Homélie quatrième dimanche du temps ordinaire B: Laissons-nous donc purifier par sa Parole !

Première lecture : Dt 18, 15-20 ; Psaume responsorial : 95(94)
Deuxième lecture : 1 Co 7, 32-35 ; Evangile : Mc 1, 21-28.

En célébrant le dimanche de la Parole de Dieu il y a huit jours, on s’était demandé : « A quoi sert la Parole de Dieu ? » A la réponse proposée alors, s’ajoutent des précisions avec l’Evangile de ce jour, qui montre que la Parole de Dieu enseigne et guérit. Quand on sait combien nos connaissances
sont limitées et que nous ne sommes pas toujours bien portants, on peut mesurer l’utilité de ces deux fonctions de la Parole de Dieu : enseigner et guérir.

Enseigner. C’est un maître qui enseigne et un maître est une personne. Dire que la Parole de Dieu enseigne, c’est donc avancer qu’elle est une personne. De fait, c’est ce qu’elle est en Jésus, Parole de Dieu incarné dans le sein de la Vierge Marie. L’évangile d’aujourd’hui nous le présente comme la Parole qui enseigne. De fait, un profil dominant de Jésus dans l’Evangile, c’est celui de Rabbi, l’enseignant, le Maître. Qu’on lui attribue ce titre en ami (cf. Jn 3, 2) ou en opposant (cf. Lc 20, 21), Jésus s’impose comme un Rabbi en Israël.

Mais enseignant en quelle matière et quel contenu de doctrine ? L’Evangile de ce jour ne traite pas directement ces questions, mais il rapporte l’impression que laisse à l’auditoire l’enseignement de Jésus : voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Or, cet étonnement ne peut prédominer sans être soutenu par un contenu que l’on peut deviner en imaginant que Jésus n’est pas un compilateur de citations et qu’à la place de la formule introductive des oracles prophétiques : ainsi parle Yahvé… il en adopte une autre : En vérité, je vous le dis…, se montrant ainsi l’autorité suprême de la Parole. De fait, Jésus ne rapporte pas aux hommes des opinions, des conjectures ou des hypothèses, mais ce dont il est témoin auprès de son Père en tant que Fils unique (cf. Jn 1, 18).
C’est assez facile de dire qu’en Jésus nous adorons un Dieu. De fait, Dieu s’impose tellement qu’on ne peut que l’adorer. De plus, les structures de l’adoration sont disponibles avec la splendeur liturgique de notre religion. Mais tout en ne négligeant pas le devoir d’adoration, nous ne devons pas
oublier que nous sommes aussi des disciples de carrière, comme je le disais dimanche dernier, et que, en tant que tels, nous avons un maître, que dis-je ? Nous avons le Maître. Cela pourrait être toutefois moins intéressant, car un maître est une contrainte d’adhésion d’intellect et de vie à une sagesse. En ce qui concerne Jésus, il s’agit que le disciple se soumette inconditionnellement à la loi du double amour : amour de Dieu et amour du prochain (Mc 12, 29-31 et par).

Et voilà que souvent, nous nous montrons défaillants à suivre le maître dans les exigences de l’amour qui vont jusqu’à aimer tous, y compris l’ennemi, et pouvoir donner sa vie pour ceux qu’on aime (Jn 15, 13). Nos défaillances à le suivre s’appellent péchés. Or, le péché est notre maladie, et
c’est la même Parole que nous offensons qui nous en guérit : silence, sors de cet homme !

Guérir. Volontiers, l’homme moderne met la maladie au compte d’un affaiblissement vital suite à un mauvais état ou fonctionnement de l’un ou l’autre organe du corps humain, ou à l’ingérence de germes pathogènes, ou encore à la perturbation de fonctions mentales. L’institution de guérison,
c’est l’hôpital, ses agents ce sont les médecins et les pharmaciens, les moyens, c’est la science. Quand on sait que l’Eglise elle-même, dans son activité caritative bien appréciée, investit énormément dans les structures et le personnel hospitaliers, c’est à se demander si, dans le domaine de la guérison, l’homme ne peut pas se débrouiller sans Jésus. Or, voilà que dans sa carrière, on voit Jésus affronter de nombreuses maladies : fièvre, lèpre, hydropisie, paralysie, flux de sang, cécité, surdité, mutisme, épilepsie… Aujourd’hui, Marc nous le montre aux prises avec un mal que vous êtes prêts à renvoyer en psychiatrie : la possession diabolique.

On peut s’étonner que dans la carrière de Jésus, ce soit un esprit impur qui, le premier, le reconnaisse comme le saint de Dieu. Cette scène nous permet de prendre au sérieux la parole de l’Apôtre Jacques qui affirme que les démons croient aussi, et ils tremblent (Jc 2, 19). Il ne s’agit cependant pas de prendre le démon comme modèle de foi, ni d’oublier l’avertissement de Saint Jérôme, que le démon continue d’être toujours un menteur sous la demi-vérité de : le saint de Dieu au lieu de le Dieu Saint qu’est réellement Jésus. Il faut donc noter que cette rencontre est celle de deux adversaires depuis le Jardin de la Genèse, et que l’issue de la confrontation inévitable entre le pur et l’impur n’amène pas celui-ci à se purifier, mais à être chassé de l’homme. On estime à sa juste valeur cette victoire de Jésus lorsque d’une part on se rend compte que l’esprit impur parle de lui-même en termes de nous – allusion au monde du mal qu’il représente – et que d’autre part, on comprend que la guérison opérée par Jésus a valeur de symbole, en ce sens que l’unique homme guéri peut aussi parler de lui-même en termes de nous, en renvoyant à tous les hommes que Jésus guérit ainsi. On entrevoit alors la différence entre l’activité des médecins et celle de Jésus : le médecin guérit le malade, Jésus sauve le pécheur, et comme c’est le péché qui est source de maladie, Jésus guérit et sauve à la fois, et il accomplit l’un et l’autre geste avec sa Parole d’autorité.

Notre chance, notre béatitude, c’est que, à part le fait d’avoir un Maître qui nous trace avec autorité le chemin de l’amour, nous disposons d’un Sauveur qui nous guérit avec la même autorité de nos manquements à l’amour. Ce que Jésus ne fait pas pour l’esprit impur, il le fait pour nous, il purifie notre esprit. Laissons-nous donc purifier par sa Parole !