Homélie Pentecôte 2018 : Le coup de foudre, ça fait longtemps que ça ne vous est pas arrivé ?

Le coup de foudre, ça fait longtemps que ça ne vous est pas arrivé ?
Si c’est le cas, il faudrait peut-être penser à le provoquer … enfin je me comprends … et vous me comprendrez aussi si vous lisez !

Le dimanche matin, habituellement, quand je sors de la douche, il y a une petite séquence musicale à la radio au cours de laquelle un mélomane averti présente des compositeurs. Régulièrement il parle d’un compositeur dont, personnellement, j’ignore tout, en annonçant qu’on pourra facilement reconnaître l’influence de tel autre grand compositeur en écoutant le morceau qui va suivre. Evidemment, moi qui suis un béotien, je ne reconnais rien, mais l’animatrice de la tranche horaire qui semble, elle aussi, mélomane le remercie souvent. Elle lui explique qu’elle n’avait jamais pu mettre un nom précis sur celui qui avait pu influencer ce compositeur, mais qu’elle se rendait bien compte, qu’il y avait quelque chose de connu derrière cette musique.

Ce que, eux, sont capables de faire à propos de la musique m’épate, mais en même temps, je me rends bien compte que, pour quelqu’un qui a travaillé un sujet, ce n’est finalement pas si difficile que ça. Tiens, par exemple, moi je suis capable de vous faire le même coup à propos de la 1° lecture de la messe de ce jour ! Quelqu’un qui n’est pas un grand connaisseur des Ecritures va écouter ce texte et comprendre qu’il raconte comment les apôtres ont reçu l’Esprit-Saint au Cénacle et ça lui suffit … un peu comme moi, quand j’écoute un morceau de musique, ce que j’entends me suffit, je ne vais pas chercher les influences ! Par contre, quelqu’un qui connaît les Ecritures, en écoutant ce texte des Actes des Apôtres va tout de suite repérer les influences : manifestement, ce texte fait écho à ce qui s’est passé sur le Sinaï quand Dieu a donné la Loi à Moïse. L’histoire du violent coup de vent puis du feu dont il est question dans le récit des Actes reprend une partie des signes qui ont accompagné la manifestation de Dieu sur le Sinaï. Il faudrait développer longuement ce point si riche d’enseignement, mais dans le cadre d’une homélie, ce n’est pas possible !

Ce que je veux retenir, c’est que, sur le Sinaï, manifestement, c’est au milieu d’un orage que Dieu s’est manifesté à Moïse. Or, vous en conviendrez, qui dit orage dit foudre. Eh bien, en reprenant ces éléments pour décrire ce qui s’est passé au Cénacle, St Luc a voulu nous suggérer que l’Esprit-Saint va agir comme la foudre et je voudrais développer cette image en deux directions qui semblent opposées à première vue alors qu’elles sont totalement complémentaires. Pour faire ce développement, vous me permettrez de faire deux jeux de mots.

Puisque l’Esprit-Saint agit comme la foudre, on peut donc dire qu’il foudroie. C’est là que je fais mon 1° jeu de mots : foudroie, on peut l’écrire comme venant du verbe foudroyer et on peut aussi l’écrire en utilisant une expression plus triviale signifiant qu’il nous remet droit ! Dites-moi, vous n’en auriez pas besoin, vous, de l’Esprit-Saint qui fout-droit, qui permet de se redresser ? Il y a dans l’évangile, un miracle de Jésus qui n’est finalement pas si connu que ça : Jésus va guérir une femme courbée. On en connaît de ces personnes âgées qui ont un problème de colonne vertébrale et qui marchent à l’équerre. Mais on peut aussi faire une lecture plus symbolique du texte, voilà une femme qui n’en peut plus, ce qu’elle porte est bien trop lourd pour elle. Et on voit aussi des personnes qui, sans avoir de problèmes de colonne vertébrale semblent s’affaisser parce que ce qu’elles portent est bien trop lourd. Il peut nous arriver, de temps en temps, nous aussi, de faire cette expérience : nous n’en pouvons plus, nous nous sentons complètement accablés.

Alors, ça peut être les soucis liés à la famille aux enfants, petits-enfants ou parents, ça peut être le travail, l’argent, la santé mais il y a aussi parfois, des échecs qui pèsent lourd ou des conflits, ou tout simplement nos médiocrités accumulées qui nous accablent tellement que nous n’en pouvons plus. Bref, il nous arrive souvent d’être dans la situation de la femme courbée de l’évangile. Alors, il est intéressant de relire le texte pour voir comment Jésus va la guérir, lui permettre de se redresser. Lc 13,10-13. Le texte nous dit que Jésus lui impose les mains, c’est le geste traditionnel pour transmettre l’Esprit-Saint, je le ferai tout à l’heure dans le baptême que je vais célébrer, je le ferai sur le pain et le vin dans un instant. Pour qu’elle puisse se redresser, Jésus lui impose les mains, c’est à dire lui donne le Saint-Esprit, vous voyez, c’est bien vrai : l’Esprit-Saint fout-droit ! Et c’est bien ce qui s’est passé à la Pentecôte au Cénacle, les apôtres qui étaient accablés par la peur, la culpabilité qui étaient enfermés parce qu’ils n’en pouvaient plus, l’Esprit-Saint tombe sur eux et les fout-droit, ils sortent et proclament avec hardiesse la Bonne Nouvelle. Mes amis, ce qui s’est passé, il y a 2000 ans peut se passer encore aujourd’hui, l’Esprit-Saint n’a rien perdu de sa vigueur : aujourd’hui encore, il fout-droit tous ceux qui n’en peuvent plus et qui le lui demandent avec foi.

Venons en au 2° jeu de mots que je voulais faire. Puisque le rapprochement entre ce qui s’est passé au Sinaï et ce qui se passe au Cénacle nous suggère que l’Esprit-Saint agit comme la foudre, je peux dire que recevoir l’Esprit-Saint, c’est comme recevoir un coup de foudre ! Et, là, évidemment, je glisse sur le langage amoureux. Le texte des Actes que nous avons entendu raconte comment ça s’est passé au Cénacle quand les apôtres ont reçu le Saint Esprit ; St Paul, lui, dans une de ses lettres va chercher à dire non plus comment ça s’est passé mais ce qui s’est passé. Et il va le dire dans une formule très ramassée d’une densité extraordinaire : l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Rm 5,5. Qu’est-ce qui s’est passé au Cénacle ? C’est l’amour de Dieu qui est répandu dans les cœurs ! Vous voyez, c’est bien un coup de foudre : l’amour de Dieu est répandu dans les cœurs par le don du St Esprit.

Je ne sais pas si nous pouvons réaliser ce qu’il y a derrière cette affirmation de Paul que l’Esprit-Saint qui vient en nous, c’est l’amour de Dieu, lui-même qui est répandu dans nos cœurs. Là encore, il faudrait du temps pour développer tout ce qu’il y a d’inouï dans cette déclaration. Je le dis rapidement quand même, ça signifie qu’en recevant le Saint-Esprit, nous devenons capables d’aimer comme Dieu lui-même ! Dites, ça ne vous fait pas envie ? Parce qu’aimer, finalement, ce n’est pas si facile que ça ! Oui bien sûr, quand a l’âge de Meghan et Harry et qu’on commence sa vie de couple dans un carrosse, tout semble facile. En fait, tout le monde sait bien qu’aimer n’est pas si simple, aimer au quotidien, aimer pour toute la vie, continuer à aimer dans les difficultés, c’est sûr que ce n’est vraiment pas simple.

Alors, certains ont résolu le problème en disant : on fait ce qu’on peut ! Mais avec cette divise, ça risque bien de ne pas être glorieux tous les jours parce qu’il y a des jours où on peut peu ! Non, quand nos cœurs sont à sec, quand nous n’arrivons pas, quand nous n’arrivons plus à aimer il y a mieux que de se fixer comme objectif : on fait ce qu’on peut ! C’est le coup de foudre qu’il faut demander, c’est le renouvellement du don du St Esprit qu’il faut demander pour que l’amour de Dieu soit à nouveau déversé dans nos cœurs. Rappelons-nous de ce que chantait Jacques Brel dans cette merveilleuse chanson « ne me quitte pas », il disait : « On a vu souvent rejaillir le feu d’un ancien volcan qu’on croyait trop vieux. Il est paraît-il des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril » Evidemment, il ne chantait pas cela en pensant à l’Esprit-Saint, mais ces paroles décrivent tellement bien ce qui peut se passer si nous demandons que l’Esprit-Saint vienne en nous comme un coup de foudre !

Demandons avec foi et humilité qu’il vienne le St Esprit sur chacun de nous aujourd’hui, lui qui fout-droit, lui qui vient comme un coup de foudre !

Père Roger Hébert