Homélie Pentecôte 2021

Première lecture : Ac 2,1-11 ;
Psaume responsorial : 104(103)
Deuxième lecture : Ga 5,16-25 ;
Evangile : Jn 15,26 – 16,15.

La solennité de la Pentecôte célébrée aujourd’hui nous renvoie au don le plus divin que Dieu fait aux hommes, le don de son Esprit. Au commencement, sous sa forme pentecostale, ce don avait été fait aux disciples du Christ réunis à Jérusalem.

Toutefois le don en question est destiné aussi à tous les hommes, en sorte qu’il
n’est pas un patrimoine du passé, mais l’éternel héritage de l’humanité.

Qu’on me donne de l’argent ou un quelconque bien matériel, j’en estime la valeur par rapport à sa quantité, à sa qualité et à son utilité. Malheureusement, aucun de ces critères ne me permet de mesurer le don de l’Esprit, car en tant que Dieu, l’Esprit se situe au-delà de mes capacités de saisie. Mais je vais essayer de contourner la difficulté à le définir en cherchant à le saisir par deux de ses modes d’action.

Le premier. L’Esprit assure le cours normal des choses dans le monde, dans la société, dans l’Eglise et dans ma vie. Je sais que cela ne convainc personne, car on considère le normal comme allant de soi. Mais là où l’Esprit, par son action, se distingue du déjà vu, c’est quand rien ne marche plus, quand tout semble s’arrêter
définitivement, bloqué et sans issue en perspective, et quand l’Esprit intervient pour frayer une route, ouvrir une porte et faire tout repartir.

Que l’on se contente d’un seul exemple pris, entres autres, de l’Ancien Testament. Au sortir d’Egypte, à un moment donné, Israël se trouve la mer devant, les Egyptiens derrière, avec leurs chevaux et leurs chars, à droite et à gauche, le désert. Le dilemme est insoluble. C’est alors que l’Esprit souffle comme un vent d’Est, fraie un chemin dans les eaux. A pied sec, Israël traverse ; l’ennemi s’y noie sans remède.

En nous basant sur la technologie moderne, on peut recourir à cet autre exemple : quand mon téléphone portable se trouve bloqué et n’obéit plus aux commandes, je l’éteins, le redémarre et il repart.

Entre ces deux exemples pris dans le passé d’Israël et le présent de la modernité contemporaine, se dresse l’exemple le plus spectaculaire qui concerne Jésus lui-même : on l’arrête, on le fait crucifier, il meurt, et l’on croit en avoir fini. L’Esprit du Père le ressuscite des morts et le voilà devenu désormais inattaquable, immortel et encore plus incisif qu’auparavant. A l’exemple concernant le Christ se greffe celui concernant ses disciples : après la traumatisante disparition du Maître, les disciples ont peur et s’enferment. Dans leur enfermement au cénacle comme sur le lac que quelques-uns essaient de retrouver avec leurs barques et leurs filets, Jésus ressuscité les rejoint dans des apparitions, il donne son Esprit et fait naître en eux le courage de sortir et d’aller par le monde porter l’Evangile aux nations.

Si l’Esprit s’illustre comme nous venons de le décrire, nous sommes en droit de lui présenter l’humanité contemporaine butant contre la muraille du Covid-19. Ne dites pas : ‘‘ce n’est qu’une pandémie, et elle n’a rien à voir avec l’Esprit Saint’’. Il a ceci à voir avec l’Esprit qu’il met à rude épreuve l’action des hommes, la foi des fidèles, et la charité de l’Eglise. Mais à ce propos, voilà ce que dit l’Esprit : ‘‘si le Covid-19 entend mettre fin au monde, il ne sera jamais que sa propre fin, et moi je créerai un autre début’’.

Si l’Esprit s’illustre comme nous venons de le décrire, réfléchissons sur notre vie, et nous découvrirons combien de fois l’Esprit crée un début, le mène par un processus, le conduit à une fin, tourne la fin en un autre début, ferme une porte et en ouvre une autre. C’est véritablement l’Esprit des miracles et de notre grande Espérance. De fait, la vie comporte autant d’opportunités que de blocages, car ce sont ces mêmes opportunités qui se transforment en blocages quand elles n’aboutissent pas, et de blocages, on en connaît à plusieurs niveaux : familial, professionnel, financier, relationnel, sanitaire, intellectuel, moral, spirituel etc. Ne pensez pas qu’un seul
de ces domaines échappe à l’action de l’Esprit. Justement, cet Esprit que nous ne percevons pas par nos sens est pourtant une réalité concrète dont nous pouvons faire notre compagnon le plus ordinaire. Que ceux qui en ont fait l’expérience en parle aux autres, pour que notre vie se déroule sous la mouvance de l’Esprit qui, avons-nous annoncé, agit d’une deuxième manière.

L’Esprit, scelle l’union de ceux qui se rassemblent. L’Esprit n’aime pas la dispersion, l’aparté, il aime qu’on soit ensemble. Les disciples reçoivent l’ordre de ne pas s’éloigner de Jérusalem, de rester rassemblés, et cela leur vaut la venue de l’Esprit de Pentecôte. Quand un homme et une femme se mettent ensemble pour fonder un foyer, l’Esprit leur donne la grâce du Sacrement. Toutefois aucun membre du couple ne reçoit cette grâce séparément, mais c’est l’union des deux qui leur attire la grâce sacramentelle. L’Esprit constitue le ciment entre des rassemblés et les unit en un seul corps.

Mais, se demanderait-on, l’Esprit ne peut-il pas rassembler ? Je dis, il ne rassemble pas les dispersés, il unit les rassemblés. Que le monde d’aujourd’hui le sache : pour bénéficier de la force de l’Esprit, il doit supprimer toutes formes de barrières et de séparations qui s’appellent égoïsme, refus de partage, mépris de l’autre, haine, discrimination et guerre. Il faut se rassembler avec l’humanité et avancer comme humanité.

Justement, dans cette marche avec l’humanité, l’Eglise de la deuxième moitié du siècle dernier connaît des blocages, ne sachant plus comment s’y prendre avec la modernité, étouffant dans une salle restée trop longtemps fermée. Pour aérer la salle, il faut ouvrir les fenêtres, et c’est pour cela que l’Esprit pousse le Pape Jean XXIII à convoquer le Concile Vatican II. Le même Esprit dirige les travaux de ce Concile et tout redémarre depuis ce temps.

Que cet exemple pris au niveau de l’Eglise universelle nous assure que l’Esprit est présent dans tous les aspects de notre vie, qu’il nous soutient pour relever tous les défis et nous unit pour être des témoins du Christ jusqu’aux extrémités de la terre.