujourd’hui toutes les familles de la terre dans l’unique Famille susceptible d’être appelée sainte, rien qu’à considérer les Personnes qui la composent : Jésus,
Marie et Joseph, par ordre d’importance. De ces trois illustres Personnes, la première, répondant à sa nature de Verbe de Dieu, dit aux hommes quelques paroles dignes d’être écoutées, mais
c’est le relatif silence des Evangiles qui répond au profond silence des deux autres en n’attribuant aucune parole à Joseph et très peu à Marie. Toutefois, le silence des Evangiles sur
des membres de la Sainte Famille et celui des membres mêmes est loin de correspondre à un vide d’enseignement. Bien au contraire, nous sommes loin d’épuiser la profondeur des
enseignements contenus dans le peu de paroles dit par Jésus et Marie, et encore plus loin de pénétrer les mystères du silence absolu de Joseph et du silence sur les membres de la Sainte
Famille. Quels enseignements donc ?
Voyez, dans une famille, les tâches sont nombreuses : les devoirs réciproques entre les époux, les devoirs de ces deux envers l’enfant, les devoirs de l’enfant envers Papa et Maman…
Dans cet ensemble de devoirs, la Sainte Famille s’illustre par l’amour sans faute et le zèle ardent. Ce sur quoi nous voudrions mettre l’accent, c’est le devoir de gardiennage tel que
l’assument Marie et Joseph à l’endroit de l’Enfant Jésus, dans cet esprit de désintéressement qui ne réclame pas de salaire et s’exécute dans une parfaite discrétion.
Ne vous semble-t-il pas naturel que les parents s’occupent de leur enfant ? En effet, l’enfant représente le membre le plus faible de la famille, et de façon toute particulière l’enfant
de l’homme. Alors que le rejeton du quadrupède tient sur les pattes quelques heures après la naissance, l’enfant de l’homme procède beaucoup plus lentement et le processus de son
indépendance s’étale sur des années. Ce n’est pas pour rien que les parents répondent de lui jusqu’à un âge suffisant pour que l’animal né le même jour que lui finisse déjà sa carrière
terrestre. Il est donc nécessaire que les parents s’occupent de l’enfant.
Cependant dans le cas de la Sainte Famille, on ne peut s’empêcher de relever une certaine ironie dans l’exercice de ce rôle parental : leur enfant, dans toute sa fragilité, est le
Dieu Tout-Puissant, et c’est Joseph et Marie qui, dans toute leur vigilance, ne sont que des êtres faibles, et ce sont les faibles qui doivent protéger le seul Fort. Cette antinomie se résout
facilement dans l’ordre de la foi, quand on sait que Jésus, c’est le Tout-Puissant qui décide de vivre jusqu’au bout la condition humaine, ne retenant pas jalousement le rang qui l’égale à
Dieu, s’anéantissant lui-même… devenant semblable aux hommes (Ph 2,6-7). Le devoir de la protection de Jésus incombe donc à Marie et à Joseph.
Comment l’accomplissent-ils ? Ici, je vous renvoie aux Evangiles et me contente de résumés et de généralités.
Au fond, tout ce que nous savons de Marie et de Joseph les réfère à leur enfant Jésus.
Sans Jésus, il ne reste de Joseph que le charpentier de Nazareth. Il n’est époux de Marie que pour être le Père de Jésus. Il ne jaillit dans l’histoire qu’à l’occasion de l’Annonciation à Marie
(cf. Lc 1,26-38) et de l’Annonciation à lui-même (cf. Mt 1,18-25). La noblesse de sa figure réside dans la consécration de sa vie à pourvoir à Jésus le cadre juridique, social, professionnel
pour sa vie d’homme sur la terre. S’il meurt, comme on le croit, avant son fils, ce n’est pas avant d’avoir accompli toutes ses tâches envers lui.
Il en est de même pour Marie qui accompagne Jésus jusqu’au pied de la croix pour être témoin de son dernier souffle. Sans avoir de profession à donner à son Fils, sa maternité
authentifie l’Incarnation du Fils de Dieu. Inutile de spécifier pour une mère ce que représente un fils unique, le miroir de sa vie et sa raison de vivre. Et qu’est-ce qu’une Marie sans Jésus, si
ce n’est qu’une fille de Nazareth ? De fait, elle s’inscrit dans une généalogie humaine par rapport à la naissance de son Fils et ne prend contact avec l’histoire que lors de l’Annonciation
de l’Ange Gabriel.
Toutes ces considérations qui se passent de détails indiquent la profonde implication de Marie et de Joseph dans le gardiennage de l’Enfant Jésus, et c’est cet exemple qui est proposé
je ne dis pas aux familles chrétiennes, mais aux pères et aux mères des familles de la terre, car un bon exemple n’a pas de couleur et peut servir à tous.
Aller au secours du faible est un des traits caractéristiques de la Miséricorde de Dieu.
En plusieurs occasions, on le voit aux côtés du plus faible. Il préfère Abel à Caen (cf. Gn 4,4-5), il choisit Isaac et laisse Ismaël, il bénit Jacob et prive Ésaü de bénédiction (cf. Gn 27,37), il
favorise Jacob contre Laban. De tous les fils de Jessé, il oint roi David le plus petit (cf. 16,12-13) Enfin, son peuple élu, c’est Israël, justement pour sa petitesse.
C’est à ce titre que l’enfant a droit à la protection des parents. Mais cet enfant, qui estil ? C’est celui qui gît là, dans le berceau, à cent pour cent dépendant des parents et de
l’environnement, incapable de se déplacer. C’est celui qui, à la maison, doit recevoir l’éducation et à l’école l’instruction. C’est celui à qui on doit inculquer le savoir-faire et le savoir-vivre
pour qu’il intègre la société des hommes dans l’harmonie et l’équilibre. Cet enfant, c’est celui qui, à toutes les étapes de sa croissance, pèse lourdement sur le dos, la poche et l’énergie des
parents. Cet enfant, c’est celui que vous voyez grandir avec émerveillement, celui dont vous êtes fiers et celui qui vous comble de soucis.
Cet enfant, c’est aussi celui que vous ne voyez pas encore, qui ne vous demande de soins que les soins portés à sa mère, c’est votre enfant à naître, encore dans le sein de sa mère, celui
qui s’était signalé comme un début de grossesse. Lui aussi, Papa et Maman vous êtes pour lui déjà et vous devez le protéger. Il en a besoin aussi, dans la mesure où il est le membre le plus
faible de la famille, plus faible que celui qui est déjà né, il fait partie de la race des Innocents.
Prenez soin de lui en ayant souci de sa mère, laissez-le là où il est, aux soins de la divine Providence. Ne cherchez jamais à le déloger avant le temps prévu pour lui par le Créateur. Il
deviendra, ô merveille de Jésus, votre puissant protecteur quand ce sera votre tour encore d’en avoir besoin.